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Guy Roux : « J’ai intérêt à éviter ce virus, car je suis dans la mauvaise catégorie… »
Confiné chez lui dans sa maison, non loin d’Auxerre, Guy Roux (81 ans) donne des nouvelles et se rappelle la grippe asiatique de 1957.
Comment allez-vous, Guy ?Ça va très bien. Je regarde le Tour des Flandres, là (une rediffusion, N.D.L.R.). J’ai intérêt à l’éviter, ce virus, car je suis dans la mauvaise catégorie. Je me dis que je peux peut-être passer à côté… Vous me direz, en 1957, j’ai survécu à la grippe asiatique qui avait fait 100 000 morts. Mais on ne comptait pas les morts, il n’y avait pas la télé !
Où étiez-vous à cette époque ?
J’avais 19 ans, je venais d’avoir le bac, je jouais à Poitiers qui m’avait donné un poste de pion dans un centre d’apprentissage à Montmorillon. Un job comme un autre pour avoir un salaire. C’était un établissement de 300 élèves qui comptait… 300 malades ! La grippe asiatique touchait surtout les jeunes. Le cuisinier était grippé, le directeur aussi. Il ne restait que trois valides : le prof de gym, le médecin et moi !
Comment aviez-vous fait pour gérer la situation ?Le préfet avait envoyé un escadron de l’armée pour les nourrir. Ils avaient installé une roulante dans la cour du collège. Les gamins étaient logés dans des baraquements de la ligne de démarcation de la guerre de 40. Ils étaient 50 par dortoir, il y avait six dortoirs au total. Ils ne se levaient pas, ils avaient 40 de fièvre. C’était ce qui caractérisait cette grippe d’ailleurs : une très forte fièvre. Hygiéniquement, c’était pas croyable. Leurs draps étaient trempés à cause de la fièvre !
Quel était votre rôle en cette période dans ce centre ?Aidé par des soldats du détachement, j’alimentais les poêles avec des billes de bois. On les chauffait comme ça, 24h/24. Je me souviens que je me levais plusieurs fois la nuit pour remettre du bois. C’était arrivé en hiver de mémoire, au mois de décembre.
Comment aviez-vous fait pour ne pas tomber malade ?Je ne sais pas. Avec le prof de gym, on faisait un footing de 10 kilomètres tous les matins. On faisait le parcours en 45 minutes, 1 heure. On était à la campagne. On revenait trempés de sueur, on prenait une douche. Ensuite, on marchait aux tisanes, on prenait un aspirine et un gramme de vitamine C !
C’est bien différent d’aujourd’hui. Par exemple, on ne peut presque plus courir une heure comme vous le faisiez dans le temps !Oui si on veut, ce n’était pas du tout les mêmes mœurs ! Moi de mon côté, je suis confiné en périphérie d’Auxerre à la campagne. J’ai 2000m² de surface, je fais ma promenade tous les jours. J’essaye de dribbler le virus car, à mon âge, il ne me fera pas de cadeaux.
Propos recueillis par Andrea Chazy