- Ligue des champions
- Gr. B
- J4
- PSV Eindhoven/Wolfsburg
Guardado, le secret le mieux gardé des Pays-Bas
Si le PSV a renoué avec le succès aux Pays-Bas, le club d'Eindhoven le doit en partie à son couteau suisse mexicain Andrés Guardado, revenu à son niveau tel Ikki revenant de l'Île de la Reine morte, la vengeance en moins. Parce que le Mexicain est un mec timide qui sait se faire apprécier.
L’été dernier, le PSV Eindhoven a été plutôt actif sur le marché des transferts. Mais le club champion des Pays-Bas a surtout réalisé un bon coup mercato lors de la césure footballistique estivale. Sont-ce les exportations successives des locomotives Memphis Depay et Georginio Wijnaldum vers les grosses cylindrées de la Premier League ? Non. La venue en prêt du Belge Maxime Lestienne, auteur de performances étincelantes avec la liquette des Boeren sur le dos, notamment lors de la victoire face à Manchester United en Ligue des champions ? Non plus. L’arrivée pour 7 millions d’euros de Gaston Pereiro que l’on annonce comme un futur crack ? Encore moins. En réalité, son vrai bon coup, le PSV l’a réalisé en… mars dernier, relativement incognito, lorsque le club a décidé de lever l’option d’achat du Mexicain Andrés Guardado, arrivé quelques mois plus tôt et déjà titulaire indéboulonnable du milieu rouge et blanc. Pour la modique somme de 2,8 millions d’euros, le club du Sud des Pays-Bas s’est attaché les services d’un homme qui émarge à 123 sélections en équipe nationale. On a vu plus dégueulasse. D’autant que l’homme est littéralement devenu le patron du PSV.
Trois matchs en une semaine à Leverkusen, puis plus rien
Si le PSV a pu attirer dans ses filets un joueur du calibre d’Andrés Guardado, ce n’est pas seulement parce que le club néerlandais possède un certain standing au pays, voire en Europe, mais aussi parce que le Mexicain est arrivé dans le Brabant avec l’élastique à cheveux bien distendu. Alors qu’il vient de réaliser une saison 2012-2013 plus que correcte à Valence et que la première moitié de la suivante s’annonce du même acabit, le joueur de poche (1,69m pour 60kg) est victime du jeu de chaises musicales qui voit Nuno Espirito Santo prendre la place de Miroslav Dukic sur le banc des Che. Le Mexicain ne fait pas partie des plans du coach portugais, qui préfère favoriser l’émergence de Juan Bernat au poste de latéral gauche, et atterrit en prêt au Bayer Leverkusen. Six mois indignes pour le natif de Guadalajara durant lesquels il ne jouera au final qu’une semaine (trois titularisations entre le 23 et le 29 mars 2014, puis une entrée à la 90e minute contre Francfort en mai). Rentré en Espagne, Guardado ne se voit offrir qu’un rôle de faire-valoir dans l’effectif valencien, et ce, malgré le départ de Bernat pour le Bayern Munich. C’est alors qu’un PSV en pleine reconstruction, drivé par Phillip Cocu, propose à Guardado d’être le gardien de cette folle jeunesse qui prévoit de faire remonter le club sur la plus haute marche d’Eredivisie.
Le prolongement du Phillip Cocu joueur
Débarqué aux Pays-Bas tardivement, le Mexicain ne perd pas de temps et s’offre une place de titulaire en août face au Vitesse Arnhem, au poste inédit de milieu central, avant d’interchanger en cours de saison avec Maher ou Hendrix pour occuper ce couloir gauche qu’il affectionne tant. Match après match, tel le niveau d’un ouvrier du bâtiment, Andrés Guardado réajuste toutes les constructions du PSV, défensives comme offensives. Chez les Boeren, l’ancien de La Corogne redevient ce joueur extrêmement talentueux, doté d’un placement et d’une qualité de passe (plus de 83% depuis son arrivée) indéniables, mais qui préfère tirer les ficelles en coulisses, plus prompt à faire briller les autres, dans un même rôle que celui qu’a longtemps occupé son coach actuel au Philips Stadion ou au Camp Nou. Le vingt-deuxième titre en Eredivisie du PSV, ce sont les 56 buts marqués par le trio Depay-De Jong-Wijnaldum, ce sont les 23 passes décisives de Willems et Narsingh, mais ce sont aussi et surtout les petits coups de pinceau invisibles de Guardado. Sur les 37 matchs d’Eredivisie auquel a participé le Mexicain, seuls trois ont été perdus par le PSV. Et si le trophée de meilleur joueur des Pays-Bas est revenu à Wijnaldum, la presse, elle, n’a pas manqué de saluer le travail de Guardado, récompensé du même titre par le quotidien Algemeen Dagblad et la bible du football hollandais Voetbal International.
Haie d’honneur et tifo gigantesque pour « Papi »
Un statut d’indispensable qui fait jalouser les autres formations d’Eredivisie. Alfred Schreuder, alors entraîneur du FC Twente et pas forcément à plaindre, car nanti d’un Hakim Ziyech, s’était répandu dans les colonnes de Voetbal International en mars dernier : « Le PSV manquait d’une pile inépuisable, d’un vrai moteur, et ils l’ont trouvé en la personne de Guardado. […] Ils ont bien plusieurs joueurs qui peuvent faire la différence, mais Guardado est le meilleur. » Depay et Wijnaldum partis, celui que ses coéquipiers surnomment « Papi » a été promu vice-capitaine, tandis qu’il paraphait un contrat de trois ans. Un juste retour des choses pour un homme qui donne tout ce qu’il a sur un terrain à chacune de ses sorties. À moins que ce soit Guardado qui ne fasse que rendre l’amour que le public d’Eindhoven lui donne. En mars dernier déjà, alors que les discussions sur la levée de son option d’achat se faisaient de plus en plus pressantes – en raison de rumeurs l’annonçant à l’Ajax –, les supporters avaient érigé un tifo de la taille d’une tribune entière représentant le drapeau mexicain avec une banderole en espagnol en guise de véritable déclaration d’amour : « Andrés Guardado, notre aigle d’or mexicain, tu dois rester au PSV. Notre maison, c’est ta maison, Andrés. » Pendant ce temps-là, le speaker du stade lançait un Simply the Best de circonstance en fond sonore.
Le 31 juillet dernier, ces mêmes supporters ont accueilli en fanfare Guardado pour son retour à l’entraînement : fraîchement auréolé d’une nouvelle Gold Cup avec le Mexique, c’est une haie d’honneur d’une dizaine de mètres qu’a dû traverser le gaucher visiblement aussi touché que gêné pour se rendre sur le terrain d’entraînement de De Herdgang. Et il n’y aucune raison que l’idylle ne se poursuive pas : cette saison, malgré une quatrième place, le PSV est invaincu en championnat lorsque le numéro 18 est sur la pelouse. Si Andrés Guardado est bien le secret le mieux gardé des Pays-Bas, les Boeren vont devoir faire attention : ça va finir par se voir.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam