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Guangzhou Evergrande, le nouvel empire de Chine ?

Par Quentin Müller et Nicolas Jucha
Guangzhou Evergrande, le nouvel empire de Chine ?

De plus en plus de ferveur, mais toujours un énorme retard sur le Japon et la Corée du Sud, le football chinois peine à s'éveiller. Corruption, contre-performances des clubs et de la sélection, scandales sexuels... Puis un jour est arrivé le Guangzhou Evergrande, une équipe à même de conquérir l'Asie du football. Gros plan.

27 août 2014, quart de finale retour de la Ligue des champions asiatique au Tianhe Stadium de Canton. Près de 40 000 spectateurs assistent à la joie des Australiens des Western Sydney Wandereres. Ils ont bien raison de lever les bras devant les supporters chinois en pleurs : ils viennent d’accrocher un ticket pour le dernier carré de la compétition pour la première fois de leur histoire, à la faveur du but marqué à l’extérieur. Pas contre n’importe qui, le tenant du titre Guangzhou Evergrande. Privé de son entraîneur Marcello Lippi, qui, suspendu, a assisté au drame depuis les tribunes, le géant chinois vient de connaître sa première grande désillusion depuis le rachat du club – et son changement de nom – en 2009 par la société immobilière Evergrande Real Estate Group. Cinq ans auparavant, une défaite en quarts de finale contre des Australiens n’aurait rien eu de honteux pour un club chinois, et serait même passée pour une belle performance. Sauf que depuis cinq ans justement, Guangzhou Evergrande n’est plus vraiment un club chinois comme les autres, ayant pris l’habitude de gagner, tout gagner…

La corruption, cancer du football chinois

Retour en arrière. Avant 2013 et le triomphe du Guangzhou Evergrande en Ligue des champions d’Asie, le football de club chinois est un parent pauvre sur le continent : depuis la création de l’épreuve en 1967, seul le Liaoning FC a soulevé le trophée en 1991. La Corée du Sud compte alors dix victoires, le Japon cinq, l’Arabie saoudite quatre, l’Iran trois… Même le Qatar et son jeune championnat ou encore la Thaïlande font mieux avec deux unités au compteur… Entre 2006 (Shanghai Shenhua) et 2012 (Guangzhou Evergrande), aucun club chinois n’arrive même à squatter les quarts de finale, terrible aveu de la pauvreté du championnat local. Celle-ci n’est pas anodine. Depuis la professionnalisation du football chinois en 1994, les techniques de corruption ont évolué plus vite que la culture tactique, conséquence directe de l’influence des sociétés de paris asiatiques et de l’appât du gain rapide dans un pays miné par les « petits arrangements entre amis. » Jeu en triangle ? Non, ici on connaît surtout les meilleures méthodes pour acheter efficacement un résultat, comme par exemple graisser simultanément la patte du gardien, d’un des deux défenseurs centraux et de l’avant-centre adverses, pour être tranquille…

La création de la Chinese Super League en 2004 est censée permettre au football chinois de se réinventer. Il n’en est rien, les vrais problèmes s’accumulent sous le tapis : absence de réelle culture footballistique malgré un intérêt croissant du public – qui préfère d’ailleurs se lever en pleine nuit pour suivre les matchs européens -, faiblesse des infrastructures permettant de démocratiser le football… Ce n’est pas seulement le championnat chinois qui bat de l’aile, l’équipe nationale masculine est également la risée de la population malgré un pic de performances entre 2000 et 2004 (qualification pour le Mondial 2002, puis finale à domicile en Coupe d’Asie des nations, ndlr). Gosses de riches capricieux, adeptes des maisons closes ou encore petites frappes lors des matchs couperets, les joueurs de l’équipe nationale sont régulièrement l’objet de moqueries au rythme de leurs non-exploits. Philippe Troussier, qui a coaché le Shenzhen Ruby plusieurs saisons, attribue la faiblesse des joueurs chinois à la politique de l’enfant unique : « Si le football chinois ne se développe pas à la vitesse du Japon ou de la Corée du Sud, c’est parce qu’une famille chinoise n’a le droit qu’à un enfant. Il doit faire des études et le football n’entre pas dans un plan de carrière comme en Europe. » Sauf pour les cancres issus de familles riches ?

Les Jeux olympiques de 2008, la goutte d’eau qui fait déborder le vase

À force d’accumuler les saletés sous le paillasson, l’odeur finit par incommoder le tout puissant PCC (Parti communiste chinois). Lors des JO 2008 de Pékin, la République populaire se pare de ses plus beaux atours : un stade olympique flambant neuf (le Nid d’Oiseau), des cérémonies d’ouverture et de clôture confiées à l’esthète du Septième Art Zhang Yimou, et des athlètes ultra-compétitifs. Avec 51 breloques en or, la Chine se retrouve devant les États-Unis au classement des médailles. Tout va bien dans le meilleur des mondes ? Pas totalement, car le football chinois masculin reste à contre-courant : sortis dès la phase de poules du tournoi olympique, les Chinois n’arrivent pas même à battre la modeste Nouvelle-Zélande (1-1) et se font gentiment fesser par le Brésil (0-3). L’équipe de football qui perd lamentablement, c’est le sommet de l’État qui se sent trahi, et décide de lancer une chasse aux sorcières sous le nom de « grande lutte contre la corruption » .

Phase 1 : les autorités entament au lendemain des Jeux une grande vague d’arrestations contre joueurs, arbitres et dirigeants de clubs qui auraient mouillé dans des affaires de paris truqués. L’opération coup de poing se traduit en 2012 par l’emprisonnement pour dix ans de deux anciens présidents de la Fédération, Xie Yalong et Nan Yong, coupables d’avoir touché des pots de vin. Preuve que le système était vérolé de la base au sommet. Phase 2 : en parallèle au lancement de l’opération décapage au kärcher, les dirigeants chinois « encouragent » en coulisses les grandes fortunes et entreprises du pays à investir dans le football pour redorer le blason du championnat national. En contrepartie ? Des coups de pouce pour leur business. C’est ainsi que le Evergrande Real Estate Group – l’un des grands groupes immobiliers du pays – arrive dans le football chinois en 2009. Cela ne s’invente pas, il rachète un club qui s’apprête à être relégué en division 2 pour une affaire de matchs truqués, le Guangzhou GPC, et le renomme en son honneur. Début de la success story.

Zhu Jun, le Mammedov du Shanghai Shenhua

Cependant, d’autres projets nés après 2008 n’ont pas connu le même succès. Fin 2011, sous l’impulsion de Zhu Jun, gros bonnet de l’industrie du jeu vidéo (The 9 Limited, cotée au Nasdaq, ndlr) et sorte d’âme sœur chinoise d’Hafiz Mammedov, le Shanghai Shenhua décide d’investir des millions sur Nicolas Anelka, alors en fin de parcours avec Chelsea, et Jean Tigana. Objectif : gagner la Chinese Super League dans l’année. En admettant « ne pas avoir de plan à long terme » , Zhu Jun veut tout gagner et vite. Si bien qu’il recale Tigana à peine trois mois plus tard, installe plusieurs semaines Anelka comme coach, puis offre un salaire pharaonique à Didier Drogba pour mener le club aux sommets. Suite à des conflits internes entre actionnaires, les salaires des stars étrangères ne sont plus versés pendant plusieurs semaines, une grève de l’entraînement est évoquée… Dans tout ce bordel, le Shanghai Shenhua termine à une indigne 11e place, tandis que Nico et Didier se font discrètement la malle en fin d’année… Ce type d’histoires qui terminent en eau de boudin malgré des millions investis est monnaie courante à Dalian, Wuhan et dans toutes les grandes villes du pays, faute d’un projet sportif réellement cohérent. Puis la lumière fut, à Canton…

Abonné au milieu de tableau en 2009, le club de Canton, alors Guangzhou GPC, est relégué administrativement en D2 pour une sombre histoire de matchs arrangés datant de 2006. L’immense enceinte du Tianhe Stadium – 60 000 places – sonne creux. Mais les nouveaux patrons ont un vrai projet : là où leurs homologues investissent sur des noms étrangers en fin de cycle et gourmands, Evergrande mise sur les meilleurs joueurs chinois disponibles comme l’attaquant Gao Lin (Shanghai Shenhua), le milieu Zheng Zhi (Celtic Glasgow) ou encore le défenseur Feng Xiaoting (Jeonbuk Hyundai Motors). Pas con quand on sait que les effectifs de Super League sont limités à cinq étrangers dont un Asiatique obligatoire. Montée immédiate en poche, le groupe immobilier réinjecte du cash, cette fois-ci pour taper dans l’armement lourd. Meilleur joueur du Brasileirão 2010, Darío Conca est courtisé par l’Europe entière, mais déboule à Canton pour un salaire annuel de plus de 10 millions d’euros. Une somme que le leader technique de Fluminense ne peut refuser, tout comme le Flu qui récupère 7 millions d’euros. À 28 ans, l’Argentin devient l’un des cinq joueurs les mieux payés du monde, et bien sûr, Guangzhou Evergrande est champion en fin d’année. Un investissement nécessaire selon Philippe Troussier : « En Chine, ta position au classement dépend à 80 % de ton mercato de joueurs étrangers. Tu en as le droit à quatre. Si tu fais des bonnes pioches, tu joues le top 4, sinon tu joues la relégation. »

Lippi, Gilardino, Diamanti, Guangzhou Evergrande à l’heure italienne

Le nouveau poids lourd a encore la dalle, et pour croquer l’Asie, décide de confier les clés à un technicien de premier plan. Au chômage depuis deux ans après son départ de la Nazionale italienne, Marcello Lippi est le candidat idéal. Émoustillé par les 10 millions d’euros offerts par saison et le total contrôle du sportif, le coach italien signe deux saisons. Sa bague de fiançailles ? Lucas Barrios, alors champion d’Allemagne avec le Borussia Dortmund, qui débarque pour 8,5 millions d’euros, record absolu du club. Une transaction qui ne portera pas ses fruits, mais qui traduit la philosophie du club : investir sur des joueurs à maturité, pas sur des noms. La preuve, la dernière grande star de l’équipe, le Brésilien Elkeson, est arrivé de Botafogo pour près de 6 millions d’euros fin 2012, et se retrouve déjà dans la légende du club avec près de 60 pions en moins de deux ans sur place.

Grandi par la méthode Lippi et son expérience des compétitions internationales, le Guangzhou Evergrande se prépare à marcher sur le continent. Un quart de finale en 2012 en guise d’échauffement, Guangzhou s’adjuge le trophée en 2013 après une finale de haut vol contre le FC Séoul. La Chine attendait cela depuis 1991. Champion chaque saison depuis sa remontée, toujours plus ambitieux avec les recrutements du Brésilien Muriqui (Atlético Mineiro) depuis reparti, des Italiens Alberto Gilardino (Genoa) et Alessandro Diamanti (Bologne), Guangzhou Evergrande n’a pas envie de s’arrêter en si bon chemin. La défaite en quart de finale contre les Western Sydney Wanderers, c’est un peu comme le titre de Montpellier en 2012 pour Paris : un avertissement. Mais pour le club de Canton, qui réunit désormais 40 000 spectateurs de moyenne à domicile, quand ils n’étaient que moitié en 2010, l’enjeu est aujourd’hui affaire d’État : s’inscrire dans la durée pour servir de locomotive et d’exemple au reste du football chinois. Et il en a bien besoin.

Nicolò Barella, le 10 que l’Italie attendait ?

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