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Griezmann Ballon d’or 2016, jouable ?

Propos de Troels Bager Thogersen recueillis par Nicolas Jucha
5 minutes
Griezmann Ballon d’or 2016, jouable ?

Présenté comme l'un des trois favoris du Ballon d'or 2016, Antoine Griezmann apparaît lègèrement en retrait de Cristiano Ronaldo, qui a remporté l'Euro et la Ligue des champions. Mais le changement de formule du trophée et les prestations individuelles du Français pourraient l'aider à avoir le dernier mot.

« Cette phrase a été sortie de son contexte. J’ai dit ça(que Ronaldo allait remporter le Ballon d’or 2016, ndlr)tout en expliquant que Ronaldo l’aurait si on se basait essentiellement sur le palmarès de l’année. Alors qu’avec Antoine, on ose espérer que si les journalistes européens votent, c’est qu’il y a un raisonnement qui va plus loin qu’établir un classement des joueurs sur la simple base de leur palmarès annuel. Heureusement, il y a d’autres critères qui entrent en jeu, comme par exemple la performance individuelle. Partant de là, on pense évidemment avoir un coup à jouer. » Après avoir indiqué sur RMC que son protégé Antoine Griezmann n’était plus en course pour le Ballon d’or, Eric Olhats, recruteur à la Real Sociedad, a rectifié le tir ce lundi dans des propos relayés par L’Équipe. Après une saison haut de gamme avec l’Atlético de Madrid – qui lui a valu le titre de meilleur joueur du championnat espagnol – et un Euro 2016 qu’il a terminé comme meilleur joueur et meilleur buteur, la nouvelle coqueluche du football français a forcément des arguments à faire valoir. Même si après la finale de l’Euro, Diego Maradona avait tancé le Français et loué Cristiano Ronaldo, vainqueur de la Ligue des champions et de la grande compétition estivale dans la même saison. Le Portugais sort d’un nouvel exercice solide (trente-cinq buts en Liga, seize en C1) avec les deux plus belles distinctions collectives pour solidifier sa candidature. Des statistiques et accomplissements qui le placent normalement à l’abri de son grand rival Lionel Messi (seulement vingt-six buts en Liga, six en Ligue des champions) et le titre de champion d’Espagne comme cache-misère.

Les cocus Sneijder et Ribéry

Si Grizou peut encore espérer déjouer les pronostics pour la récompense individuelle la plus prisée du football mondial, c’est parce qu’il a su naviguer dans des eaux proches des deux extraterrestres – vingt-deux buts en Liga, huit sur la scène européenne, tout en réalisant un championnat d’Europe presque parfait avec six réalisations. Or, les planètes pourraient être doublement alignées avec les intérêts du Matelassier depuis l’annonce de la fin du partenariat FIFA-France Football et le retour à un simple collège de votants journalistes. Depuis 2010 et la première édition du Ballon d’or avec votes de capitaines et sélectionneurs internationaux, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo ont trusté tous les honneurs. Principalement parce que les « nouveaux » votants étaient moins sensibles aux accomplissements collectifs de Xavi et Iniesta (2010), Robben et Ribéry (2013) voire de Manuel Neuer et Thomas Müller (2014), qu’aux impressionnantes prestations individuelles des stars du Barça et du Real. Journaliste danois du Tipsbladet et membre du jury depuis 2013, Troels Bager Thogersen est persuadé que le changement de formule va avoir son incidence, car « les journalistes votent différemment, ils regardent plus strictement les performances et accomplissements sur la période donnée du vote alors que les joueurs et entraîneurs sont aussi sensibles à la trajectoire personnelle de chaque candidat. » Et tendent donc à valoriser le niveau intrinsèque et les grands messieurs installés sur la durée plutôt que les étoiles filantes et les saisons parfaites.

La parenthèse Messi-Ronaldo, une page d’histoire

Une sensibilité différente qui a coûté le Ballon d’or à Wesley Sneijder en 2010 et à Franck Ribéry en 2013. Auteur d’un triplé Serie A-Coppa Italia-Ligue des champions avec l’Inter Milan de José Mourinho et héros du Mondial 2010 où il a échoué en prolongation de la finale avec les Pays-Bas, le Batave était le favori des journalistes devant Xavi et Iniesta. Mais en votant massivement pour Lionel Messi, sélectionneurs et capitaines l’avaient privé d’un trophée qui lui serait revenu sans le partenariat FF/FIFA. Trois ans plus tard, dans une année sans Coupe du monde ni Euro pour brouiller les pistes, Franck Ribéry avait lui aussi claqué son triplé avec le Bayern Munich. Pour finalement être plébiscité par les journalistes, mais relégué en troisième position par les deux autres collèges, faisant de Ronaldo leur roi et Messi son valet. L’omnipotence du binôme Ronaldo/Messi est devenue la règle, mais cela ne tient pas qu’à un changement de règlement selon Thogersen. « Ces deux joueurs sont avec de la marge les deux meilleurs mondiaux depuis 2008 et 2009, et quand ils vont prendre leur retraite, on constatera aisément qu’ils font chacun partie des meilleurs joueurs de l’histoire. » Une conjoncture spéciale donc, comparable aux règnes de Johan Cruyff ou Michel Platini, renforcée par le positionnement de l’Argentin et du Portugais.

Xavi, Iniesta, Neuer : trop défensifs…

« Personnellement, j’essaie d’intégrer des joueurs défensifs dans mon raisonnement, car ils sont souvent sous-évalués par rapport à ceux qui finissent les actions dans le football moderne » , renchérit Thogersen. Pour preuve, Manuel Neuer, pourtant immense avec l’Allemagne au dernier Mondial, termine 3e du scrutin 2014 quand bien même Ronaldo s’est fait bouter sans gloire au premier tour de la Coupe du monde. Un inconvénient qui a largement pénalisé le duo de l’entrejeu espagnol Xavi/Iniesta, loué dans le monde entier pour sa maestria, mais jamais récompensé par un titre honorifique qui aurait été largement justifié. Griezmann peut-il échapper à cet écueil ? Son positionnement sur le terrain, ses statistiques personnelles et son influence sur les résultats de son équipe peuvent le lui permettre. Tout comme le fait d’être la vedette de l’Atlético de Madrid et de l’équipe de France, pas forcément des équipes comme le Real Madrid ou le FC Barcelone avec l’ADN de vainqueurs naturels. « Est-ce qu’un joueur a porté son équipe ou est-ce le contraire ? Je crois que certains sont sur-évalués parce qu’ils ont d’extraordinaires partenaires, mais seraient en difficulté dans des effectifs plus modestes » , avance Thogersen. Et donc de se demander comment Cristiano Ronaldo s’en sortirait sous les couleurs de l’Atlético de Madrid ?

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