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Guillermo Guiz : « En 2002, les Diables rouges ne rentraient pas en boîte »

Propos recueillis par Jacques Besnard
Guillermo Guiz : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>En 2002, les Diables rouges ne rentraient pas en boîte<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Petit nouveau dans la team belge de France Inter, Guillermo Guiz est sans doute l'un des humoristes les plus doués au foot. Passé par le Standard de Liège et Anderlecht, il a craqué physiquement juste avant de pouvoir réaliser son rêve de gosse. Rencontre à Bruxelles autour d'un verre de vin blanc pour parler de sa nuque longue à la Chris Waddle, de ses espoirs brisés, d'Olivier Deschacht, de la traîtrise de Defour, de la lose belge et de la talonnade magique de Guti.

Salut Guillermo. Tu as fait beaucoup de foot quand tu étais petit.J’ai joué de l’âge de 7 jusqu’à 23 ans. J’ai commencé au RWDM à Molenbeek (Bruxelles) puis trois saisons au Standard de Liège, j’ai été transféré à l’Union Saint-Gilloise et Anderlecht est venu me chercher. J’ai joué en équipes réserve, puis je me suis gravement blessé et je ne suis jamais revenu, ça a été une dégringolade par la suite. Quand j’ai arrêté le foot, j’étais en quatrième division belge. Le sommet de ma gloire. Je n’étais pas loin d’être pro.

Ton père était à fond dedans ?Mon père m’a élevé tout seul. Le fait que je sois un bon petit joueur de foot, je crois que c’était une fierté pour lui, une manière de trouver du sens. Quand j’étais gamin, j’avais du talent, il me suivait afin de me mettre dans les meilleures conditions, alors qu’on n’avait pas financièrement tout ce que les autres avaient, mais il était là. Il a consacré une bonne partie de sa vie à ce que je réussisse dans le foot.

Quand tu étais gamin, tu avais une nuque longue à la Chris Waddle…Incroyable ou pas ? La vérité, c’est que j’allais chez le coiffeur en disant : « Je veux la coupe Chris Waddle » et pas : « Je veux avoir l’air plouc. » Quand je vois ma gueule comme ça, je comprends pourquoi je n’avais pas de succès avec les filles quand j’étais petit. Du coup, je pardonne plus facilement à celles qui m’ont snobé comme une merde quand j’avais dix ans. Cette photo est touchante et ce n’est pas pour rien qu’elle a fait partie de l’affiche de mon spectacle pendant un moment. Ça a été l’enfant que j’étais, passionné par le foot et, en même temps, je viens d’un quartier populaire. Tu peux pas être un type sophistiqué quand tu viens d’Anderlecht, quoi. Il y aura toujours ce côté-là en moi. J’évolue, je grandis, j’apprends, je me cultive, mais Anderlecht fera toujours partie de moi. Quand je me retrouve dans des quartiers comme ici au Châtelain, dans des endroits bobos, quand je vois passer les gens, je n’arrive pas à me reconnaître, je serai toujours en décalage.

Comment expliques-tu que tu aies manqué la dernière marche ?À chaque moment clé, j’ai échoué pour plein de raisons… Un exemple. Je jouais avec Gaby Mudingayi qui a évolué à la Lazio, à Bologne, à l’Inter. On était ensemble à l’Union Saint-Gilloise. J’étais sur le point de signer mon premier contrat « aspirant-équipe première » avec l’Union. On avait 15 ans tous les deux. On était dans la même équipe. Et là, Anderlecht nous appelle tous les deux. Ils nous proposent le même contrat, à savoir quatre paires de chaussures, trop bien… (rires) Il y avait les Copa Mundial à l’époque. Gaby reste à l’Union et, l’année d’après, il est en équipe première, file à La Gantoise, et sa carrière démarre. Moi, je signe à Anderlecht, je me blesse et c’est la dégringolade.

T’étais souvent blessé ?Depuis que j’ai 11 ans, je me suis blessé tout le temps. J’ai grandi hyper vite. Je bouffais de la viande rouge tous les jours. J’y pensais l’autre fois. Avec du recul, pour les fibres musculaires, le steak, ce n’est pas idéal. Je me niquais les muscles chaque saison, j’ai eu des blessures à la rotule… En fait, je suis arrivé avant que le football belge ne prenne conscience de lui-même et se dise : « Ce serait bien qu’on encadre véritablement les enfants. » Tout le monde pouvait être entraîneur à mon époque, on faisait n’importe quoi. Aujourd’hui, c’est devenu plus intelligent.

À quel moment comprends-tu que tu vas passer à côté de ton rêve ?Ça se fait progressivement, ce n’est pas du jour au lendemain. Tu ne passes pas du jour où t’es un espoir du foot belge, au jour d’après où tu n’es plus rien. Tu descends les niveaux, échelon après échelon et puis tu te rends compte que ça sent mauvais. À la fin, j’étais au White Star, un club de Bruxelles et je suis tombé sur un président qui ne me payait plus, je devais m’entraîner avec des jeunes alors que j’étais en équipe première. C’étaient des mesquineries qui existent au niveau pro, mais que tu encaisses car tu gagnes 25 000 euros à la fin du mois, mais quand t’es dans le foot amateur, ça prend une proportion plus grande. Quand je ne touchais pas mon salaire à ce moment-là, je me mettais réellement dans la merde. Physiquement. Je n’avais plus à bouffer du jour au lendemain. Ces 1 000 balles me payaient mes études et la bouffe. Après, je n’avais pas le caractère adapté au foot. J’étais un peu rebelle, mais sans avoir les qualités footballistiques pour l’être. Je n’avais pas suffisamment d’impact sur le terrain pour faire le type qui faisait la gueule et chier les entraîneurs.

Tu as joué avec d’autres gars qui ont percé ?J’ai joué trois ans avec Olivier Deschacht à Anderlecht, qui était un horrible type, détestable. Un être humain pas cool. Il avait reçu un Range Rover à ses 18 ans, moi je venais en bus. C’est un gosse riche. Son père a une grosse entreprise de plastique, c’était l’un des principaux sponsors de Bruges. Il était bien quoi. En grandissant, il a mûri, car quand je le vois en interview, j’ai l’impression qu’il est plus intelligent. Et puis, sur le terrain, c’était un super joueur. Il jouait au milieu sur le côté gauche, il avait une vista, tu ne lui prenais pas le ballon alors que c’est devenu un latéral laborieux. J’ai joué aussi avec Luigi Pieroni et Önder Turacı qui a joué à Fenerbahçe.

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Aujourd’hui, ça reste gravé en toi, ce rêve brisé ?J’aurai toujours un trou dans mon cœur par rapport à ça. Je me demanderai toujours : « Qu’est-ce qui se serait passé si j’avais joué devant 80 000 personnes et si j’avais fait un geste incroyable, une passe en profondeur ou une pure inspiration ? » Ça doit être une expérience unique au monde… Je pense que je regretterai toujours de ne la vivre qu’en rêve, car je la vis toujours en rêve. Quand je rêve de foot, j’arrive en retard dans le vestiaire, mes lacets sont défaits, je rentre sur le terrain à la bourre.

Tu n’as jamais joué dans un stade, mais tu montes sur scène. Ça compense un peu cet échec ?Dans la scène, tu as un côté sport de haut niveau où tu dois être préparé et ça reste un challenge. Quand t’es dans un vestiaire, tu ne sais jamais comment va se passer le match. Si tu rates ta première passe, tu n’es pas en confiance. Sur scène, si tu rates ta première vanne, tu dois te rattraper, tu dois jouer avec le public. Il y a plein de manières de retrouver de l’adrénaline et je pense que la scène en est une. Mais plus que la recherche de l’adrénaline, pour moi faire de la scène, c’est se révéler en tant que personne.

Tu as grandi à Anderlecht, quel est ton rapport avec le plus grand club belge ?Moi, je suis un produit du RWDM qui est l’anti-Anderlecht, puis je suis passé au Standard qui est l’anti-Anderlecht… J’ai baigné entre mes 7 et mes 15 ans dans « l’anti-Anderlechtalisme » primaire. Ça a toujours été le club de la petite bourgeoisie flamande du Pajottenland, au sud-est de Bruxelles. J’ai toujours eu un mépris pour ça. Pour moi, il fallait être dans un club plus populaire, d’obédience plus ouvrière. À Molenbeek, on crevait la dalle. On était des outsiders, j’ai toujours été de ce côté. Anderlecht, j’y ai joué trois ans, j’ai 35 ans, il m’est arrivé plein de trucs dans ma vie, mais quand j’entends qu’Anderlecht perd, ça peut illuminer ma fin de week-end.


Tu as joué au Standard, puis chez les Mauves, toi aussi tu aurais pu avoir ta tête sur un tifo à la Defour ?Defour, je militais il y a dix ans pour qu’on lui donne les clefs de l’équipe nationale. Le mec, il a un talent fou, il avait 19 ans, il était capitaine du Standard. Daniel Camus (ancien joueur professionnel et un de ses meilleurs amis, ndlr) qui est fan d’Anderlecht me disait que c’était une merde. Et quand il a été transféré à Anderlecht, j’ai dit pareil et Daniel a commencé à l’aimer. Quand il a signé à Anderlecht, il a cessé d’exister dans mon cœur. Ça prouve juste que c’est chacun pour sa gueule et que t’agis en fonction des circonstances, il n’y a plus d’attachement au club.

Il y a un joueur qui te fait encore rêver aujourd’hui ?Le joueur pour qui j’ai le plus de tendresse, c’est Iniesta. J’ai fait une chronique sur lui, car je trouve que c’est un poète. Il y a un autre mec qui m’a marqué, c’est Guti qui a fait cinq, six actions de dingue dans sa carrière, et sa talonnade, là, pour moi c’est l’inspiration de la décennie. Il y a 999 joueurs sur 1 000 qui frappent du plat du pied dans le petit filet. Lui, pour la beauté du geste, il fait une talonnade. Sur cette action, Guti m’a emmené dans un univers qui est différent et m’a fait aimer la vie.


Tu as vu des matchs en France ?Pas encore. Mais j’ai fait le France-Belgique (3-4) il y a deux ans. J’ai une vanne dans mon spectacle qui parle du baby boom en Belgique neuf mois après chaque défaite de l’équipe de France. Moi, j’avais un père francophile, donc cet espèce de contentement que la France ramasse, je l’ai fait en opposition par rapport à mon père. Pas pour coller au troupeau belge. Aujourd’hui, j’ai de la bienveillance pour la France contre les Belges qui sont en mode « On a une équipe incroyable » . J’ai un peu un esprit de contradiction. Comme tous les Belges sont à fond pour l’équipe nationale, je ne suis pas totalement derrière. On a une belle équipe, mais qui m’emmerde. Ils ne me font pas rêver. On a l’impression que ce sont un peu des branleurs. À l’Euro, j’ai pris plus de plaisir en regardant la France que la Belgique.

Vous avez mangé votre pain noir pendant quelques années en même temps…Étant dans un culte de la mélancolie et de lose, j’ai la nostalgie de l’époque où on était des losers en fait. Quand on faisait 0-0 contre le Kazakhstan et qu’on disait : « D’une certaine manière, c’est un bon 0-0… » J’aimais bien notre équipe avec Gert Verheyen et Bart Goor. Quand on était en Corée, on était nulle part. C’était horrible. Ils étaient tous mauvais individuellement, mais on sentait qu’ils avaient une force de survie. Ils étaient laids, tous, il n’y avait pas un beau mec là-dedans. Aujourd’hui, ils sont tous gominés, t’as Hazard, Carrasco, Benteke, ils mettent du champagne sur la table, ils rentrent avec toutes les gonzesses de la boîte. Tu crois qu’à l’époque, Verheyen, Vanderhaeghe, ils pouvaient faire ça ? En fait, les Diables en 2002 ne pouvaient même pas rentrer en boîte (rires). Les videurs ne les laissaient pas entrer, c’est pour ça qu’ils avaient la force de tout donner quand ils étaient sur le terrain.

Guillermo Guiz sera au Point Virgule à Paris pour jouer Guillermo Guiz a un bon fond dès le 28 septembre du jeudi au samedi à 20h. Et à la rentrée sur France Inter dans La Bande originale.
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Propos recueillis par Jacques Besnard

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