- Disparition de Raymond Poulidor
Guy Roux : « Raymond Poulidor était supporter d’Auxerre à cause de moi »
L’immense Raymond Poulidor vient de nous quitter. Un pan entier de l’histoire du cyclisme de notre pays disparaît avec lui. Une époque aussi. Le terme de légende n’est pas trop fort, même s'il s’agit d’endosser le maillot du perdant magnifique, si cher aux Français. Cet éternel second prétendant auprès de la petite reine aura en tout cas sa revanche posthume, car d’une certaine façon, il l’emporte déjà dans les mémoires et dans les cœurs sur son grand rival Jacques Anquetil. Et auprès de son ami Guy Roux.
Vous avez souvent raconté votre passion pour le vélo, et votre admiration pour Raymond Poulidor. Vous le connaissiez personnellement ?Bien sûr. Nous sommes de la même génération. Nous n’avions que deux ans d’écart. Je l’ai rencontré quand j’avais vingt ans et que j’étais à Limoges. C’était entre 1958 et 1961. Le club était alors en première division. J’étais allé lui rendre visite dans la ferme de ses parents, pas très loin. Il était déjà un grand coureur, prometteur, un nom connu et reconnu. Depuis ce jour, nous sommes restés en contact au fil des années. Je suis allé le voir souvent sur les routes du Tour. On se croisait ensuite après, autour de notre amour pour ce sport. Je me souviens encore récemment d’une étape à Cholet, puisqu’il suivait toujours la grande boucle et que moi aussi, dans la mesure du possible, j’accompagnais cette belle épreuve. Nous avions discuté du vélo, du Limousin surtout…
Comment dresseriez-vous son portrait de cycliste, puisque vous cerniez autant l’homme que le compétiteur ?
Que puis-je dire ? Il a eu une carrière fabuleuse. Il lui a juste manqué évidemment la victoire finale à Paris. Tout le monde ne semble se rappeler que de cela, que de cet échec, ou plutôt ce raté. Mais avec vos bécanes modernes, et j’espère que des journalistes l’écriront aujourd’hui, vous allez vous rendre compte qu’il avait plus de 70 victoires à son actif. À 40 ans, il finissait toujours quatrième au classement final du Tour. Vous vous rendez compte ?
Vous avez une petite idée pour laquelle il n’a justement jamais pu toucher ce saint Graal du cyclisme ?C’est fort simple. Il n’était pas diplomate. Il était entier. Trop pur finalement d’une certaine façon. Au vélo, pour gagner le Tour, il faut des alliés, et pas seulement dans son équipe. Lui, il refusait tout compromis. Jacques Anquetil avait beaucoup plus d’alliés que Raymond…
L’historien Alfred Wahl a comparé le destin de Poulidor à celui de l’AS Saint-Étienne : la mémoire collective retient un échec, une défaite en finale, et oublie les nombreuses autres victoires…On peut le voir ainsi, tout a fait. Cependant, finalement, qui ne sait pas, en tout cas parmi ceux qui s’intéressent un peu au vélo comme moi, qu’il fut un très grand cycliste et à quel point il a compté ? Avec un peu de recul, n’est-ce pas là l’essentiel ?
À ce propos, il suivait un peu le football ?Oui, bien sûr. Pas autant que vous et moi forcément, mais comme un simple supporter. Quand il était jeune, Limoges évoluait dans l’élite, je vous l’ai déjà dit, et c’est par ce biais que nous nous sommes rencontrés. Nous sommes devenus amis comme je vous l’ai déjà raconté et après il a donc de ce fait un peu porté attention ce que j’ai fait. De fil en aiguille, il est devenu supporter d’Auxerre à cause de moi !
Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov