ACTU MERCATO
Griezmann, Atléti ciao
Mardi soir, Antoine Griezmann a annoncé qu'il quitterait l'Atlético de Madrid cet été. La fin d'une histoire d'amour qui aura duré cinq ans et le fruit d'une (trop) longue réflexion après l'épisode de La decisión l'année dernière. À 28 ans, l'attaquant français quitte finalement les Colchoneros avec beaucoup de bons souvenirs et quelques regrets, tout en se donnant la possibilité de s'épanouir dans une nouvelle philosophie de jeu pour assouvir ses ambitions.
Cette fois, il n’a pas eu besoin de faire durer le suspense. Il n’a pas non plus eu besoin d’un documentaire de 52 minutes produit par la boîte de Gerard Piqué pour faire son choix. Mais juste d’une courte vidéo, publiée sur le compte Twitter de l’Atlético de Madrid mardi soir, dans laquelle Antoine Griezmann, posé devant un mur blanc, a tranquillement annoncé son départ du club madrilène cet été : « Après avoir discuté avec Cholo(Diego Simeone)et Miguel Angel(l’actionnaire principal), je voulais parler aux supporters qui m’ont toujours soutenu et je voulais vous dire que j’avais pris la décision de partir pour faire de nouvelles expériences et relever de nouveaux défis. Cela a été une décision très difficile à prendre, mais je sens que j’en ai besoin. Je veux vous remercier pour tout cet amour durant ces cinq années lors desquelles j’ai gagné mes premiers titres importants. » Pas besoin d’en dire plus, après tout, pour exposer une évidence : après cinq années passées dans le moule Atlético, Griezmann a désormais besoin d’aller voir ailleurs pour s’épanouir.
.@AntoGriezmann: « Han sido cinco años increíbles; muchas gracias por todo, os llevo en el corazón ». pic.twitter.com/9XorY05u1T
— Atlético de Madrid (@Atleti) 14 mai 2019
Un quinquennat de réussite et de regrets
Un choix qui s’impose comme le fruit d’une longue – peut-être un peu trop longue, même – réflexion. Dès le début d’année 2018, les rumeurs autour de ses envies de départ s’étaient intensifiées, au point de pousser le public des Colchoneros à siffler l’international français en février, avant qu’il ne se charge lui-même de mettre en scène son introspection, quelques heures avant le début de la Coupe du monde, avec un cirque médiatique autour du fameux documentaire La decisión. Un grand spot promotionnel qui avait débouché sur une prolongation de contrat jusqu’en 2023 avec un pont d’or (un salaire de 21 millions d’euros net par saison) difficilement refusable. Mais surtout, qui avait laissé entrevoir la principale motivation du Mâconnais : gagner la plus belle des compétitions de clubs au Wanda Metropolitano, l’écrin flambant neuf de l’Atlético, le 1er juin 2019.
« Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que le club continue de grandir. Et qu’ils puissent jouer la finale de la C1 à la maison, avait-il lâché lors d’une discussion avec un ami dans le documentaire. Ils font des efforts pour attirer les meilleurs joueurs. Je sens que j’ai envie de rester. Je pense que ça va faire la différence. » Et cette envie, donc, d’entrer un peu plus dans l’histoire du club et de réaliser l’inédit, après l’avoir touché du bout des doigts en 2016 quand l’Atlético était tombé aux tirs au but contre le Real Madrid en finale. Sauf qu’un an plus tard, le vent a tourné : les Rojiblancos sont tombés en huitièmes de finale de la C1 contre la Juventus (2-0, 0-3) après un match retour complètement manqué au terme duquel l’attaquant français avait avoué se sentir « un peu coupable » . Alors, que restera-t-il d’Antoine Griezmann à l’Atlético ? Un bilan statistique plutôt bluffant (133 pions et 50 passes décisives en 256 matchs), un succès en Ligue Europa auquel il aura grandement contribué, entre deux trophées moins convoités (Supercoupe d’Espagne 2014 et Supercoupe d’Europe 2018), et quelques regrets puisqu’il va partir sans avoir gagné la Liga ou la Ligue des champions. Mais surtout, il restera la naissance d’un top joueur façonné par Diego Simeone.
Continuer à grandir
Comment ce gamin talentueux de 23 piges a-t-il pu transformer son jeu pour devenir un cador sur la scène européenne ? Arrivé en 2014 à l’Atlético, Griezmann a finalement réussi à se fondre dans le moule du Cholo pour devenir un joueur plus complet, plus intelligent et plus fort. « Il m’a beaucoup aidé au début, surtout quand j’avais du mal à m’adapter à sa philosophie, à défendre et à courir, lâchait-il devant la presse en décembre dernier à l’aéroport de Montevideo, avant de se rendre au mariage de son pote Godín. J’ai dû beaucoup travailler et maintenant, je suis un joueur qui peut aspirer à beaucoup de choses. » En croisant le chemin de Simeone, Griezmann a étoffé sa panoplie, prenant goût à l’effort, au jeu défensif et à ces succès acquis dans la douleur, comme il l’avait bien fait comprendre dans le vestiaire des Bleus, quelques minutes après la victoire contre la Belgique en demi-finale du Mondial, lors d’un extrait du documentaire sur les coulisses du sacre diffusé sur TF1 l’été dernier : « On n’a pas joué comme l’Atlético ? Tous derrière, on resserre les lignes, un but sur coup de pied arrêté et on ferme la maison. C’est les victoires que j’aime, ça c’est mon jeu. »
Mais voilà, à 28 ans, l’ancien attaquant de la Real Sociedad a peut-être besoin de découvrir autre chose pour s’épanouir et continuer à grandir. En passant cinq années entre Diego Simeone et Didier Deschamps, Griezmann a baigné dans le pur pragmatisme. Peu importe sa future destination, que ce soit le Barça – la plus probable –, le PSG ou un autre club du gratin européen, l’international français a besoin d’un nouveau cadre et de nouvelles ambitions rendues impossibles par la vague de départs prévus à l’Atlético cet été (à commencer par Diego Godín et Lucas Hernandez). « Quand Antoine est lucide et dans une bonne forme physique, il n’y a pas un joueur au monde capable de comprendre et d’interpréter le football comme lui » , assurait Simeone dans France Football en novembre. À lui maintenant d’être prêt à mettre son intelligence de jeu au service d’une nouvelle philosophie, et pourquoi pas s’asseoir définitivement à la table des tout meilleurs.
Par Clément Gavard