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Griezmann, l’enfance d’un prince
Aujourd'hui, Antoine Griezmann pourrait toucher du doigt son premier trophée majeur chez les grands en gagnant l'Euro avec les Bleus. A en croire ses coéquipiers en jeunes à l'UF Mâconnais, avec qui il était allé chercher son tout premier trophée – le championnat d'honneur Bourgogne U13 – il ressemble pourtant tellement au petit blondinet farceur qu'il était dans ses jeunes années.
Si, d’après un proverbe indien, les fleurs de demain sont dans les graines d’aujourd’hui, comprendre Antoine Griezmann l’actuel meilleur buteur de l’Euro d’aujourd’hui, c’est peut-être mieux connaître celui qu’il était à 12 ans, alors qu’il n’était qu’un joueur première année des moins de 13 ans de l’Union du Football Mâconnais. C’est au sein de cette entente, née de la fusion des clubs de Charnay-lès-Mâcon et Mâcon peu après le sacre mondial des Bleus à l’été 1998, que le frêle élève du collège Pasteur, qui rédigeait déjà des rédac’ footballistiques pour sa prof de français en 6e, s’est façonné. Au milieu de Martin, Julian, Jérôme, André et autres potes d’enfance, pas très loin de son garage bleu et de son city-stade des Gautriats. Les « bâches » reçues des centres de formation français ne sont alors plus très loin, l’ouverture vers la cantera de la Real Sociedad non plus. Mais pour l’heure, le fils d’Isabelle et Alain, papa-éducateur-soutien devant l’éternel, en est seulement à faire parler de lui sur les terrains de Bourgogne. En bien, déjà.
Pendant la saison 2002-2003, les petits des générations 1990 et 1991 sont entre de bonnes mains. Leurs éducateurs se nomment alors Thierry Comas, qui a son petit passé en D4 avec
Louhans/Cuiseaux, et surtout Jean Belver, le sorcier du football mâconnais aujourd’hui âgé de 94 ans. Un éducateur de renom dans la région, ex-international à 1 cape qui a évolué au Stade de Reims, à l’OM, l’OL, Grenoble et surtout Nice, avec qui il a gagné deux titres de champion et une coupe de France dans les années 1950. Surtout un incroyable meneur d’hommes qui apprend à ses « petits » , comme il les appelle affectueusement, à se faire la main. Ou plutôt le pied, comme lors de ces séances de frappe sans chaussure pour leur faire passer l’envie de shooter du gros orteil. Mais aussi la tête : point de victoires sans un minimum de jeu, de tête levée et d’intelligence avec ou sans ballon. Un pédagogue qui va amener, avec son fils spirituel de banc de touche, Thierry, cette joyeuse bande vers ses premières joutes nationales après une saison quasi-parfaite. « C’est l’année où on termine champion de Bourgogne U13 devant l’AJ Auxerre, sans perdre un match » , se rappelle Raphaël Bataillard (accroupi, le 4e en partant de la dr.), 26 ans, aujourd’hui kinésithérapeute dans un cabinet d’un village au sud de Mâcon,
« La flèche » , « le clown »
Lui aussi était de cette épopée à vingt victoires et deux nuls contre les meilleures clubs de la région, dont deux succès contre les redoutés jeunes de l’AJA, qui surfait alors sur la vague des Cissé, Boumsong, Mexès et autres Kapo. Revenu ensuite dans son club d’enfance après ses années mâconnaises, Raphaël a aujourd’hui troqué ses crampons pour une paire de runnings, mais a toujours en tête cette année au sein d’une « équipe de potes, avec qui tu pars jouer à l’autre bout de la région en minibus et où ça rigole pendant des heures. Comme on gagnait souvent en plus… » L’humour, un domaine dans lequel Antoine Griezmann, qui n’hésite pas à se marrer aujourd’hui des parodies le concernant après sa glissade sur le ventre contre l’Islande, ne donnait pas sa part au chien : « C’était une « flèche », un marrant, toujours prêt à faire la bonne blague pour amuser la galerie. Mais toujours avec respect, sans dépasser les bornes. Je ne l’ai jamais vu en conflit avec qui que ce soit d’ailleurs. Mais s’il y avait un coup à faire, il était jamais loin… »
Autre coéquipier du petit « Grillon » , Maxime Lamotte (juste à droite de Griezmann sur la photo), presque-pompier de Paris devenu artisan plâtrier-peintre lui aussi près de son Mâconnais natal, garde aussi, sourire en coin, ce souvenir de lui : « C’était un clown ! Toujours bon-enfant hein, mais s’il y avait une bouteille pas loin et qu’il pouvait arroser un petit coup l’entraîneur par exemple… Mais par contre, c’était un super mec, hyper bien élevé, pas prétentieux pour un sou. Et déjà un mec hyper adroit face au but et un sacré compétiteur. » Maxime, qui a lui aussi rangé les Predator après quelques années en DHR et DH, avec Raphael notamment, reconnaît bien son partenaire de débutant à moins de 13 ans lorsqu’il le voit à la télévision ou à Gerland, à exploser malgré son écharpe de l’OL pour ce ciseau face aux Bad Gones en tour préliminaire de la C1 avec la Real Sociedad, en 2013 : « Quand je le vois rigoler, célébrer ses buts ou attaquer chaque ballon avec cette envie et cette intelligence, je me dis qu’il n’a pas changé. Rien qu’en le voyant jouer, on voit son plaisir, et c’était déjà ça qui l’habitait à l’époque ! »
En larmes lors des tournois comme contre l’Allemagne
Raphael Bataillard rajoute : « Il a toujours vécu que pour ça. Je me souviens de lui déjà sur le terrain quand on arrivait à l’entrainement, à faire des frappes, des duels… Il aimait ça et pouvait y passer des heures. Et en dehors du terrain, il ne parlait que de ça. En quelque sorte, il a su aller au bout de son rêve. » Et l’Euro d’aujourd’hui est sans doute vécu par le colchonero avec autant d’envie que les tournois internationaux ou relevés de l’est de la France d’hier. Maxime Lamotte se rappelle ces journées glacière-vestiaires-coups de soleil et revoit là encore plusieurs parallèles passé-présent : « Les tournois, ce sont des supers souvenirs. Les parents, la sœur et le frère d’Antoine étaient très souvent là à nous accompagner et on jouait du matin au soir. A la pause déjeuner, on prenait une cage et c’était centre sur centre, reprises et célébrations de but. Et Antoine était déjà hyper adroit face au but. Bon maintenant, c’est affolant, mais il savait déjà tout faire… Il aimait bien aller dans la cage aussi. Et l’après-midi, les phases finales. » Sans oublier la merguez de 16 heures et le sourire pour les photos aux mamans lors de la remise des prix. Enfin, pas toujours…
« On se débrouillait pas mal mais ça nous arrivait aussi de perdre en demi ou en finale et là, tout le monde chialait tellement on n’aimait pas perdre. Quand je l’ai vu pleurer après l’élimination contre l’Allemagne en 2014, ça m’a fait repenser à ces moments. C’est un passionné de son sport, il court pas pour l’oseille ou la notoriété mais parce qu’il aime ce qu’il fait » , rajoute Maxime Lamotte. Et aujourd’hui, lui et Raphaël ne versent pas dans la gloriole personnelle au sujet de son ex-partenaire, ni ne tombent dans l’adoration d’une idole obligée, mais tous deux regardent avec affection la trajectoire empruntée par leur ex-coéquipier. « C’est beau et tellement ouf ce qu’il fait depuis déjà un moment, il a su aller au bout de son rêve. Il fait plaisir à voir jouer en tout cas. Franchement, contre l’Allemagne, je lui mets un 10/10. Je me demande jusqu’où il va aller » , sourit Max’, quand Raph’ songe un instant, puis se marre : « On peut dire qu’il fait partie des cinq meilleurs au monde en ce moment, non ? Son évolution est folle quand même… Ça me ferait en tout cas marrer de me dire un jour que j’ai joué avec un Ballon d’or en moins de 13 ! »
Par Arnaud Clément