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HAC : c’est maintenant ou maintenant
Le Havre Athletic Club joue l’un des matchs les plus importants de son histoire, ce vendredi à 20h45 face à Dijon. L’enjeu ? Retrouver la Ligue 1 quinze ans après l’avoir quittée… ou connaître l’une des plus grosses désillusions de l’histoire du football français.
« Plus le combat est dur, plus la victoire est belle. » Tout sourire et tout transpirant, Loïc Badé a dégainé cette phrase (entendue aussi sur le morceau « Garcimore » de Booba en 2007) face caméra, ce jeudi, tard dans la nuit de Budapest, après avoir remporté la première Coupe d’Europe de sa jeune carrière sous les couleurs du Séville FC en écrabouillant la Roma aux tirs au but. Il faut dire que oui, le parcours des Andalous a été semé d’embûches cette saison, alors quand bien même le défenseur français a décidé de l’illustrer avec une formule qui ressemble à celles que l’on écrit sur sa trousse pour tuer le temps au collège quand le moral n’est pas au plus haut, il faut reconnaître que son analyse résume plutôt bien l’épopée des siens.
À quelque 1692 kilomètres de la capitale hongroise, les supporters du Havre Athletic Club ont forcément eu un petit pincement au cœur au moment de se rappeler que Loïc Badé, 23 ans, est un gars qui, comme un bon nombre de talents du football français, a été formé à la Cavée verte. Puis ils se sont subitement ressaisis et souvenus qu’il y avait un combat à mener, ce vendredi face à Dijon, que celui-ci sera dur et que la victoire sera belle même s’il s’agit en fait d’un match nul.
Du jamais-vu depuis 1955
C’est peut-être par là qu’il aurait fallu commencer : ce vendredi soir peut être le plus grand soir du siècle pour le HAC, qui n’a besoin que d’un petit point face au relégable Dijon (18e) pour valider son titre de champion de Ligue 2 et sa montée en Ligue 1. Le match se joue au stade Océane, les 25 000 places se sont vendues comme des petites baguettes tradition et si les choses se passent comme elles doivent se passer, un feu d’artifice éclatera plus tard dans la soirée, et une parade aura lieu le lendemain dans la ville. Édouard Philippe et l’ensemble de la sous-préfecture de Seine-Maritime sont prêts depuis longtemps pour cette échéance. Il faut dire qu’en égalant la série d’invincibilité la plus longue de l’histoire de la D2 française détenue par Sedan (mai 1954 à février 1955), les Havrais ont longtemps donné l’impression de marcher sur l’eau. On ne reste jamais invaincu 32 matchs de suite par hasard, qu’importe si cette série contient son lot de souffrance. Rien n’a été facile dans la saison du HAC, et le simple fait que la montée ne soit pas validée alors qu’il ne reste plus que 90 minutes à jouer dans ce championnat permet de ne pas l’oublier.
4 joueurs dans l’équipe type de la saison
Avant de se frotter à un DFCO de Pascal Dupraz qui joue sa survie en Ligue 2 et qui n’a plus perdu depuis huit matchs, le HAC a deux options. La première consiste à baisser la tête, à douter, à se dire qu’il vient de prendre 1 point sur 9 alors qu’il n’avait perdu cette saison qu’un seul match, en août dernier… La tête baissée, le club doyen verra alors apparaître sous ses yeux des chiffres qu’il analysera mal : Le Havre ne possède que la huitième meilleure attaque du championnat, aucun de ses gars ne figure dans le top 28 des meilleurs buteurs de la saison de L2 (!) et aucun n’a trouvé une place dans le top 24 des meilleurs passeurs. La deuxième option est celle que les Normands seraient inspirés de suivre : se dire que quand aucune individualité offensive n’émerge, cela signifie que le collectif est solide, que les maillons forts sont un peu partout et les maillons faibles un peu nulle part. Les Ciel et Marine doivent ainsi avoir confiance en leur football et se rappeler par exemple que quatre d’entre eux ont fait partie de l’équipe type UNFP de la Ligue 2, dévoilée dimanche dernier à Paris. Les quatre gaillards sont le dissuasif gardien Arthur Desmas, ainsi que trois joueurs formés au club : le rugueux défenseur central Arouna Sanganté, l’élégant milieu de terrain Amir Richardson et le patron de l’entrejeu et capitaine Victor Lekhal. Quatre garçons qui, face à Dijon, seront alignés au coup d’envoi par Luka Elsner, qui vient quant à lui d’être élu meilleur entraîneur de Ligue 2 par ses pairs.
🏆 𝐋𝐞𝐬 𝐓𝐫𝐨𝐩𝐡𝐞́𝐞𝐬 𝐔𝐍𝐅𝐏
Bravo à nos Ciel&Marine pour leurs récompenses aux trophées @UNFP ! 👏 pic.twitter.com/BW5MMaHo0w
— Havre Athletic Club ⚽️ (@HAC_Foot) May 29, 2023
Le 8e budget de Ligue 2
Au beau milieu de ce tourbillon d’émotions dans lequel les Havrais sont pris, il est nécessaire de prendre une seconde de recul et de mettre en exergue des éléments factuels : en début de saison, le HAC, 8e budget du championnat avec 13 millions d’euros (soit bien moins que le trio de fortunés composé de Bordeaux 40M€, Saint-Étienne 30M€ et Metz 25M€), n’avait pas franchement les armes pour viser la Ligue 1, ou alors cela correspondrait à dire que Nantes, 8e budget de l’élite, aurait aussi pu jouer le titre dans sa division. Trêve de comparaison mal sentie, lorsque Jean-Michel Roussier a débarqué à la présidence pour soulager l’Américain Vincent Volpe (toujours propriétaire du club), que Mathieu Bodmer a été nommé directeur sportif et qu’il a vite intronisé Luka Elsner au poste d’entraîneur, rares sont ceux qui pouvaient envisager que le HAC jouerait encore la montée à la dernière journée en Ligue 2, en ayant au passage accumulé 20 clean sheets en 37 journées. Le club normand végétait depuis quinze ans dans l’antichambre de l’élite du football français, et le discours que tenait Luka Elsner avait un seul mérite : trancher avec celui de prédécesseurs (Cédric Daury, Erick Mombaerts, Thierry Goudet, Bob Bradley, Oswald Tanchot et Paul Le Guen) qui, s’ils ne sont pas à mettre dans le même bateau, ont le point commun de s’être pointés en parlant d’emblée de montée ou de « montée dans les deux ans ». Le Slovène, les cheveux bien peignés, est arrivé sur la pointe des pieds et a déplacé le curseur de sa communication ailleurs. Il a évoqué l’objectif de « faire revenir les gens au stade ». Il y a neuf mois, cette formule paraissait bien abstraite. Ce vendredi, les Hacmen seront donc portés par un stade Océane rempli de 25 000 âmes, ce qui contribuera à faire gonfler une moyenne de 11 900 spectateurs par match cette saison jusqu’ici (contre 5900 lors de l’exercice précédent). Luka Elsner a donc déjà rempli son objectif. Sans le crier sur tous les toits, le tacticien de 40 ans a aussi accompagné sa venue de petites révolutions, comme celle de vite repeindre le centre d’entraînement aux couleurs du HAC, où deux nuances de bleu sont aujourd’hui omniprésentes. Aussi, l’ancien entraîneur d’Amiens a demandé qu’une frise réunissant les grandes dates de l’histoire du club doyen soit peinte dans ce bâtiment, de manière qu’elle soit sous les yeux de ses joueurs au quotidien. Ce vendredi, Victor Lekhal et ses coéquipiers ont un seul objectif : obliger l’équipe déco à revenir lundi matin pour une petite retouche.
Par Matthieu Pécot