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Gueye, le phare discret d’Everton

Par Romain Duchâteau
6 minutes
Gueye, le phare discret d’Everton

Derrière Lukaku, Barkley, Bolasie ou encore Jagielka, il est le garant de l’équilibre d’Everton. Arrivé sur la pointe des pieds chez les Toffees, Idrissa Gueye est l’une des grandes attractions de la Premier League en ce début d’exercice. Une mise en lumière légitime autant qu’un soulagement pour le Sénégalais, après avoir vécu les affres de la relégation avec Aston Villa la saison dernière.

C’est peut-être l’un des passe-temps favori dans le football moderne. Un jeu risqué, hasardeux, qui n’empêche pas les plus téméraires de s’aventurer. Comparer encore et encore ceux qui parviennent à appréhender la lumière. Il n’aura fallu que sept journées de Premier League pour qu’Idrissa Gueye ne l’apprenne à ses dépens. Auteur d’un début de saison tonitruant avec Everton, l’international sénégalais (30 sélections) s’est déjà vu affubler outre-Manche du surnom de « nouveau N’Golo Kanté » . Celui-là même qui, par ses inusables courses et son énergie inépuisable, a été l’un des grands bonshommes du titre historique remporté par Leicester la saison dernière avant de franchir une nouvelle étape en rejoignant Chelsea.

« J’ai entendu parler de ça plusieurs fois, mais je ne pense pas qu’il y ait de véritable comparaison entre N’Golo et moi, confiait-il fin septembre, un brin gêné. Il est ce qu’il est et je suis un autre joueur, mais je peux comprendre pourquoi les gens le prennent en exemple et disent ça. » Pourtant, le milieu de terrain s’est lui aussi construit à travers des modèles auprès desquels il a puisé sa propre inspiration : « Quand j’étais plus jeune, je regardais beaucoup David Beckham. J’avais l’habitude de le voir jouer souvent, dès que je pouvais. Mais quand j’ai commencé à évoluer à une position plus défensive, je me suis mis à regarder Lassana Diarra. C’est le joueur que j’essaye d’imiter. » À vingt-sept ans, Idrissa Gueye a-t-il toutefois l’étoffe pour marcher dans les pas de son illustre aîné ?

Les mirages d’Aston Villa

Les premiers émois du parcours du milieu de terrain sont désormais connus. Révélé à l’institut Diambars, créé à soixante-dix kilomètres au sud de Dakar par les anciens joueurs Vieira, Lama et Adjovi-Boco et dont la devise est de « faire du foot passion un moteur pour l’éducation » , Gueye a ensuite été façonné au LOSC. Mais il a fallu attendre la seconde partie de la saison 2012-2013 pour le voir prendre son élan. Devenu un titulaire indiscutable dans les rangs des Dogues, le joueur se distingue progressivement comme l’un des meilleurs milieux défensifs de Ligue 1 avec une palette déjà prometteuse : volume de jeu conséquent, impact physique et un coffre impressionnant qui lui permet de répéter les courses. « Il a fait soixante matchs cette saison-là(2014-2015, ndlr), c’est un gamin qui est exceptionnel dans la régularité de ses performances » , avait d’ailleurs encensé René Girard lors de sa dernière conférence de presse en tant qu’entraîneur de Lille. Forcément, les prétendants se sont bousculés au terme de ce nouvel exercice dans le Nord. S’il avait clamé avoir une préférence pour la Premier League, sa destination choisie à l’été 2015 a tout de même étonné.

Flirtant avec la relégation tout le long de la saison 2014-2015, Aston Villa lâche quelque 8,5 millions pour s’attacher ses services. Arrivé au milieu d’un contingent francophone (Jordan Ayew, Amavi, Veretout et Gestede), Gueye espère alors vivre une première expérience en Angleterre synonyme de découverte et d’apprentissage d’un nouveau football. Mais l’aventure tourne au fiasco. Les Villans sont relégués en Championship avec seulement trois victoires en trente-huit journées. Un véritable cauchemar éveillé. Mais, au milieu de tout ce capharnaüm, Idrissa Gueye a tout de même été le joueur le plus régulier. Le plus performant, aussi, malgré le climat délétère au sein du club et la valse permanente des managers (Tim Sherwood, Kevin MacDonald, Rémi Garde et Eric Black). Sans faire de bruit, il a même été le joueur de Premier League qui a réussi le plus de tacles et d’interceptions derrière un certain… N’Golo Kanté. « Une fois qu’il a été bien athlétiquement, il est monté en puissance et a pu exprimer son potentiel, souffle Réginald Ray, adjoint de Rémi Garde à Villa. Même si on était en très grande difficulté, il avait un rôle prépondérant au milieu de terrain qui nous permettait de rester à flot. C’est un joueur solide dans les duels, bon dans l’animation et qui couvre une grande partie du terrain. Il est tellement généreux qu’il a fallu parfois le canaliser. »

Barry & Gana, une affaire qui marche

Des qualités qui ont suffi à attiser l’intérêt de l’OM, mais surtout de clubs du Royaume de plus haut standing. Sous les conseils avisés de Steve Walsh, nommé à la tête du recrutement d’Everton en juillet dernier et qui a déniché Kanté à Caen quand il officiait à Leicester, les Toffees n’ont pas hésité une seconde à faire sauter sa clause libératoire cet été (8 millions d’euros). Un montant dérisoire au regard des transferts désormais démesurés qui rythment les mercatos en Angleterre. Et, en ce début de campagne 2016-2017, l’intégration de l’ancien Lillois s’est effectuée sans accroc. C’est simple, il n’a laissé que des miettes à ses concurrents au milieu de terrain (Cleverley, McCarthy). Sur les sept journées de championnat qui se sont écoulées, le natif de Dakar a débuté toutes les rencontres comme titulaire et en a disputées six dans leur intégralité. Soit un total de 621 minutes. Parmi les autres joueurs de champ, seul le capitaine Phil Jagielka fait mieux. Preuve ainsi de l’immense crédit que lui accorde jusqu’ici Ronald Koeman. « Il est fantastique, a déjà crié le manager néerlandais, après une prestation majuscule contre Sunderland (0-3), en septembre. Depuis le jour où il est arrivé, il apporte tout ce dont nous avons besoin : de l’énergie dans la manière dont nous pressons, mais il peut également tenir le ballon. C’est le joueur-clé de l’équipe à chaque match et il montre qu’il peut être à la fois bon défensivement et offensivement. »

Coïncidence ou non, les Toffees signent un excellent début de saison en occupant la cinquième place du classement de Premier League, à seulement quatre longueurs du leader Manchester City. En scrutant de près ses performances, les chiffres traduisent d’ailleurs l’influence de celui qui arbore le nom de « Gana » au dos de son maillot en l’honneur de son grand-père dans le jeu plaisant pratiqué par le club de la Mersey. Avec 88,3% de passes réussies (64,6 passes en moyenne par match), 5,1 tacles en moyenne par match (28 réussis sur 59 au total), 9 occasions créées au total et 52% de duels gagnés, le Lion de la Téranga, qui manque toutefois encore de tranchant offensivement, s’érige actuellement comme l’une des plus grandes satisfactions en Premier League au poste de milieu défensif. Une reconnaissance légitime qu’il doit aussi avant tout au duo qu’il forme avec Gareth Barry. À l’activité incessante et à la force athlétique proposées par son partenaire, l’élégant et chevronné Anglais – il a honoré son 600e match en Premier League le 17 septembre dernier – ajoute sa vision de jeu aiguisée ainsi que son expérience. À ses côtés, Idrissa Gueye, très exigeant envers lui-même, prend de surcroît conscience du chemin qu’il lui reste à parcourir avant de pouvoir espérer, un jour, jouir d’une considération similaire. « Je suis un perfectionniste, confiait-il récemment, l’ambition à peine voilée. Je ne veux jamais perdre le ballon ou un duel.(…)Je pense que c’est un sentiment ancré en moi depuis mon passage à l’académie de Diambars. » Un état d’esprit qui lui permettra peut-être, plus tard, d’arriver là où il le souhaite. Et, qui sait, de faire à son tour l’objet de comparaisons.

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Par Romain Duchâteau

Propos de Réginald Ray, recueillis par RD, ceux d’Idrissa Gueye extraits du Guardian.

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