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Griezmann, la métamorphose
Griezmann était le meilleur joueur de l'Euro 2016, compétition perdue en finale contre le Portugal. Griezmann ne sera pas le meilleur joueur du Coupe du monde 2018 – titre attribué à Luka Modrić –, mais il repart de Russie la Coupe du monde sous le bras. Moins bon individuellement ? Différent, pour le bien du collectif.
Antoine Griezmann a été élu homme du match de la finale de la Coupe du monde 2018. Homme du match, oui. L’association de tous ces mots dans la même phrase dégage une odeur de revanche pour un joueur assez largement critiqué tout au long de la compétition. Apparemment fatigué en début d’épreuve, pas assez tranchant offensivement sur la plupart des matchs, manque de bien d’autres choses selon les reproches des observateurs et des simples amateurs estivaux de football…
Il faut dire que le numéro 7 des Bleus arrivait dans la compétition avec l’aura d’un joueur décisif : six buts à l’Euro 2016 dont cinq dans la phase à élimination directe. Et c’est donc avec la comparaison de son alter ego de 2016 que le Matelassier a dû exister.
Comparaison difficile
Une comparaison assez lourde pendant plusieurs semaines pour raisons diverses : un pseudo-documentaire pour officialiser la signature de son nouveau contrat avec l’Atlético de Madrid, une multiplication de publicités à faire saturer du visage du petit blond – à se demander s’il était bien focalisé sur son Mondial –, et pas grand-chose d’autre à première vue, à part des buts sur penalty.
Mais quand on regarde la compétition dans son intégralité – ce qui est naturellement plus simple pour dresser un bilan –, que l’on appréhende l’évolution des Bleus au fil du tournoi et que l’on commence à mieux comprendre le projet de Didier Deschamps, il devient évident qu’Antoine Griezmann n’a pas régressé par rapport en 2016. Il a simplement changé.
Nouveau rôle
Comment a-t-il changé ? En descendant plus bas, presque dans un rôle de meneur de jeu qui a été précieux pour les Bleus à partir des huitièmes de finale quand le pedigree des adversaires est monté en flèche. Ses missions ? Tenir le ballon, orienter le jeu proprement vers l’avant, et surtout participer au premier travail défensif. Le Griezmann de 2016 était un joueur censé faire la différence, et donc obligé de briller individuellement pour faire gagner son équipe.
Le Griezmann de 2018 a dû se sacrifier pour le collectif et aux besoins de Didier Deschamps. Comme Olivier Giroud (zéro but, mais apport énorme dans l’engagement et le harcèlement des défenses), comme Paul Pogba (beaucoup plus porté sur les tâches défensives qu’à son habitude), ou comme Blaise Matuidi (caution équilibre du sélectionneur depuis longtemps).
La vérité du terrain
Car Didier Deschamps a décidé que son élément le mieux armé pour faire des différences individuelles était Kylian Mbappé. Et le match contre l’Argentine et la finale – en particulier – ont montré qu’il avait raison. S’il ne devait y avoir qu’un joueur exempté de l’essentiel du travail défensif, il fallait donc que cela soit le natif de Bondy. Antoine Griezmann a eu la sagesse de l’accepter – probablement aidé par son quotidien madrilène aux côtés de Diego Simeone – et le mérite de distiller à doses utiles son savoir-faire personnel.
Car réussir trois buts sur penalty – zéro échec – en phase finale de Mondial est un gage de solidité mentale. Car défendre comme un chien sur chaque temps faible est un gage de générosité. Car aider son bloc à remonter, réussir des passes vers l’avant ou servir son pote Paul Pogba en finale de Mondial pour le but du 3-1 sont des gages de qualité technique. Car gagner une finale de Mondial prouve qu’il a eu raison. Il y aura toujours du monde pour trouver à redire sur la Coupe du monde d’Antoine Griezmann. Pas grave : cette Coupe du monde est à lui pour l’éternité.
Par Nicolas Jucha, plein d'amour dans les yeux