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- France-Pays de Galles (2-0)
Griezmann of the match
Qui a dit qu'Antoine Griezmann ne savait plus marquer ? Au-delà de son but, le meilleur Français du soir, c'est : de l'altruisme, du jeu court, des combinaisons, et des décrochages à faire pâlir un pilote Air France.
« Il faudra des matchs » , avait dit Deschamps. Au bout d’une interview accordée à Téléfoot le 15 octobre dernier, jour de son anniversaire, le sélectionneur des Bleus avait forcément fini par tomber sur la question à 100 000 euros : « Dis donc Didier, pourquoi ils ne se font pas de passes, Mbappé et Griezmann ? » Réponse un poil plus directe que d’habitude du chef de chantier, comme si, cette fois, il y avait un message à faire passer aux intéressés : « Sur ce que je les ai vus faire à l’entraînement, en match, c’était le jour et la nuit. » Et pour cause, en quatre-vingt-quatre minutes de jeu ensemble face à la Biélorussie, les deux loustics ne s’étaient passé le cuir qu’à deux reprises. Pire, en 342 minutes de jeu cumulées, il fallait donc, en moyenne, attendre vingt minutes pour voir une passe du Parisien vers le Madrilène, et le double de temps pour l’inverse !
Alors, sont-ils réellement complémentaires ? Griezmann a-t-il peur qu’on lui fasse de l’ombre ? L’un a-t-il tué le chien de l’autre ? Ce vendredi soir face au pays de Galles, si la complémentarité des deux attaquants n’a plus fait l’ombre d’un doute, c’est aussi parce que Griezmann a su se retirer. Laisser de la place en profondeur au petit nouveau, en se « contentant » d’offrir son pied pour le « deux » des une-deux. Et cette séquence récurrente : l’un décroche pour récupérer le ballon, s’appuie sur le second placé devant, qui lui remet dans la course d’une talonnade bien sentie – et parfois forcée, parce que Mbappé aime visiblement vraiment ça, les talonnades – pour partir en profondeur. Diablement efficace.
Décrocheur scolaire, un point positif
Une statistique simple : le Griezmann buteur, voilà sept matchs consécutifs que les Colchoneros ne l’ont pas apercu. Un problème de finition qui n’est pas applicable en équipe de France, puisque son dernier but remontait justement… au 10 octobre dernier, contre la Biélorussie. Face à un groupe compact, il a alternativement su décrocher puis casser des lignes, en témoigne son but plein de confiance sur une merveille de passe en profondeur de Tolisso à la 18e minute. En plus d’être décisif à la marque, Griezmann a donc été le jaune d’œuf de la mayonnaise des Bleus, un liant. En bref, tout ce qu’il n’arrivait plus à faire depuis plusieurs matchs, aspiré par l’attaque et son duo avec Olivier Giroud. Duo qui marchait à merveille, attention. Il marche d’ailleurs toujours, puisque même sans qu’ils se soient autant trouvés que d’habitude, le grand méché est parvenu à inscrire son pion habituel, le vingt-neuvième en sélection. Mais cette relation parfois exclusive conférait à Griezmann un rôle de buteur de soutien qui lui sied peut-être moins bien en ce moment qu’à Kylian Mbappé. Situé au cœur du jeu comme ce soir, le Grizou n°10 est bien plus foufou, bien plus libre, imprévisible, et par conséquent dangereux.
Fekir peut poireauter
On pourrait aussi évoquer sa relation avec Corentin Tolisso, qui se bonifie de match en match, ou sa faculté à écarter le jeu vers les latéraux quand le jeu le demande. Voilà un bon moment que l’ailier de l’Atlético n’avait pas montré un aussi beau visage, et l’on se dit qu’il était peut-être boosté ce soir par le dangereux souffle d’un Nabil Fekir en pleine bourre. Pour le coup difficilement compatibles, leur association ne pourrait fonctionner qu’en excentrant l’un des deux, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens, ne serait-ce qu’au vu des possibilités dont dispose Deschamps sur les ailes. Et sans aller jusqu’à comparer le duo Griezmann-Mbappé à « Bebeto-Romário de l’époque » , comme l’a récemment osé un commentateur régulier sur RMC, il suffit de regarder leurs stats à la sortie du premier pour comprendre qu’un petit quelque chose s’est débloqué dans la soirée : soixante-trois minutes, vingt-cinq passes réciproques. Une toutes les deux minutes et demi. Comme quoi, c’est vrai, il fallait des matchs.
Par Théo Denmat