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Gwinn Giulia we trust
Buteuse libératrice de l’Allemagne face à la Chine, Giulia Gwinn (19 ans) fait partie de la nouvelle génération de la Frauen-Nationalmannschaft, venue en France pour repartir avec une troisième étoile. Prochain rendez-vous des filles de Martina Voss-Tecklenburg : ce mercredi après-midi face à l’Espagne (18h).
Avant toute chose, son nom de famille se prononce « Gueuvine » et c’est important de le préciser parce qu’en allemand, le verbe gewinnen signifie gagner. Gagner, Giulia Gwinn a ça dans le sang. En tout cas lorsque certaines circonstances sont réunies. Jouer un match contre la Chine en Bretagne par exemple. En 2018, la native de Friedrichshafen, au bord du lac de Constance, avait participé à taper les Roses d’acier sur la pelouse du stade Marville de Saint-Malo lors de la Coupe du monde U20. Bon, l’Allemagne s’est fait sortir dans la foulée en quarts de finale, et à ce moment-là, Giulia Gwinn ne se doutait pas qu’elle reviendrait aussi vite sur les terres de la blanche hermine.
Chaque chose en son temps
Giulia Gwinn est une jeune fille qui s’est construite à son rythme, c’est-à-dire patiemment, étape par étape. Le foot, c’est un truc qui arrive dans sa vie à l’âge de huit ans, mais sa mère n’est au départ pas forcément pour que sa fille tape le cuir sur les terrains de Friedrichshafen. Alors Giulia s’essaie en parallèle au handball, au taekwondo et même au cyclisme artistique, une discipline qui consiste à faire des pirouettes sur un vélo dans un gymnase. Mais finalement, l’appel du ballon rond est le plus fort et, lorsqu’elle a seize ans, Gwinn décline poliment les offres de deux cadors que sont le Turbine Potsdam et le Bayern. Au lieu de quoi, elle s’engage non loin de chez elle, à Fribourg, où elle passe quatre saisons, avec en point d’orgue une finale de Pokal perdue en mai dernier sur le fil face à Wolfsburg. L’année prochaine, ce sera la Ligue des champions qu’elle disputera avec le Bayern, où son transfert a été annoncé peu avant la Coupe du monde. Cette fois-ci, elle est prête.
Capable de jouer des deux côtés en défense, à l’instar d’Eve Périsset en France, dotée d’une mentalité offensive et ne rechignant jamais à bouffer des kilomètres à chaque rencontre, Giulia Gwinn finit logiquement par taper dans l’œil de la sélectionneuse allemande Maria Voss-Tecklenburg, laquelle, comme Corinne Diacre, son homologue d’outre-Rhin, cherche à reconstruire la Frauen-Nationalmannschaft pour le Mondial français, en donnant leur chance à des futures grandes de Bundesliga pour épauler les cadres déjà en place. Face à la Chine, Gwinn débute sur le côté droit, puis, au terme d’une première mi-temps terne, bascule à gauche pour le second acte. Avec la réussite qu’on lui connaît : peu après l’heure de jeu, elle reprend un ballon à dix-huit mètres et déclenche une frappe surpuissante qui vient tromper Shimeng Peng et offre à l’Allemagne la seule issue acceptable pour n’importe quelle équipe candidate au titre final : la victoire (1-0).
Quand les tabloïds s’en mêlent
Logiquement élue femme du match, Giulia Gwinn avait le triomphe modeste au moment du passage obligatoire en conférence de presse après la rencontre : « Ce qui est important, c’est d’avoir pris trois points et d’avoir gagné. Chaque but que l’on marque pour la sélection nationale est important. Mais je pense que je n’oublierai jamais celui-là. » De fait, il s’agissait en effet de sa première apparition en match officiel, et en inscrivant ce pion décisif, Giulia Gwinn est devenue la troisième internationale allemande de moins de vingt ans à marquer en Coupe du monde, après Birgit Prinz (1995) et Ariane Hingst (1999). Un succès que l’ex-Fribourgeoise tient à partager avec ses coéquipières : « Si je n’ai pas joué avec beaucoup de pression, c’est parce que dans notre équipe, il y a des joueuses expérimentées, qui sont là depuis longtemps, elles donnent beaucoup de conseils. C’est grâce à elles que j’ai pu jouer ainsi aujourd’hui. »
Dans les tribunes, son père, pourtant réputé insensible, avait les larmes aux yeux. Sa femme et lui ont posé leurs congés annuels pour suivre leur fille dans toute la France à bord de leur caravane. Autant dire que la victoire de l’Allemagne contre la Chine avait de quoi rendre tout le monde heureux. Mais il a fallu qu’une certaine presse vienne tout gâcher dans la foulée. En effet, le tabloïd Bild a choisi de résumer la rencontre avec un titre on ne peut plus déplacé, du moins en apparence : « Une victoire moche décrochée grâce à la plus jolie. » De quoi faire fulminer l’internationale suédoise Nilla Fischer, présente au Roazhon Park ce jour-là.
It’s 2019 @BILD , come on!! Makes me furious! pic.twitter.com/xfRRFLEAaJ
— Nilla Fischer (@fischer_nilla) 8 juin 2019
Par la suite, Bild s’est justifié en expliquant que le terme de « plus jolie[joueuse] » était à mettre au compte de l’attaquante Alexandra Popp, laquelle devait, pour le compte du tabloïd, décrire chacune de ses 22 partenaires en un mot : « Giulia est la plus jolie. Elle fait très attention à son apparence, en particulier à la manière dont sont arrangés ses cheveux. » Si le choix du titre reste polémique puisque cette fois-ci, ce n’était pas la buteuse de Wolfsburg qui s’exprimait directement, la latérale à la massive tresse blonde n’était pas au bout de ses surprises puisque le quotidien munichois tz en rajoutait une couche : « Giulia Gwinn : voilà comment la bonasse de l’équipe nationale s’affiche sur Instagram. » Une formulation particulièrement choquante – et finalement corrigée – pour réduire à sa plastique de grande adolescente une jeune fille qui fêtera seulement ses vingt ans le 2 juillet prochain. Avec en guise de cadeau d’anniversaire un but en demi-finales ? Ce serait idéal pour remettre les pendules à l’heure.
Par Julien Duez
Propos de GG recueillis par JD, à Rennes.