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Guillaume Jannez : « On est désormais pesé toutes les semaines »
Arrivé à l’US Concarneau il y a neuf ans, capitaine de l’équipe depuis sept, Guillaume Jannez (vingt-sept ans) est un peu l’âme du club finistérien. Ce même club qui, contre toute attente, squatte la place de leader du National depuis le début de saison. Alors qui d’autre que le solide défenseur central (1,96 m, pour nous parler de tout ça ? Personne.
Comment expliques-tu cette superbe première partie de saison ? C’est vrai que dans l’effectif, nous avions très peu de joueurs qui avaient eu la chance de connaître le niveau du National, donc on était tous très impatients à l’idée de découvrir ça. Et c’est d’ailleurs sûrement ce qui nous a aidés, car on s’est tous préparés mentalement et physiquement dans ce but là ; et dès les premiers matchs, on a réussi à faire des résultats, car on s’est donné à fond en sachant que si on n’était pas tous à 100% d’entrée de jeu, on serait vite redescendus.
Il n’y avait pas trop d’appréhension ? Non, je ne parlerais pas d’appréhension, mais plus de curiosité. Pour être honnête, on avait même vachement hâte de commencer le championnat pour voir ce qu’on valait.
Et vous avez senti une vraie différence de niveau entre le CFA et le National ? Ouais, bien sûr. Chaque fois que tu montes d’un échelon, tu te rends compte qu’il y a un écart, de toute façon. Là, tu vois que tous les petits défauts, que ce soit de placement ou de communication, bah tu les paies cash. Tu n’as pas le même droit à l’erreur, ce qui nous oblige à être beaucoup plus concentrés. Il faut toujours être au taquet si tu ne veux pas très vite passer à côté de ta saison.
Malgré ça, vous êtes aujourd’hui leader avec 32 points après 18 journées. C’est quelque chose que vous n’auriez jamais pu imaginer en début de saison, du coup ? Absolument pas, non. Après, on peut remonter encore plus loin, hein, car si quelqu’un nous avait dit, il y a sept ans, qu’on jouerait un jour en National, personne n’aurait osé y croire. Donc voilà, maintenant qu’on y est, on en profite, car c’est certain qu’on aurait tous signé en début de saison pour avoir 32 points après seulement 18 journées. C’est assez exceptionnel.
Et comment en êtes-vous arrivés là, justement ? Le club a-t-il mis plus de moyens à un moment donné pour essayer de grandir ?
Non, je pense qu’on a eu une très belle génération et qu’on s’est tous impliqués dans le club pour avoir de bons résultats. À la base, on était pour la plupart des joueurs du coin, de la région, mais après, il a bien évidemment fallu recruter des joueurs d’ailleurs pour essayer de grandir et de s’améliorer. Le club a évolué naturellement, en fait, car je ne pense pas que nous étions partis pour un tel projet. Que ce soit les joueurs ou les dirigeants, tout le monde s’est pris au jeu au fil du temps, sans vraiment s’y préparer.
Et aujourd’hui, avec le classement qui est le vôtre après 18 journées, ne commence-t-on pas à vraiment penser de plus en plus à la Ligue 2 ?Non, on ne se fait pas trop d’illusions. On a déjà connu, en CFA, des saisons où on démarrait bien avant de connaître de réels coups de moins bien en seconde partie de championnat, sans parvenir à remporter le moindre match. Il ne faut vraiment pas s’enflammer, surtout vu d’où on vient.
Après, quoi qu’il arrive, votre saison n’est-elle pas d’ores et déjà réussie ? Évidemment, si on nous avait dit qu’on en serait là après 18 journées, on aurait signé immédiatement, sans se poser de question. Là, on va faire en sorte de faire durer cette réussite le plus longtemps possible, sans se prendre la tête, et on verra où ça nous mène. Notre objectif de fin de saison n’a pas changé, on souhaite toujours assurer le maintien, même si bon, là on est quand même bien partis pour le valider. À partir de maintenant, ce n’est plus que du bonus, mais on va quand même essayer de garder notre dynamique qui est excellente jusqu’à maintenant.
Le club s’est-il professionnalisé pour mieux aborder cette saison de National ?Oui, forcément. Il y a notamment une partie de l’effectif qui est sous contrat fédéral, même si la plupart d’entre nous bossons. Du coup, ceux qui ont des contrats fédéraux ont deux séances d’entraînement par jour. Mais sinon, le club n’a pas vraiment chamboulé son mode de fonctionnement. Après, vu qu’on est beaucoup à travailler, le club s’adapte au niveau des horaires, notamment pour les déplacements, histoire qu’on n’ait pas trop de jours à prendre, c’est d’ailleurs pour ça que le club a décidé d’investir une partie du budget dans des déplacements en avion, pour gagner du temps, et c’est plutôt agréable.
Personnellement, tu fais partie de ceux qui travaillent ?
Oui, tout à fait. Je travaille pour Cadiou Industrie, une boîte située à une quarantaine de kilomètres de Concarneau qui est spécialisée dans la fabrication de portails. Je suis assistant transport, donc en gros je suis dans les bureaux et je gère les tournées du sud de la France.
Et ton travail te permet une certaine flexibilité au niveau des horaires, pour les entraînements ou les matchs ? Ouais bah justement, cette année je suis passé à 80%, pour ne pas travailler le vendredi et ainsi être libre les jours de match. Après, les autres jours, j’ai des horaires de bureau classiques, donc je commence ma journée à huit heures et je file directement à l’entraînement, qui commence à 18h, dans la foulée.
Étant donné que vous vous entraînez tous les jours, ça ne fait pas trop lourd avec le travail à côté ? Non, on est habitués. C’est une journée classique pour nous (rires). Après, si on a un petit coup de fatigue, le coach est assez cool et nous laisse pas mal d’autonomie, donc il est possible de souffler si jamais tu en as vraiment besoin. Il y a également ceux dont le travail les amène à avoir des rendez-vous professionnels en fin de journée et qui s’arrangent avec le club et leur boulot pour pouvoir s’entraîner le matin à la place.
Du coup, vous n’avez aucun contrat avec le club, pas de primes ou autres ? On a les primes de match, mais sinon, non, on n’a pas de contrat, on a des licences classiques. Après, c’est un choix. Moi, si on m’avait demandé de passer sous contrat fédéral ou de continuer à travailler, j’aurais continué à travailler sans hésiter. On ne sait pas trop où on va, tout ce qu’on vit là peut très vite s’arrêter, donc on n’allait pas tout changer pour peut-être une seule année de National. Ça ne valait pas le coup de risquer de perdre son travail. C’est une situation qui nous va plutôt bien.
On parlait des changements au sein du club, mais est-ce que vous, joueurs, vous avez changé vos habitudes, que ce soit en matière d’alimentation, de sorties ?
Oui, c’est vrai qu’on est un peu obligés de faire attention maintenant. On est désormais pesé toutes les semaines, ça fait un peu bizarre, mais on n’a pas trop le choix. Il faut bien faire des efforts, notamment sur la boisson, on essaie de sortir un peu moins, de faire plus gaffe. Après, là-dessus, les dirigeants et le coach ne sont pas non plus trop chiants, on est tous des grands garçons, on sait tous qu’on vit une aventure extraordinaire, donc on arrive à se gérer sans être fliqués comme des grands sportifs. Des excès il y en a, et il y en aura toujours, car on aime tous faire la fête, mais on essaie quand même de se restreindre, comparé aux saisons précédentes. On essaie de profiter des bons moments qu’on passe ensemble, notamment avec nos supporters, sans finir systématiquement à cinq heures du matin (rires).
Tu parles des supporters, c’est l’une de vos grandes forces avec une affluence moyenne de 2000 personnes, ce qui est assez important pour du National… C’est vrai qu’il y a un véritable engouement autour de l’équipe cette saison. Mais même l’année dernière, déjà, on avait beaucoup de monde au stade. Après, le fait que l’on joue en National et qu’en plus on ait de bons résultats, tout ça fait que les gens viennent nombreux au stade. On avait un peu peur avec le changement d’horaires, car l’année dernière on jouait le samedi à 18h30, alors que maintenant, c’est à 20h le vendredi, mais on se rend compte qu’on est toujours autant suivis et c’est formidable. Je pense honnêtement que beaucoup de clubs de National envient l’ambiance qu’il y a dans notre stade.
Vous êtes devenues les célébrités locales ? Pas des célébrités, non (rires) ! Après, on habite tous dans la région, que ce soit à Concarneau ou à Quimper, donc on nous reconnaît de temps en temps, mais c’est assez rare. Si on nous offre des tournées au bar ? Non, pas vraiment. C’est arrivé un peu l’année dernière après des tours de Coupe de France, mais cette année ce n’est pas comme ça.
Propos recueillis par Gaspard Manet