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Guerrero : « Le modèle de l’Athletic est viable au long terme »
Depuis son exil doré à Málaga, sur la côte ensoleillée de l’Andalousie orientale, Julen Guerrero suit toujours son Athletic Bilbao, qui dispute ce dimanche le derby face à la Real Sociedad. Conversation intense avec le Totti basque, qui avait refusé le Real Madrid à son apogée, par amour du maillot.
Tu habites à Málaga depuis plusieurs années déjà. Que fait un homme du Nord dans le Sud ?Je me sens très bien ici, franchement. Les gens sont très disponibles, agréables. Avec ma famille, on a vraiment trouvé une bonne ambiance. C’est vrai aussi que le temps ici est complètement différent par rapport à Bilbao, et cela aide dans la vie quotidienne. Ici, en Espagne, on a diverses mentalités et manières de vie, et donc les façons de travailler sont différentes aussi, selon les lieux.
Tu as arrêté ta carrière de joueur professionnel il y a à peu près dix ans. Comment occupes-tu ton temps ?J’ai vraiment pas mal de choses à faire. Je viens de terminer des études de journalisme, j’avais déjà réussi mon brevet d’entraîneur quand j’avais vingt-cinq ans et maintenant je suis commentateur des matchs de l’Athletic à la radio et à la télé. Et puis, il y a le travail à la maison, j’ai deux enfants, donc ça donne de quoi m’occuper (rires). En plus, mon fils aîné, Julen, cela fait déjà six ans qu’il joue au foot et je dois bien le conseiller. C’est un double boulot, en fait.
Ça veut dire quoi « être de l’Athletic » , un club qui ne mise que sur des joueurs basques, dans le football moderne ?
Être de l’Athletic, c’est grandir dès son plus jeune âge avec le culte du club. Je crois qu’à Bilbao, le premier cadeau qu’on a, quand on est encore dans le berceau, c’est un maillot de l’Athletic, même avant un pyjama (rires). Il s’agit d’un sentiment d’appartenance et d’engagement très intense. Et le fait que le club ait toujours joué en Primera División montre l’efficacité du travail qui commence à la base, quand on est tout petits.
Tu as toujours joué à l’Athletic, de tes huit ans jusqu’à ta retraite, à trente-deux…Ça a été un privilège pour moi de pouvoir défendre ce maillot pendant toute ma carrière. Le foot change constamment et aujourd’hui, c’est plus compliqué de rester toujours dans le même club. Je n’oublierai jamais l’émotion que j’ai ressenti pour la victoire de la Liga quand j’avais neuf ans (en 1983, ndlr), c’est-à-dire un an après avoir intégré le centre de formation.
Est-ce que tu te considères un peu comme le Totti de l’Athletic après avoir renoncé, comme lui, à des offres importantes, notamment celle du Real Madrid en 2000 ?J’ai pu renoncer au Real Madrid, car je savais que le club et surtout les supporters avaient besoin de moi. Je sentais que je devais rester et que je ne pouvais pas jouer avec un autre maillot. Ça a été un choix de cœur et je crois que ma plus belle récompense à ce choix, c’est d’avoir toujours été aimé par les supporters.
En 1998, l’Athletic termine deuxième de Liga et les supporters ont fêté ça comme s’il s’agissait d’un titre de champion. Tu t’en souviens ?
Franchement, ces célébrations sont peut-être le meilleur souvenir de ma carrière. On avait lutté pendant toute la saison contre le Real Madrid et on avait réussi à nous qualifier pour la Ligue des champions, à une époque où c’était beaucoup plus difficile qu’aujourd’hui (le deuxième de Liga devait participer à un tour préliminaire, ndlr). Ce fut une journée très spéciale aussi parce que l’on fêtait en même temps le centenaire du club.
Ta carrière est également liée aux derbys contre la Real Sociedad…C’est un derby spécial au niveau de l’ambiance. Les supporters des deux équipes le vivent pendant toute la journée en buvant ensemble, soit à Bilbao soit à San Sebastián. C’est la fête du football basque et même si la rivalité est très grande, il y a toujours du respect et de la bonne ambiance avant, pendant et après le match.
Le derby qui t’a le plus marqué dans ta carrière ?J’ai eu la chance de pouvoir jouer le dernier derby à Atocha, l’ancien stade de la Real, un stade mythique. Ce jour-là, les tribunes étaient complètement blindées… Après cela, j’ai disputé plusieurs fois le derby et j’ai toujours eu la sensation de vivre un match unique. Mais peut-être que le derby dont je me souviens le plus, c’est celui de la saison 1983-84 à San Mamés, quand l’Athletic avait gagné 2-1 et fait un grand pas pour la victoire de la Liga. Je n’étais qu’un jeune supporter, mais je ne l’oublierai jamais.
Tu penses que dans le foot moderne, le modèle de l’Athletic est viable sur le long terme ?
Franchement, je crois que oui, c’est possible, d’autant plus avec la crise économique. L’avantage de l’Athletic, c’est que chaque année, l’équipe est composée de joueurs qui se connaissent bien entre eux, pas seulement au niveau sportif, mais aussi au niveau culturel. Cela aide dans le développement du jeu et de l’esprit du groupe, pendant que les autres équipes arrivent à avoir jusqu’à dix nouveaux joueurs par saison et qui ne parviennent pas à trouver l’alchimie entre eux.
Tu penses quoi du travail de Marcelo Bielsa à Bilbao ?Bielsa a vraiment laissé une trace à l’Athletic, grâce à un jeu différent et à la passion qu’il transmettait à tout le monde. Avec lui, on a réussi à jouer deux finales (de la Coupe et de la Ligue Europa, nldr) dans la même saison et il a fait faire un grand saut au niveau mental à toute l’équipe. C’est un entraîneur qui sait comment tirer le meilleur de ses joueurs.
L’entraîneur qui t’a marqué le plus dans ton parcours ?Je suis très attaché à tous les entraîneurs qui m’ont éduqué pendant ma formation. Pour moi, le foot, c’est d’abord former les joueurs du futur et ensuite miser sur eux. Quelque chose que l’on a légèrement perdu aujourd’hui, malheureusement.
Par Antonio Moschella