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Grève RATP : la Ligue des champions vaut bien une grève
Les supporters anglais et espagnols qui débarqueront à Paris pour la finale de la Ligue des champions découvriront que notre pays conserve ses traditions. Un mouvement social perturbe en effet le fonctionnement de certaines lignes - pas toutes - de bus, tramways, métro et RER. Notamment celles qui desservent le Stade de France et la fan zone du cours de Vincennes. Mais est-ce si grave ?
La France, et son président de la République Emmanuel Macron, s’étaient réjouis de récupérer l’organisation de la finale de la C1, normalement prévue à Saint-Pétersbourg. L’invasion russe en Ukraine et les sanctions adoptées par l’UEFA avaient redistribué les cartes (le mot « Paix » , en anglais et en caractères cyrilliques, sera inscrit sur le ballon, vendu ensuite par Adidas au profit des Ukrainiens). Le Stade de France y avait gagné un événement prestigieux pour son calendrier. Paris et son tourisme, l’occasion d’accueillir une centaine de milliers de visiteurs inattendus et bienvenus en cette période compliquée économiquement. On se frottait déjà les mains, par exemple du côté du cours de Vincennes, où doit être installée la fan zone pour les supporters de Liverpool. Les stocks de bière s’entassent déjà dans les caves des bistrots avoisinants.
Seulement, la vie continue, y compris pour le commun des mortels qui doit boucler ses fins de mois ou garder son emploi. Le personnel des transports en commun de la capitale est particulièrement inquiet. « Le climat est de plus en plus tendu sur le RER, dans le contexte d’ouverture progressive à la concurrence dans les transports publics. Surtout quand on voit ce qui se passe en ce moment au département bus de la RATP, où les conditions de travail des machinistes vont être dégradées dès maintenant. Côté RER, même si l’ouverture à la concurrence interviendra beaucoup plus tard, on sent bien que la direction fait déjà des tentatives de dérégulation », expliquait dans Le Parisien Jean-Christophe Delprat, délégué FO RATP, pour l’intersyndicale. Une grève a ainsi été déclenchée, notamment parmi les machinistes des bus et du tramway (60% de grévistes chez les conducteurs), sur le RER B (qui dessert aussi le SDF) et désormais le RER A (qui conduit vers la fan zone).
Wagons bondés
Il faut néanmoins nuancer les probables conséquences et la gêne occasionnée, si ce n’est que les wagons risquent d’être bondés sur les itinéraires alternatifs, comme sur les lignes 9 et 1 du métro, sans parler de la 13. Il demeure un grand nombre de moyens, y compris de lignes de métro, pour accéder à Saint-Denis ou à Nation. La RATP a annoncé en outre qu’elle « va prendre toutes les mesures possibles pour permettre d’assurer la mobilité des Franciliens pour le match de samedi ». De beaux esprits ont toutefois naturellement hurlé à la prise d’otage ou regretté que des irresponsables gâchent la fête. On leur rappellera juste que le droit de grève est garanti par la Constitution et que la République demeure légèrement au-dessus, en principe, des intérêts de l’UEFA ou de ses bénéfices. Cependant, il faut également noter une certaine crispation sur ce terrain. En 2016, la CGT, en pleine lutte contre la loi El Khomri, avait suspendu quasiment ses actions afin de permettre la bonne tenue de l’Euro, y compris en annulant des manifestations en raison des risques liés aux hooligans russes.
Aujourd’hui, le son de cloche a changé. CGT, FO, UNSA et La Base ont clairement exprimé dans un communiqué commun leur souhait d’« affecter fortement » le choc tant attendu entre le Real et les Reds. Quoi qu’il en soit, l’objectif est rempli. Les médias (presse sportive y compris) et les réseaux sociaux parlent davantage de ce mouvement social et, un peu, de ses revendications, que s’il n’avait concerné que les habituels usagers. En outre, en venant grattouiller ce sommet du foot européen, les syndicats ont démontré qu’il n’existait pas ou plus de « trêve sociale » en la matière et que le ballon rond, en l’occurrence, est concerné au même titre que les autres.
Par Nicolas Kssis-Martov