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Gurtner : « Personne ne nous voyait là, même nous »

Propos recueillis par Florian Lefèvre
7 minutes
Gurtner : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Personne ne nous voyait là, même nous<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ce samedi, Amiens a besoin d’une victoire contre le Racing Club de Strasbourg pour aller chercher les 40 points quasiment synonymes de maintien. Ce sont aussi les retrouvailles entre le portier Régis Gurtner et son club formateur. Entretien avec un homme de 31 ans qui profite de l’arrivée du printemps pour prendre soin de son jardin.

Tu te rappelles le jour où le Racing Club de Strasbourg t’a recruté au centre de formation ?Oui, je jouais à Haguenau. Les recruteurs ont rencontré mes parents. J’ai beaucoup réfléchi parce que j’accordais beaucoup d’importance aux études. C’était l’année de mon bac !

Quand Strasbourg m’a rencontré, j’avais 17 ans, je préparais un bac scientifique. Il y a des gardiens qui ont des qualités intrinsèques, moi, je pense que je partais d’assez loin.

J’avais 17 ans, je préparais un bac scientifique. Il y a des gardiens qui ont des qualités intrinsèques, moi, je pense que je partais d’assez loin. Je le ressentais par rapport aux autres gardiens qui faisaient déjà du travail spécifique. La première année, on avait fait beaucoup de muscu, j’avais pris cinq/six kilos. J’étais vraiment très fatigué entre les études et le foot. Mes parents me demandaient de privilégier le bac. Par la suite, au centre, j’ai passé des diplômes dans le commerce et j’ai fait une formation dans l’immobilier grâce à l’UNFP.

À 15-16 ans, tu avais déjà tiré un trait sur une carrière de gardien professionnel ?C’était quasiment ça. Je partais de tellement loin… Même si j’étais au Racing, un club connu pour sa formation, c’était comme un pari au départ. J’ai intégré assez rapidement le groupe pro, mais chaque année, je signais des contrats d’un an seulement. Si je n’avais pas percé dans le foot ? J’aurais bien aimé devenir prof de sport ou kiné. C’est lié au sport. Mon père, lui, est responsable d’une exploitation de machine agricole et ma mère s’occupait de nous à la maison.

La campagne, ça te parle ?J’ai toujours habité à la campagne. J’aime bien la nature, m’occuper du jardin. Quand le printemps arrive, il y a la pelouse à tondre, les arbustes… En fait, j’aime les plaisirs simples : passer du temps avec ma famille, faire un bon resto avec ma femme.

Tu as dit récemment que quitter le Racing (à 24 ans) a été une bonne chose pour ta progression. Pourquoi ? Je pense qu’on a du mal à être reconnu à sa juste valeur dans son club formateur. On est dans un cocon, on ne va peut-être pas faire plus pour évoluer. Ce n’est pas une question de discours, j’ai connu au moins cinq coachs de Strasbourg. Même si je suis très famille, ça nous a fait du bien de voir un autre club, un autre environnement, à Boulogne.

Avant d’enchaîner les montées avec Amiens, tu as connu les descentes : administrative avec le Racing et sportive avec Boulogne-sur-Mer. Ce sont deux situations complètement différentes. Avec Strasbourg, j’étais titulaire en National. On savait que si on ne finissait pas dans les trois premiers, le club allait déposer le bilan parce que sans le droits TV, la DNCG allait mettre son nez dans les comptes du club. Cette année-là, il y avait vingt et un clubs en National, et nous, on était exempts à la dernière journée. On était troisièmes, il fallait espérer que Guingamp ne gagne pas à Rouen. On écoutait le match à la radio, et Guingamp a gagné… Un scénario vraiment particulier. C’était très dur à vivre. Un club liquidé, ce sont des emplois qui partent. Ça fait mal au cœur de partir là-dessus.

En 2014, tu reviens à Strasbourg avec Boulogne, et il y a ce choc avec Alexandre Mendy…Je fais une sortie dans les pieds à la limite de la surface. Je suis un peu en retard, je retombe sur son genou avec le bas-ventre… Après, je ne me souviens pas trop. (Rires.) J’avais un hématome à la rate, qui saignait. On me parlait de m’enlever la rate… Dans ces moments-là, on a un petit peu peur. J’ai passé deux mois sans jouer, mais je gardais le moral. Je suis très bien entouré par mes amis, ma famille et ma belle-famille… C’était une période vraiment difficile, car notre coéquipier Mauricio Alves Peruchi est décédé dans un accident de voiture.

Tu signes à Luzenac au moment où le club monte en Ligue 2, et tu vis de l’intérieur la relégation administrative du club.Ma femme était enceinte, donc je voulais signer dans un club rapidement. Luzenac m’a proposé un beau projet. Derrière, on nous dit qu’il allait y avoir des problèmes. Chaque semaine, il y avait de nouvelles échéances : passages à la DNCG, CNOSF, tribunal… Et, chaque semaine, on y croyait. Je suis arrivé avant la reprise et je suis parti le 20 septembre, ça a presque duré trois mois.

Qu’est-ce qui était le plus difficile ?On a pu s’entraîner, donc c’était positif. Il y avait le manque de compétition, mais le plus difficile, c’est de rentrer à la maison, et de ne pas savoir ce qu’on allait faire. On avait déjà emménagés près de Toulouse, ma femme avait démissionné de son travail à Boulogne où elle avait un CDI… C’est clair que j’ai eu vraiment beaucoup de chance de signer au Havre. Mais le groupe était déjà constitué. Le coach des gardiens, ses méthodes de travail étaient différentes de ce dont j’avais l’habitude. Des méthodes davantage basées sur la musculation. Ça n’a pas pris. Et, quand je commençais à jouer sur la fin de saison, je me suis cassé deux doigts.

À Amiens, tu retrouves ensuite Christophe Pélissier, que tu avais connu à Luzenac. C’est lui qui a été décisif dans ta venue en Picardie ?Oui. Lui et l’entraîneur des gardiens. Je sentais l’envie de tout un club. J’avais vraiment envie de jouer, quitte à descendre d’un niveau, donc on s’est mis d’accord avec Le Havre pour résilier.

On garde le souvenir de toi désertant ta surface le soir du match de la montée à Reims…Cette soirée-là, il faut vraiment la vivre pour ressentir les émotions. Au moment où Reims égalise, on est sixièmes du championnat. Je suis monté sur le dernier corner, et puis il y a ce coup franc. Je dépassais même les coéquipiers qui traînaient de la patte : « Allez, allez, on y croit ! » C’est un moment magique…

À cinq journées de la fin, vous avez huit points d’avance sur Troyes et Lille. C’est une surprise pour toi qu’Amiens s’en tire si bien à ce stade de la saison ?Oui, je pense que c’est une surprise pour tout le monde. Au début de saison, personne ne nous voyait là. Même nous ! Parce que c’est la première saison du club en Ligue 1, parce que le stade est en travaux, parce qu’une tribune s’est écroulée… Notre force, ça a été de garder de l’enthousiasme tous les jours malgré les moments difficiles. Sur cette fin de saison, il y a cette victoire à Lille. On a gagné ce match très important. C’est la première fois que je jouais à huis clos, le seul avantage, c’est qu’on s’entend sur le terrain. (Rires.)

Samedi soir, tu vas retrouver ton club formateur. Il y a des joueurs de l’effectif actuel du Racing que tu as connus là-bas ?

Je ne suis pas du genre à chambrer avant les matchs, je préfère boire une bière après.

Oui, Jérémy Grimm. En plus, il était à mon mariage l’année dernière. Il était au centre de formation avec moi, et il est revenu plus tard. J’ai le souvenir d’un match en CFA où on jouait le maintien. Tout le retour en bus, c’était la fête. On devait avoir 19 ans. Jérémy, je ne l’ai pas encore appelé. Je ne suis pas du genre à chambrer avant les matchs, je préfère boire une bière après.

Dans cet article :
Strasbourg et Reims n’offrent aucun but à la Meinau
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Propos recueillis par Florian Lefèvre

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