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Guérin, Roche, Colleter et Troch font le bilan, calmement
Après le sacre du Paris Saint-Germain, quatre anciens de la maison font le bilan. Emery, Cavani, Lo Celso, Kurzawa, Allegri, Butragueño... revue d'effectif par Vincent Guérin, Patrick Colleter, Denis Troch et Alain Roche.
Denis Troch
Denis Troch, au calme, à côté de son copain Artur Jorge
Le débrief
C’est globalement une saison où le PSG a rempli certaines missions. Ce n’est pas simple d’être champion de manière récurrente. Il ne faut pas minimiser cela.
Pour autant, on peut aussi rester sur notre faim. Gagner la Ligue des champions est complexe, il faut y revenir, montrer patte blanche. Il faut non seulement être courageux pour tenter une première fois, mais aussi une deuxième fois, troisième fois, quatrième fois… Il faut aussi être brave, et accepter qu’il faille y retourner une cinquième fois pour gagner ce Graal. C’est la compétition la plus convoitée en Europe. On s’en rend bien compte puisqu’en France, il n’y a guère que l’OM qui a réussi. Il y a tous ceux qui ne gagneront jamais la Ligue des champions qui seront bien contents de dire que la saison du PSG est ratée, il y a tellement de personnes qui ont envie d’écrire que ça ne marche pas… L’idée, c’est d’éviter de dépenser de l’énergie bêtement à convaincre ceux qui ne le seront jamais.
La saison prochaine
Il y a beaucoup d’anticipation concernant la saison prochaine, même si je sais que la prise de risque est de rigueur au plus haut niveau. C’est quand même bien d’annoncer la couleur. Je trouve qu’on est dans un monde où on est beaucoup dans la retenue. Ce n’est même plus de l’humilité, c’est de la bêtise de ne pas dire « on a envie » . L’envie est dénaturée aujourd’hui. Avoir envie d’être champion, d’agir, ce n’est plus d’actualité alors que c’est le premier moteur de chacun d’entre nous. Ce n’est pas de la vantardise. On a le droit d’être fier.
Marquer l’histoire du club
Pour marquer l’histoire d’un club, il faut avoir une génération de joueurs, et que cette génération soit déterminable par un fait marquant qui vienne valider cette histoire. Quelque chose qui sorte de l’ordinaire, de hors norme. Un grand évènement comme PSG-Real, on en parle encore vingt-cinq ans après. Il manque cet événement hors norme au PSG actuel.
Patrick Colleter
Cavani tout en haut
Pour moi, le top de la saison, c’est Cavani. Il est tout le temps critiqué, mais il va finir meilleur buteur du club et du championnat ! Il donne tout, il court partout, fait des appels, il joue pour l’équipe… Après, Di María, quand on regarde sa saison, il est là à partir du mois de janvier.
Il a eu six mois compliqués et pour un joueur de son calibre, ce n’est pas suffisant. On a même cru qu’il allait partir au mois de décembre. Mais avec l’incident Neymar, il a su avoir le niveau de jeu qu’il avait l’habitude d’avoir. Sinon, Rabiot a beaucoup progressé, c’est une évidence. Il joue plus, donc quelque part, c’est logique, il avait besoin de ça. Concernant Verratti, c’est un joueur que j’adore, mais… sa saison est bonne, sans plus. Je trouve sincèrement que le meilleur joueur au retour contre le Real, c’est Verratti. Malgré le carton rouge. Dans l’envie, dans la façon de se comporter, il fallait que tout le monde soit comme ça. Mais dans le championnat, ils sont tellement au-dessus que c’est difficile de les juger : on est obligé de le faire sur ces matchs-là et c’est vrai que c’est décevant.
Les déclarations dans la presse
Les déclarations dans la presse de Meunier, de Pastore, je les comprends. Moi, je serais à leur place, je ferais pareil. C’est des joueurs qui jouent peu. Meunier, pour moi, il n’a jamais démérité, il a toujours fait les matchs qu’il fallait, et il n’a pas beaucoup joué ! C’est logique qu’il se pose des questions. Après au niveau com’ c’est au club de faire le tri. Mais ils ne peuvent pas empêcher un joueur de parler. Pourquoi ça ne se fait pas à Barcelone ou au Bayern ? Parce ce sont des grands clubs ! L’identité d’un club, c’est ça, le respect de l’identité. Aujourd’hui, les joueurs de Paris sont bien, bien payés, mais ça s’arrête là.
Alain Roche
Lo Celso, la bonne surprise
Parmi les réussites de la saison, je suis obligé de parler de Cavani, de Mbappé aussi, de Neymar pour le spectacle. Mais celui qui m’a agréablement surpris, c’est Lo Celso. Là où j’ai beaucoup d’indulgence vis-à-vis de lui, c’est que c’est un numéro 10 à la base et qu’on l’a fait jouer 6. Même si le PSG a souvent pris la possession de balle, il ne faut pas lui demander d’être Casemiro, d’être Khedira. Il a rarement été dans des conditions optimales. Moi, je l’ai vu jouer 8, ou même avec l’Argentine, je peux vous dire que ce n’est pas le même joueur. On ne peut pas le critiquer pour sa prestation en sentinelle contre le Real, ce serait très injuste. Si je parle de lui, c’est parce que c’est un garçon qui n’a jamais eu d’états d’âme. Il a fait son travail avec un superbe état d’esprit. J’aime ce genre de joueurs qui acceptent sans rechigner et font du mieux qu’il peuvent.
Emery à la poubelle ?
S’il y a quelqu’un à accuser, à la limite, c’est l’entraîneur.
Est-ce que changer d’entraîneur, ce serait changer pour changer ? Si vous faites venir Tuchel, oui. Emery est une personne profondément honnête, un gros travailleur. On ne lui enlèvera jamais le palmarès qu’il a eu avec le FC Séville, ses trois Ligue Europa de suite. Il est le seul à l’avoir fait et pas grand monde ne le fera après lui. Mais avait-il l’attitude pour gérer des joueurs du calibre de ceux que l’on trouve au PSG ? Je n’ai pas l’impression.
Il a son style, Emery. Mais on aurait envie de voir un entraîneur avec du charisme, un palmarès, un type qui a entraîné les plus grand clubs européens et à qui on donne les pleins pouvoirs sans que ce soit remis en question. Conte ? Ah non, non, pas du tout. C’est personnel, mais je ne suis pas très fan. Toujours à crier, à haranguer, à hurler… Je préfère des types comme Allegri qui dégagent de la classe. C’est quelqu’un qui impose des choix tactiques et qui est capable de se passer de joueurs parce qu’ils n’ont pas eu de bons comportements. L’air de rien, c’est des titres en Italie, deux demi-finales et une finale de Ligue des champions. Il ne lui reste qu’un an de contrat… Voilà, c’est une idée. En plus, je n’ai pas l’impression qu’Emery ait un discours qui donne une dimension émotionnelle à la chose, et qui fait que les joueurs se surpassent.
Une défense rassurante
Au niveau des gardiens, il y a enfin eu un vrai choix. Areola a progressé cette année, il a pris de la confiance. Bon, ce n’est pas encore tout à fait ça. Il faudrait qu’il dégage plus de sérénité, mais c’est déjà tellement important de se sentir apprécié, et surtout de ne pas être remis en question… Non, je suis déçu par le côté gauche. Berchiche, je ne suis pas sûr que ce soit un bon choix, c’est là que le bât blesse. Parce que dans l’axe, il n’y a rien à dire. Silva, Marquinhos, Kimpembe, beaucoup d’équipes dans le monde nous les envient. L’arrivée d’Alves a fait du bien dans l’état d’esprit, encore dimanche soir à 5-1, il râle en loupant une action. Il est passé à côté au match retour contre le Real, certes. Il a quoi, trente-huit trophées, le garçon ? C’est le mec le plus titré au monde ? Voilà.
La saison prochaine
Il va falloir qu’il y ait du changement. Je crois vraiment aux cycles, et le PSG est à la fin d’un cycle avec certains joueurs qui étaient là depuis le début. Cet effectif-là a gagné plein de titres nationaux, mais il faut se poser la question de savoir s’il peut faire plus. On est indulgent avec certains, on ne tient plus compte d’autres… L’entrée de Pastore contre le Real est inacceptable. Lui ne peut pas – et c’est lui le plus important, pas nous – se contenter de ça. Ses matchs références ? Il n’y en a pas. Ce sont des écarts de génie. Dimanche encore, il fait une relance plein axe, voilà, c’est Pastore. On se fait avoir grâce à deux passes, deux contrôles, un but… mais on ne peut pas oublier le reste. J’aurais vraiment aimé qu’il réussisse. Au lieu de ça, il a tout perdu, même en sélection. Lo Celso est passé devant lui…
Vincent Guérin
Emery, à garder
Temps de changer, temps de changer… Le problème, c’est qu’on a tendance à toujours changer. C’est aussi une complexité que de pouvoir s’asseoir naturellement dans la durée pour mettre en place un projet. Ancelotti, Blanc, Emery… dans deux ans on va encore rechanger pour prendre quelqu’un d’autre ?
Matuidi n’a pas été remplacé
Cavani, c’est l’élément essentiel de cette équipe. C’est à la fois un personnage qui est leader, et dont on a la sensation qu’il aime le club, qui véhicule des vertus importantes concernant les couleurs qu’il porte. En plus d’être prolifique de manière régulière. Il répond toujours présent. Il arrive même à trouver une certaine complicité avec Ibrahimović, Neymar…
C’est un type important pour les supporters, pour se retrouver en matière d’identité. Le problème, c’est que Matuidi n’a pas été remplacé. Pareil, c’était un peu l’âme de cette équipe en matière de pugnacité, de persévérance, et on ne l’a pas remplacé en matière d’état d’esprit. On se demande pourquoi Diarra a été pris oui, mais Thiago Motta aussi, on l’a fait resigner un an pour pas grand-chose. Tant mieux pour lui, hein, mais bon, à 35 ans, il a déjà donné.
Comment progresser ?
Je suis toujours un défenseur de l’histoire du club, et il manque ça dans ses arcanes pour avoir un peu plus de liant et d’identité. Comme le disait Jupp Heynckes : « On n’achète pas la Coupe d’Europe avec l’argent. » Je ne suis pas un magicien non plus, et je ne suis pas le seul à avoir envie de donner un coup de main au club. Juste une image : après le match au Parc contre le Real, on a vu Butragueño représenter le Real devant les caméras. J’ai trouvé ça très fort. Nous, y a rien.
Propos recueillis par Théo Denmat