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« Avec l’Hexacup, on veut remplir les terrains de France tout en virant les déchets »

Propos recueillis par Alexandre Lazar

En fondant l'Hexacup à seulement 20 ans, Guillaume Cazcarra n'aurait pas forcément imaginé revigorer la pratique et la vision du football à 8 en France. Mais son application mobile destinée aux footballeurs amateurs ne compte déjà plus ses adeptes. Objectif : «  former » des joueurs-citoyens qui agissent pour la planète. Entretien vert.

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Concrètement, comment est née l’Hexacup ?

Je m’ennuyais durant le premier confinement, et j’avais envie de retrouver les terrains de sport. Quand le confinement s’est arrêté, j’ai décidé de créer une association et une application mobile : l’Hexacup. En chauffant des amis, puis des amis d’amis, pour mettre les premières équipes sur pied. On offre aux gens une pratique du football à 8 totalement libre : les utilisateurs peuvent créer leur équipe, avec un nom et un logo rigolo, avant de s’affronter. Tout a pris une ampleur que je n’avais pas du tout prévue. Il y avait une vraie demande de la part des jeunes, donc on a eu entre 50 et 60 équipes composées de jeunes de 15 à 25 ans. Quand j’ai vu l’engouement, même si ce n’était qu’un délire entre potes au départ, j’ai vite eu envie de faire grandir le projet. Je suis originaire de Bordeaux, donc on a commencé notre activité là-bas. Et puis on s’est implantés à Lille, Paris, Toulouse, où il y a beaucoup d’étudiants. Aujourd’hui, trois ans après le lancement, on est présents dans vingt villes.

Certains joueurs ont connu les centres de formation, d’autres donnent l’impression de toucher un ballon pour la première fois. Ce mix, c’est l’âme du projet.

Comment fonctionne l’application ?

Pour un jeune, c’est assez simple : il faut créer son profil pour pouvoir recruter des joueurs et matcher avec un adversaire. C’est un peu le Tinder du football amateur, ça permet de trouver des adversaires facilement, et le plus près de chez soi. Certains joueurs ont connu les centres de formation, d’autres donnent l’impression de toucher un ballon pour la première fois. Ce mix, c’est l’âme du projet. Et c’est tout bête, mais la gratuité permet de casser les barrières qui peuvent se créer d’elles-mêmes. Tu as une ligue par ville, un championnat libre par ville, où tu joues quand tu veux. En fin de saison, les équipes les plus actives, à la fois sportivement et écologiquement, sont sélectionnées pour participer à des play-off dans leurs villes. Elles sont six, un peu sur le modèle du Top 14. L’équipe gagnante est invitée à Paris pour le tournoi national, qu’on a lancé cette année et qui s’est tenu le 25 juin dernier au centre d’entraînement du Paris FC.

Tu mets l’aspect écologique sur le même plan que le sportif ?

J’ai déjà essayé de lancer des projets en lien avec l’écologie, mais il n’y avait pas d’adhésion. Aujourd’hui, les jeunes sont sensibilisés, mais le plus dur reste de les faire passer à l’action. Se lever à 9 heures pour ramasser des déchets, ce n’est pas évident pour tout le monde. Jouer au football c’est bien, mais ça ne suffit plus. On avait envie d’aller plus loin, parce que pour nous, le football de demain sera écologique… ou ne sera plus du tout du football. Il faut aussi améliorer l’image trop souvent renvoyée aux parents par le football professionnel. Sur l’écologie, elle est assez désastreuse. Il n’y a qu’à voir toutes les polémiques récentes, en Ligue 1, à la Coupe du monde. On a décrété que la compétition resterait toujours gratuite, mais en contrepartie, il faut que les joueurs s’engagent et se comportent aussi en citoyens. Au mois de mai, avec notre partenaire The Sea Cleaners, on a organisé une compétition vertueuse. En mobilisant neuf villes sur les vingt, pour créer un tournoi dans le tournoi, et voir qui allait ramasser le plus de déchets. Sur une seule journée, 300 000 mégots ont ainsi été ramassés par exemple. On a aussi des maillots personnalisés pour nos équipes maintenant, conçus par NOLT, à base de bouteilles jetées en Méditerranée, recyclées.

Quel est le modèle économique de l’Hexacup ?

On fonctionne sur la base du sponsoring et du mécénat. L’objectif principal, c’est de devenir partenaire de tous les clubs des villes où on est implantés. Nos partenaires phares pour l’instant sont les Girondins de Bordeaux et le Paris FC. On a besoin d’un soutien financier, pour pouvoir payer les déplacements de tous les jeunes pour le tournoi national, tout autant que d’un soutien matériel. Par exemple, les Girondins ont offert des places gratuites aux jeunes qui ont participé aux actions de ramassage de déchets. On cherche aussi des entreprises qui voudraient coller leur image à la nôtre, et qui sont prêtes à pousser d’autres jeunes à rejoindre notre association. Si on veut rester gratuits, c’est vital. Pour l’instant, notre équipe est composée de 40 jeunes, dont 30 bénévoles.

La FFF doit beaucoup plus intégrer la dimension écologique. Elle a tellement de poids. Il y a entre 2 et 3 millions de licenciés en France, si tous décident de s’engager…

Le tournoi national a eu lieu à Paris la semaine dernière, comment s’est déroulée cette première ?

Il y avait plus de 150 participants, à nos frais, et tout s’est très bien passé. La moyenne d’âge était de 20 ans. Les joueurs, qui venaient des quatre coins de France, étaient ravis d’être là, le PFC était lui ravi de nous accueillir, il y avait une belle ambiance et une belle affiche en finale : Bordeaux a battu Marseille, et c’est le champion du monde Raí qui a remis le trophée. On n’aurait jamais pu organiser cet événement sans l’association BIG Nature, que je tiens vraiment à remercier.

Est-ce que toi et ton équipe avez l’impression de faire quelque chose de révolutionnaire ?

Je ne sais pas si c’est révolutionnaire, mais c’est exponentiel. Plus on a de joueurs, plus on a de ramasseurs, plus c’est utile pour la planète. Il y a plus de 18 000 utilisateurs sur l’application mobile maintenant, alors qu’au début de l’année il y en avait 2000. Le football, c’est 22 joueurs et des millions de personnes qui regardent. Nous, on veut que ce soit des millions qui jouent et 22 qui regardent. On sait très bien qu’on ne sortira pas le nouveau Lionel Messi, ce n’est pas notre but. Non, nous, on veut remplir les terrains de France, tout en virant les déchets. J’ai envie de dire qu’on a tous notre poste sur le terrain, avec notre but à marquer.

Ce n’est pas à la FFF de remplir les terrains de France, justement ?

Bien sûr, et on ne cherche pas à la remplacer là-dessus. La France sort de deux Coupes du monde réussies, donc on ne peut pas tout leur reprocher. Après tout, on ne fait que « récupérer  » plein de jeunes de 18 ans qui arrêtent le football par manque de temps ou d’argent, ceux qui ont compris qu’ils ne seront jamais professionnels pour X ou Y raison. Mais on a aussi des cas où l’Hexacup redonne envie de réintégrer des clubs. On apporte quelque chose là où il y a de la demande, mais pas d’offre. C’est du football loisir, avec 100% de mixité sociale. En revanche, oui, la FFF doit beaucoup plus intégrer la dimension écologique. Elle a tellement de poids. Il y a entre deux et trois millions de licenciés en France, si tous décident de s’engager… le potentiel est là.

Comment tu vois l’avenir de l’Hexacup, à terme ? 

Déjà, il faut rester lucides. Continuer à améliorer l’application mobile, prouver que notre modèle est viable. Ensuite, on pense à aller chercher du côté d’autres sports, comme le basket à 3. Un autre public aussi, pourquoi pas le sport en entreprise ? Et bien sûr, tisser notre toile dans d’autres pays comme la Belgique, la Suisse, l’Espagne ou l’Italie, où le calciotto, le football à 8, est une vraie institution. Enfin, on en est encore très loin, mais on pourra peut-être envisager un jour l’organisation d’une Coupe du monde des jeunes.

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Propos recueillis par Alexandre Lazar

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