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Griezmann, du rire aux larmes
Au top depuis le début de saison, Antoine Griezmann est sans conteste le joueur clé de cet Atlético de Madrid. Un enthousiasme et une innocence douchés par les événements du triste vendredi 13, à Paris.
En l’espace d’un instant, la surprise laisse place à la stupeur. Emmitouflé dans sa parka, Antoine Griezmann est, à l’instar de ses comparses de l’équipe de France, suspendu aux images diffusées sur les écrans du couloir du Stade de France. Quelques heures plus tard, à 00h43, il inquiète son million et demi de followers en se fendant d’un message en moins de 140 signes. Jusqu’au milieu de la nuit, l’attente plonge en émoi les nombreux internautes bloqués, bon gré mal gré, devant leurs écrans. Enfin, à 03h33, la « bonne » nouvelle tombe : « Ma sœur a pu sortir du Bataclan. Toutes mes prières vont aux victimes et leurs familles. » Comme de nombreux Français, et son coéquipier Lassana Diarra, dont la cousine a été assassinée ce même vendredi noir, Griezmann découvre la barbarie. Une certaine idée de l’horreur qui fait disparaître son éternel sourire sitôt de retour à Madrid. Justement, cette capitale espagnole, il la quitte quelques jours plus tôt avec le costume de sauveur de l’Atlético de Madrid. Buteur dans le temps additionnel face au Sporting de Gijón, il retrouve aujourd’hui les prés espagnols avec un déplacement à Séville. Reste à savoir si son sourire l’accompagnera.
Griezmann : « La liberté, c’est primordial »
Depuis la série d’attentats de ce vendredi 13, l’Atlético de Madrid n’espère que le retour de son Français. Soutenu par l’ensemble de l’organigramme colchonero, il retrouve le chemin du Cerro del Espino ce mercredi. Loin de ses coéquipiers et de leur travail en groupe, il s’attèle à reprendre la course et à récupérer avec quelques coups de pédale. Plutôt que de diriger la séance collective, Diego Simeone préfère ainsi lui tenir compagnie. Ce rôle de père (sportif) de substitution, le Cholo s’en délecte d’habitude. Cette fois, la gravité et l’empathie prennent le pas sur l’envie de motiver son poulain. Pourtant, l’Argentin le sait mieux que personne : son Atlético de Madrid se repose, depuis le début de l’exercice, sur les exploits répétés de l’ancien Txuri-Urdin. Quelques semaines auparavant, il n’hésite ainsi pas à parler « d’injustice » au moment d’évoquer l’absence du Français dans la liste des 23 finalistes au Ballon d’or : « Pour moi, sa saison passée était extraordinaire. Et il a commencé celle-ci avec un niveau incroyable. » Pour sûr, auteur de 27 pions lors du dernier exercice, il en affiche déjà huit.
L’arithmétique n’expose pas tous les progrès du Français. Car plus que ses statistiques, son jeu ne cesse de se renouveler. Déjà recentré lors de sa première saison au Vicente-Calderón, il occupe cette saison un poste encore plus avancé sur le pré. Pour grossir le trait, il s’occupe de tout sur le front de l’attaque. Et s’en délecte, comme il le raconte dans une interview à L’Équipe : « À l’Atlético, Simeone me donne une plus grande liberté. J’en ai besoin, c’est primordial. Au final, je joue partout. Je commence un match à une position, mais je sais que je vais bouger dans le match, sur un côté par exemple. » Déjà polyvalent, Antoine Griezmann se mue en plus belle publicité des couteaux suisses. Une nouvelle corde à son arc qu’il doit avant tout à une charge de travail imposante et un changement de mentalité. « J’ai dû améliorer mon jeu dos au but. Jouer devant signifie également marquer plus. À chaque match, j’espère au minimum marquer un but ou délivrer une passe décisive » , expose le Français. Des objectifs personnels en hausse qu’approuve le Cholo : « Depuis son arrivée, Antoine Griezmann a beaucoup progressé en tant que joueur. Ses buts en Liga le prouvent. »
Un homme qui a perdu son insouciance ?
Dans le même sens, Diego Simeone, qui appelait de ses vœux en octobre 2014 un changement de statut de son Français – « Nous espérons que le jeune joueur important qu’il est commence à devenir un homme et un footballeur important également » – ne peut qu’apprécier la nouvelle maturité de son numéro sept. Mais, plus que de la sagesse emmagasinée, Griezmann a surtout perdu une partie de son insouciance ce vendredi 13. Un détachement qui lui permettait jusqu’ici de ne cesser de progresser. Outre le calvaire de sa sœur Maud, il a bien été, à l’unisson de tous ses coéquipiers, la cible des terroristes au Stade de France. Une triste réalité qui doit faire cogiter l’ensemble des Bleus, pour qui les attentats ne les touchaient pas personnellement. Pour sa part, Diego Simeone assure, en conférence de presse avant le déplacement au Betis, qu’il trouve sa pointe « en grande forme » : « Il pense à jouer le match et veut montrer ce qu’il sait faire sur le terrain. Malgré ces difficiles moments, il est enthousiaste. » Un enthousiasme qui, de Mâcon à Madrid, réjouirait tout un chacun.
Par Robin Delorme, à Madrid