- CDM 2019 – 8es – France-Brésil
Griedge Mbock, la première pierre
Un jour, le football nous a donné Dieumerci Mbokani et, Dieu merci, Mbock est née. Brillante tout au long du premier tour, la défenseuse axiale et DJ des Bleues déboule dans cette phase à élimination directe avec une mission : prouver que la paire qu'elle forme avec Wendie Renard est bien imperméable.
La question a longtemps gêné les profs. À Brest, ils osent désormais y répondre, et c’est un petit exploit. À la fin des années 2000, lorsqu’elle répond « footballeuse professionnelle » à son professeur de maths de quatrième, Griedge Mbock ramasse pourtant un tacle glissé : « Si tu avais dû signer dans un centre de formation, tu ne serais plus là. » La défenseuse axiale de l’Olympique lyonnais et des Bleues racontait l’histoire il y a quelques semaines au Red Bulletin et le faisait avec le sourire, évidemment. « Elle voulait qu’on travaille plus en classe, ce qui est normal, expliquait-elle alors. Mais elle ne comprenait pas que l’on puisse s’épanouir dans notre passion. Mais moi, je savais où je voulais aller. Cette passion du foot, je voulais en faire mon métier, tout simplement. » Mieux : Mbock est, à vingt-quatre ans, une référence de son poste et est devenue un exemple à suivre pour ces anciens instituteurs. En décembre, l’internationale française (51 sélections) est même passée dans les classes de son ancienne école maternelle et primaire à Kerichen, une cité scolaire brestoise. Ce qu’elle en a gardé : « Les enseignants que j’ai eus ont changé de vision des choses. Ils ont vu mon évolution, ils sont contents pour moi et me citent en exemple. » Et ce ne sont pas les seuls.
Un frère pour critique
Enfant, Griedge Mbock n’avait aucun repère féminin et ne savait même pas qu’une « équipe de France féminine existait » . Alors, la gamine se contentait de suivre le frère Erwan, son aîné de trois ans qui vient de rejoindre le Stade briochin, devenu aujourd’hui un analyste privilégié des performances de sa sœur. Dans L’Équipe, il y a quelques jours, elle le décrivait comme son « critique » et poussait l’explication – « Il regarde tous mes matchs et voit parfois des détails que je ne vois pas. Cela fait des années qu’il suit le foot féminin, il connaît limite mieux certaines joueuses que moi » – avant de laisser Erwan Mbock citer un exemple récent, datant du quart de finale aller de Ligue des champions entre l’OL et Wolfsburg (2-1) : « J’avais remarqué qu’Ewa Pajor avait des difficultés à aligner ses courses sur la défense centrale et que, souvent, il suffisait d’un pas pour la mettre hors jeu. J’avais montré à Griedge des vidéos où des défenseurs font l’erreur de suivre Mbappé et le mettent en jeu. Elle a écouté et, avec Wendie Renard, elles ont souvent piégé Pajor. »
Avant le Mondial, c’est cette paire qui attirait les regards et était décrite par certains comme la meilleure doublette de défenseuses centrales de la planète. Après un premier tour passé en encaissant un seul but (un CSC de Renard), il est déjà possible de confirmer que ce duo est la base du système tricolore, notamment de sa capacité à contenir l’adversaire dans ses trente premiers mètres, ce qui avait été le cas contre la Corée du Sud en ouverture. Un match que Mbock avait attaqué malgré une alerte au genou.
Premier mur défensif, première relanceuse
Cette Coupe du monde est surtout la dernière pierre de l’ascension d’une météorite, construite au milieu des garçons au Sporting Club Pontanézen, un club d’un quartier de Brest où la réalisation d’une fresque de sept mètres de haut représentant Griedge Mbock serait en projet, et propulsée de Guingamp à Lyon en 2015 avec une enveloppe historique : 100 000 euros, ce qui était alors un record pour le championnat de France féminin et qui a depuis été battu par les 150 000 euros dépensés par le PSG pour s’offrir Kadidiatou Diani en 2017. Entre-temps, Mbock avait remporté la Coupe du monde U17 avec l’équipe de France en 2012 et le Ballon d’or de la compétition.
Un statut prometteur et rapidement confirmé les années suivantes, que ce soit lors du Mondial U20 de 2014 ou chez les Bleues, où elle a débarqué en novembre 2013. En trois matchs, la Brestoise, DJ officielle du groupe, a prouvé qu’elle était la première relanceuse de Diacre (90% de passes réussies) et son premier mur défensif (88% de duels gagnés, 80% dans les airs, là où Renard peine parfois un peu plus, notamment dans la profondeur). Sa Coupe du monde aurait pu commencé par un but, finalement refusé pour hors-jeu, et doit maintenant se poursuivre lors d’un test majeur : le Brésil, là où elle voulait être. L’histoire est en marche, et ce, alors que Diacre et ses proches assurent qu’elles n’est pas encore à 100%. Appétissant, donc.
Par Maxime Brigand