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Guardiola-Sarri, le duel des esthètes
L’un est un ex-meneur de jeu qui est né pour devenir entraîneur. L’autre a choisi de se transformer en coach tout court à ses 40 ans. Mais les philosophies de jeu de Pep Guardiola et Maurizio Sarri se ressemblent. Beaucoup. Et elles se croiseront ce soir à Manchester.
La veille du tirage au sort de la phase de poules de la Ligue des champions, pendant le dîner, Pep Guardiola mangeait inquiet, en pensant aux rivaux qui pouvaient se dresser sur la route de Manchester City. Les pensées de Pep étaient tournées vers le chapeau 3, dans lequel une équipe en particulier tourmentait son âme : le Napoli. « Je ne veux pas croiser le Napoli » disait-il à son adjoint, Domenech Torrent. « Ils jouent très bien et ils marquent toujours beaucoup de buts. » Une situation similaire à celle de l’année passée, quand l’entraîneur catalan avait reconnu la puissance offensive de l’AS Monaco, avant même de se faire terrasser lors de la double confrontation en huitièmes de finale (3-5, 3-1). À l’époque, personne en Europe n’aurait misé sur l’équipe de Leonardo Jardim, mais Pep connaissait déjà son potentiel. Alors, au moment où le destin lui a choisi le Napoli comme futur adversaire en phase de poules, le coach catalan a probablement eu un sentiment de déjà-vu. Son jeu harmonieux allait devoir affronter le football vertueux de Maurizio Sarri. Un vrai régal pour ceux qui aiment voir un football à 100 à l’heure.
Sarri, de la banque au banc
Les trajectoires de Maurizio Sarri et de Pep Guardiola n’ont pourtant pas grand-chose à voir. Pendant que Pep écrivait l’histoire du Barça en tant que meneur de jeu, Sarri, lui, travaillait dans une banque, tous les jours jusqu’à 15h, pour pouvoir se dédier le reste du temps à entraîner des équipes régionales. Il reste à un niveau amateur jusqu’aux débuts des années 2000, puis connaît un déclic lorsqu’il prend les rênes du Sansovino, un modeste club d’une ville de 8000 habitants qu’il parvient à emmener jusqu’en quatrième division. Dix-sept ans plus tard, Sarri est devenu l’un des prophètes mondiaux d’un football romantique et offensif, basé sur la défense en ligne haute (presque au milieu de terrain), le mouvement continu et les redoublements de passes rapides. Capable de créer une harmonie de jeu axé sur la possession, le coach napolitain a démontré que son système pouvait bénéficier à n’importe quel joueur placé en position d’avant-centre. La preuve avec Dries Mertens, autrefois ailier et désormais devenu un véritable killer face au but.
Très intégriste et attaché à son 4-3-3, Sarri n’a jamais trop osé expérimenter au cours de sa carrière. Défense en zone, milieu de terrain créatif et attaquants rapides sont les trois commandements de son jeu. À Empoli, il évoluait en 4-3-1-2, avant de passer au 4-3-3 pour s’adapter aux caractéristiques des joueurs offensifs du Napoli. Avec lui, les Azzurri n’ont pas seulement découvert le plaisir du beau jeu, ils ont aussi appris à connaître la meilleure version de Lorenzo Insigne, diamant brut qui a réussi à briller complètement après l’arrivée de Sarri.
Pep, révolutionnaire maniaque
Or, l’admiration entre Sarri et Guardiola est réciproque. Guardiola l’a confirmé en conférence de presse après la victoire de samedi face à Stoke City (7-2) : « J’admire beaucoup Maurizio Sarri et sa façon de jouer. C’est le coach que j’admire le plus. Ce sera un vrai plaisir de pouvoir être confronté au Napoli, l’une des trois meilleures équipes du moment. » Considéré comme l’un des révolutionnaires du football moderne, à mi-chemin entre la folie de Bielsa et le génie de Cruyff, Guardiola a, on le sait, révélé ses talents de coach au Barça, avec cette équipe qui a tout gagné à la fin des années 2000. S’il fait alors du tiki-taka et de la possession de balle ses marques de fabrique, il a su aussi adapter ses schémas et a appris à regarder le foot avec d’autres yeux. Ses expérimentations tactiques sont devenues célèbres : déplacer Lahm au milieu de terrain, par exemple, ou encore placer De Bruyne au poste d’avant-centre à Manchester City.
Le duel de ce mardi soir sera donc une confrontation entre deux visions très similaires du football, avec deux 4-3-3 qui vont se faire face. La meilleure attaque d’Angleterre (29) face à la meilleure attaque d’Italie (26). Le leader de Premier League contre le leader de Serie A. Gabriel Jesus contre Mertens. De Bruyne contre Insigne. Les deux équipes se regarderont dans les yeux, avec la vague impression de se regarder dans un miroir. Un miroir poli par deux coachs qui adorent quand ça brille.
Par Antonio Moschella