- France
- Bordeaux
Guilavogui, patron incognito
Si l’arrivée d’Ahmedhodžić a sonné comme la bonne surprise de ce mercato d’hiver girondin, une autre recrue semble s’être acclimatée, vitesse grand V, à son nouvel environnement en la personne de Josuha Guilavogui. Au point que David Guion, lui aussi fraîchement débarqué en Gironde, en fasse son capitaine courage dans cette opération périlleuse qu’est la course au maintien.
Dimanche 27 février, stade Gabriel-Montpied de Clermont. On joue la 13e minute lorsque Josuha Guilavogui donne l’avantage aux Bordelais dans ce match ô combien crucial dans la course au maintien. Débarqué en Gironde dans les toutes dernières heures du dernier mercato hivernal, le milieu de terrain inscrit son premier but en Ligue 1 depuis le 27 janvier 2013. Si sa reprise de la tête n’a rien de particulièrement mémorable dans ce match nul à l’extérieur (1-1), sa célébration semble destinée à ne pas tomber dans l’oubli. Brassard de capitaine vissé sur le bras gauche, le joueur de 31 ans réunit ses coéquipiers pour aller prendre Danylo Ignatenko dans ses bras. Un geste très symbolique quand on sait à quel point l’Ukrainien traverse une période compliquée, au point d’être « arrivé à l’entraînement en pleurs » quelques jours plus tôt, comme le racontait David Guion ce vendredi en conférence de presse. Devant les micros, le milieu international tricolore (sept sélections) avait déjà rendu hommage à son coéquipier ukrainien : « On ne se rend pas compte de la chance que l’on a de vivre dans un pays en paix. Voir la détresse d’un coéquipier, c’est vraiment très dur. C’est à travers un regard, une attention, un petit mot d’affection qu’on lui apporte notre soutien au quotidien. » Avec cette célébration, Josuha Guilavogui est passé des mots aux actes.
Un leader né devenu grand
Aussi touchante que symbolique, cette initiative, à elle seule, justifie-t-elle la présence du brassard de capitaine autour du biceps du natif d’Ollioules ? « C’est un leader par la parole et par le jeu. C’est inné chez lui », commentait Bafétimbi Gomis en 2011. Guilavogui n’avait alors que 21 ans, découvrait à peine le monde pro du côté de Saint-Étienne, mais impressionnait déjà par sa capacité à sortir du lot. Onze années plus tard, il n’est pas étonnant de voir David Guion lui confier la responsabilité du capitanat face à Monaco d’abord, avant de réitérer ce dimanche à Clermont. Surtout qu’entre-temps, le milieu de terrain a connu une formation prolongée à la sauce allemande. Durant son passage à Wolfsburg, Guilavogui a franchi les étapes au point de devenir l’un des cadres d’une équipe qui bat le Real Madrid en quarts de finale aller de Ligue des champions avant de s’incliner au retour, face au futur vainqueur de l’édition 2015-2016. En 2018, il devient le patron du vestiaire des Wolfe en récupérant le brassard. Maxence Lacroix nous racontait l’année dernière comment le joueur passé furtivement par l’Atlético de Madrid en 2013 avait facilité son intégration :« C’est un vrai grand frère au sens noble du terme, c’est le taulier du club et de la ville, tout le monde l’aime ! » Durant ses sept années et demie passées à Wolfsburg, le milieu de terrain a disputé 239 rencontres, dont 48 en tant que capitaine, mais a surtout laissé le souvenir d’un homme totalement adopté par une ville qu’il avait rejointe en 2014. « Vous avez tous fait de moi une meilleure personne », commentait-il, non sans émotion, au moment de faire ses adieux au club bas-saxon.
Ihr alle habt mich zu einem besseren Menschen gemacht.Der Fußballer geht, aber der Mann und unglaublich viele Erinnerungen bleiben.Danke!!!! Männer Danke!!!! VfLDanke!!! Wolfsburg
— Josuha Guilavogui (@JossGuilavogui) January 30, 2022
Si Josuha Guilavogui a su s’attirer des louanges au sujet de son état d’esprit tout au long de sa carrière, c’est aussi pour ce qu’il peut réaliser en dehors du terrain. Voilà depuis 2019 que le joueur a entrepris des actions pour venir en aide aux orphelins du pays de ses parents, la Guinée. Il a d’ailleurs lancé la construction d’un orphelinat à Conakry, qui verra le jour à l’été prochain. « Je ressens une grande responsabilité ici, les enfants m’appellent même« Papa » », confiait-il au site officiel de Wolfsburg en décembre dernier. Des responsabilités et encore des responsabilités pour celui dont le nom figurait même dans la liste du maire sortant de Toulon lors des élections municipales de 2020. Pas vraiment étonnant, donc, que Josuha Guilavogui ait été promu capitaine des Girondins moins d’un mois après son arrivée. David Guion, comme les autres avant lui, a choisi de s’appuyer sur le leadership du Varois à l’heure où Bordeaux ne comptait plus sur la tête de gondole de son ancien projet en la personne de Laurent Koscielny. Dans cette mission périlleuse qu’est la course au maintien au sein d’un tel champ de ruines qu’est l’effectif des Girondins à son arrivée, Guilavogui incarne le visage de cette opération commando. « J’aurais pu choisir la facilité, rester dans mon confort à Wolsfburg ou aller dans un pays exotique », commentait-il lors de sa présentation. Pour l’heure, les Girondins ferment le classement de Ligue 1 en compagnie de Saint-Étienne, Metz et Troyes. D’ailleurs, les Bordelais battront le fer face aux Aubois ce dimanche (15h) dans un match au couteau. Guilavogui n’a pas choisi la facilité en rejoignant Bordeaux, plutôt la volonté de se laisser animer par une mission aussi glorifiante que celle-ci : « Remettre Bordeaux debout dans les six prochains mois ou quelques années à venir. » On ne sait pas si le navire bordelais coulera dans les prochaines semaines. Ce dont on est certains en revanche, c’est que le capitaine Guilavogui est l’homme le mieux placé pour éviter le naufrage.
Par Nelio Da Silva