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Guillaume Gigliotti : « En Serie C, il n’y a quasiment que des derbys »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
Guillaume Gigliotti : « En Serie C, il n’y a quasiment que des derbys »

Formé à l'AS Monaco, Guillaume Gigliotti est professionnel depuis cinq saisons, toutes passées à l'étranger et principalement en Italie. Sa terre d'accueil s'appelle Foggia, en Serie C italienne, dans le Sud de la Botte.

Tu as fini ta formation à Monaco, comment tu as atterri en Italie à l’été 2010 ?

Pour ma dernière année à Monaco, j’ai fait une bonne saison en CFA2. On est même montés en CFA, mais on ne m’a pas fait signer pro. Frédéric Barilaro, mon entraîneur de l’époque, connaissait Marco Simone, qui était alors agent de footballeurs. Il l’a informé qu’il avait un joueur qui ne signerait pas pro et Simone a transmis l’information au directeur sportif de Novara, qui est venu me superviser. Il m’a recontacté trois jours après le match où il m’avait observé en me disant que Novara me proposait un contrat de 4 ans. J’ai dit « Pas de problème, on peut signer. »

C’était une belle opportunité en Serie B…

J’avais quelques opportunités en Ligue 2 française aussi, mais en Italie, on me proposait le double financièrement et, en plus, ce n’était pas très loin de Monaco, donc j’ai accepté direct.

En 2011, ton équipe monte en Serie A et tu as eu du temps de jeu…

Oui, j’ai joué quinze matchs. On est passé par les play-offs. C’était une nouvelle expérience pour moi. Chaque match ressemblait à une finale, c’était très tendu. Le stade s’est rempli au fil de la saison, le public voyant qu’on jouait pour la montée. Les dernières rencontres, le stade était toujours plein.

Le club monte en Serie A, mais toi, tu es envoyé à Foggia en troisième division, une déception ?

Le directeur sportif qui m’avait recruté m’avait dit que j’allais avoir du temps de jeu en Serie A, mais finalement il est parti à la Sampdoria. Son remplaçant, d’entrée, m’a dit : « Je ne te veux pas, je t’envoie en prêt. » Je n’ai pas eu le choix et je l’ai plutôt mal vécu…

Et paradoxalement, à Foggia, tu vas vivre une belle saison.

C’est ça, 32 matchs en Serie C. J’étais même capitaine, j’ai mis quelques buts. L’année d’après, je suis reparti à Novara, et Empoli a racheté mon contrat. Durant le stage de pré-saison, je me suis fracturé le pied. Quatre mois à l’écart, cela a débouché sur une saison blanche, un seul match. J’étais revenu en décembre, l’équipe était seconde du championnat, donc l’entraîneur n’a pas cherché à changer son équipe qui, au final, a perdu en play-offs.

Pourquoi après avoir choisi de te relancer en Espagne, à Badalona, à l’intersaison 2013 ?

J’ai rencontré un agent qui me l’a proposé, et je lui ai fait confiance. J’ai donc demandé une résiliation à Empoli. Ils voulaient me prolonger, mais j’ai insisté pour partir. Je ne vais pas nommer l’agent, mais il m’avait parlé de club de Liga, et finalement j’ai atterri en Segunda B à Badalona. C’est l’équivalent du National en France. Là-bas, personne ne me connaissait, même le coach. Jusqu’à Noël, je ne suis entré en jeu que deux fois pour 30 minutes. Et au poste de milieu offensif gauche, alors que je suis défenseur central… À Noël, j’ai résilié et je suis rentré chez moi. Foggia m’a recontacté et j’y suis allé. Ils voulaient tester ma condition physique sur 2-3 jours, cela s’est bien passé. Sauf que le jour de la signature, à l’entraînement, je me fais une entorse du genou. Ils m’ont alors dit : « Tu en as pour 2-3 mois, on ne te fait pas signer de contrat, mais tu peux rester avec nous pour te soigner, on va te remettre en état, et tu signeras la saison prochaine. » C’était en janvier 2014 et j’ai signé cet été à Foggia.

Finalement, Foggia, c’est un peu ta seconde maison en tant que footballeur ?

C’est là où j’ai fait le plus de matchs et là où je me sens le mieux. On peut dire qu’ils m’ont accueilli à bras ouverts, qu’ils m’ont toujours bien traité. J’essaie de le leur rendre en faisant une bonne saison.

Le club historique de Foggia a été radié en 2012. Quelle est sa structure actuelle ?

La première année que j’ai passée là-bas, le club a fait faillite en fin de saison et il est reparti de Serie D. Ils ont gagné successivement la Serie D et la Serie C2, ce qui leur vaut aujourd’hui d’être en Serie C, l’équivalent du National. L’histoire du club est inchangée, les supporters, leurs références, Zeman, Signori, cela n’a pas changé. C’est toujours cette identité-là. Ce n’est pas une page blanche, mais le club emblématique que tout le monde connaît et qui a évolué en Serie A pendant de nombreuses années. Je dirais même qu’il y a plus de tifosi par rapport à quelques années en arrière car il y avait des courants d’opposition contre les anciens dirigeants. Aujourd’hui, la structure qui dirige le club est assainie. C’est un projet qui se monte, et l’idée est de retourner en Serie B dans les deux ans qui viennent.

Quelles sont les valeurs des tifosi, ils vous demandent quoi ?

Avant le début du championnat, des représentants des virages Nord et Sud sont venus dans notre vestiaire et se sont présentés. Ils nous ont expliqué qu’ils voulaient un bon rapport avec les joueurs, qu’ils nous demandaient de mouiller le maillot, de donner le maximum et qu’ils ne nous reprocheraient pas de perdre certains matchs. Qu’on soit à fond, les résultats suivraient.
Une fois, les supporters sont venus à l’entraînement et ont frappé le gardien de but. Il a quitté le club sans un mot et n’est jamais revenu.

À quoi cela ressemble un match de Serie C italienne ?

Dans le Sud, cela ressemble à la Ligue 2 française, c’est plus ou moins le même niveau. Le public des équipes du Sud, c’est assez chaud. À chaque match, les virages sont pleins, même si à Foggia, pour des raisons de sécurité, on ne peut pas faire entrer plus de 5000 supporters. Mais à chaque match, c’est 5000 minimum aussi. Il y a une grosse ferveur, que tu perdes ou que tu gagnes, on t’encourage si tu te donnes à fond. Si tu ne le fais pas, tu te fais siffler rapidement.

C’est un peu chaud parfois ?

Si cela se passe mal, tu ne peux plus sortir dans la rue car ils te reconnaissent et ils viennent t’emmerder. Je n’ai pas eu de problèmes en particulier car j’ai toujours eu une attitude adéquate. Il y a trois ans, après une défaite, les supporters sont venus au centre d’entraînement. On avait perdu un match sur une erreur de notre gardien, Paolo Ginestra, et en conférence de presse, il avait dit que c’était à cause de « l’ambiance de merde dans le stade, car à chaque passe ratée il y avait des sifflets » . Le lendemain, les supporters sont venus à l’entraînement et ils ont frappé le gardien. Il a quitté le club sans un mot et n’est jamais revenu. Je ne suis même pas certain qu’il ait pris le temps de négocier la rupture de son contrat.

C’est qui le grand rival de Foggia ?

Il y a trois groupes en Serie C, nous on est dans le groupe Sud, le plus chaud. Il n’y a quasiment que des derbys, au moins six ou sept vraiment chauds. Les supporters se détestent. C’est un peu le bordel autour des matchs. Dans le stade, ça va car il y a des mesures de sécurité importantes, mais aux alentours du stade, c’est assez tendu. Il n’y a pas forcément de drame, mais des blessés en marge de chaque match, oui. Ces affrontements entre supporters alimentent pas mal les journaux…

Ultras aggressifs, racisme, violences, et tout ça en Italie, ce ne sont donc pas des clichés ?

En Serie C, je n’ai pas connaissance de propos racistes. Je peux dire qu’il n’y en a qu’en Serie A et seulement très rarement en Serie B et C. C’est assez particulier, je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que ce n’est pas médiatisé comme en Serie A.

Et des histoires de corruption ?

J’ai lu pas mal de trucs, mais moi, personnellement, je n’ai jamais reçu de coup de fil à Novara, Empoli ou Foggia…

Le salaire moyen en Serie C, cela tourne autour de combien ?

Cela dépend des clubs et des joueurs. C’est un peu plus haut que le National français, mais c’est aussi très variable avec des clubs qui n’ont quasiment pas d’argent et d’autres qui en ont beaucoup. Le salaire maximum, cela peut atteindre 25000 euros net par mois.

Payés chaque mois ?


En fait, on est payé tous les deux mois dans le pire des cas. Il y a une règle qui stipule qu’un club ne payant pas ses joueurs pendant deux mois prend des points de pénalité. Donc le dernier jour avant l’échéance, le salaire arrive. Tous les deux mois, tu reçois deux mois de salaire, il faut s’organiser, mais au début, c’est un peu compliqué. C’est devenu une habitude.

Hors du foot, ta vie à Foggia et dans les Pouilles, cela ressemble à quoi ?

Une vie à l’italienne, tranquillement. Si j’ai entraînement l’après-midi, je dors le matin. Pour les mecs qui n’ont pas de copine, on mange plus souvent avec les coéquipiers parce que cela se fait beaucoup ici de manger entre joueurs. Les Italiens aiment aussi venir au centre d’entraînement en avance, une heure avant le début de l’entraînement. Moi, je suis assez calme. Je me repose un maximum, je vais parfois à la plage car la mer n’est pas loin. Et comme j’ai une copine italienne, je mange pas mal italien, beaucoup de pâtes.

On dit souvent qu’il y a un clivage Nord-Sud en Italie, tu le ressens quand tu joues ?

Déjà, le climat est différent, et le Nord est beaucoup plus urbanisé que le Sud. On ne joue pas beaucoup au Nord désormais, mais il y a trois ans, quand on y allait souvent, le contraste était fort : il n’y a pas autant de monde dans les stades, tu as presque l’impression de jouer un match de CFA. En Serie C, il n’y a pas de public au Nord, contrairement au Sud.

Aujourd’hui, tu te sens plus français ou italien ?

Je n’oublie pas d’où je viens. Je me sens français, même si je vis en Italie et que je m’y sens bien car j’ai un peu tout le monde là-bas, ma copine, des amis. Je dirais que je me sens mieux en Italie. Quand je rentre en France, je suis content de voir ma famille, mais je suis aussi content de retourner à Foggia après.

Tu t’imagines rester en Italie après ta carrière ?

Je ne suis pas certain de faire toute ma carrière en Italie. J’aimerais partir dans un autre championnat, genre aux États-Unis, pour essayer d’avoir un bon contrat, je ne vais pas te mentir. J’aimerais aller en Angleterre aussi, voire, pourquoi pas, aller en France. Je n’ai jamais joué en France, car je n’ai jamais eu de bonne opportunité. Mais si j’ai une offre correcte d’un club de Ligue 2, cela me plairait bien…
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