En tant que fan du Barça, êtes-vous attristé par le déclin de l’Espagne ?
Un peu. Disons que ce qui est en train de se passer est dans la continuité de ce que le Barça a produit depuis quelques semaines voire quelques mois. On a vu Barcelone souffrir à travers ses internationaux espagnols mais aussi à travers Messi. La moitié des titulaires de l’Espagne joue au Barça. Piqué est catastrophique, Iniesta largement en dessous de sa valeur. À la limite, Xavi a été le moins décevant. Pour ce qui est de Messi, c’est pareil. Cette saison, on a vu 50% du Messi des deux-trois saisons précédentes. Vous allez me dire qu’il a marqué un but formidable contre la Bosnie. C’est vrai. Mais je n’oublie pas les cinq-six premiers ballons qu’il a touchés et perdus.
Le mal de l’Espagne, c’est la baisse de régime des joueurs du Barça ?
Ce n’est pas seulement ça, non. Trois clubs espagnols ont joué des finales de Coupe d’Europe cette saison (Real Madrid, Atlético, FC Séville, ndlr). Les joueurs du Real sont complètement cuits : Coentrão est sorti sur blessure, Pepe pour un carton rouge, Xabi Alonso a été mauvais et Ronaldo, ça ne m’étonnerait pas qu’on l’ait fait jouer blessé. Ah oui, et puis il y a Sergio Ramos. Un prétendant au Ballon d’or, tu parles ! Ils ont peut-être trop fêté le titre et à la limite, ça peut se comprendre, le Real attendait depuis longtemps sa dixième Ligue des champions. Et ils ont aussi consacré beaucoup d’énergie dans la course au titre. Je ne parle même pas de l’état dans lequel est arrivé Diego Costa. Bref, avec tout ça, on arrive à une demi-catastrophe.
On vous a vu sur une vidéo démentir les pronostics du cochon d’inde Madame Shiva. Vous, vous voyez un nul pour France-Suisse…
La France et la Suisse ont fait match nul lors de leurs trois dernières confrontations. J’en vois bien un quatrième et la 1re place se jouer au goal average, même si la France est un peu favorite. Ces dernières années, j’étais plus en Suisse alors oui, j’ai une préférence pour l’une des deux équipes. Je vis à 5 kilomètres de Neuchâtel depuis un moment et je constate tous les jours l’engouement pour la sélection. Je suis consultant à la télé suisse, je fais aussi des choses sur Internet. J’ai par exemple lancé un appel aux portefeuilles suisses dans le but de venir en aide à des enfants qui sont dans la misère. La vidéo sera diffusée 3500 fois sur un écran situé à la nouvelle gare de Zurich. En Suisse, je suis sollicité tous les jours, notamment avec le match contre la France. J’attends qu’en France, un journal français autre que le vôtre m’appelle. J’ai quand même été le sélectionneur de cette équipe de Suisse. Il y a quelque temps, un journal français a fait un article sur Lucien Favre. Au lieu de m’appeler, ils ont demandé l’avis d’Ottmar Hitzfeld. Favre, j’ai été son entraîneur au Servette Genève et il était responsable de l’académie de Neuchâtel quand j’entraînais l’équipe première.
Vous avez été en contact avec Ottmar Hitzfeld ces derniers temps ?
Pas trop. On a passé les diplômes ensemble. Je jouais en même temps au traducteur puisque j’étais le seul qui parlais français et allemand. Après, Ottmar, il fait sa vie.
La Suisse a beau être 6e au classement FIFA, elle n’a jamais été donnée ni comme favorite ni comme outsider pour ce Mondial. Pourquoi ?
On parle souvent de l’arrogance des Français… J’ai vu un intellectuel arménien à la télé – mais si, un type avec des petites lunettes – dire ‘Est-ce qu’on joue au foot en Suisse?’ Puis une autre ânerie : ‘Mais qui s’intéresse vraiment au championnat allemand ?’ À une époque à Strasbourg, on ne jouait jamais à 18h car on savait que le stade serait vide à cause des matchs de Bundesliga ! Avant, les intellectuels disaient qu’ils laissaient le foot aux cons. Aujourd’hui, ils s’en emparent parce que « ça fait bien » de parler de foot. Mais au fond, leurs prises de parole ne font que mettre en évidence leurs limites. Pour revenir à la question, il manque un truc à la Suisse pour faire un grand parcours. Ça viendra peut-être un jour mais ça n’enlève rien au fait qu’ici, on vit le foot à fond. Je vois des drapeaux dehors, dans des voitures sur l’autoroute. Tout le monde est derrière l’équipe nationale. Il faut une Coupe du monde pour que la Suisse alémanique et la Suisse romande marchent dans le même sens.
Vous la voyez aller loin la Nati cette année ?
Tout dépend de qui va terminer 1er du groupe. Mieux vaut éviter l’Argentine en 8e, c’est certain. Mais bon, les Suisses ont bien battu l’Allemagne (5-3) et le Brésil (1-0) il n’y a pas si longtemps…
De qui la France doit-elle se méfier ?
Quand la Suisse était menée 1-0 contre l’Équateur, j’ai dit à la télé que celui qui allait faire la différence était Ricardo Rodríguez. Il joue arrière gauche mais j’avais remarqué qu’il y avait des trous dans le côté droit équatorien. Et l’autre, Rodríguez, il n’est pas maladroit. Résultat, c’est lui qui fait les deux passes décisives (2-1). La paire d’arrières latéraux Lichtsteiner-Rodríguez est la meilleure paire de latéraux de ce Mondial. Après, Inler n’est pas mal dans l’entrejeu, Shaqiri est en bonne forme et Drmić, j’aime bien aussi.
Et l’équipe de France, elle vous plaît ?
Didier est un entraîneur qui a fait ses preuves. Je suis plutôt d’accord avec les idées qu’il défend. J’aime beaucoup Benzema. Ce que je lui reprochais, c’était de ne pas participer au jeu. Si on attend le ballon devant le but, ça ne marche jamais. Il a compris ça. Il y a un garçon qui n’est pas assez reconnu en France et que j’aime bien, c’est Valbuena. À un moment, il en rajoutait un peu, mais c’est un joueur qui apporte des choses, il est tout le temps disponible.
La France est-elle plus forte sans Ribéry ?
Tout dépend de quel Ribéry on parle. Un Ribéry en grande forme a sa place tous les jours en équipe de France. Bon, il n’est pas là. Peut-être que son absence pousse les autres joueurs à apporter 5% d’eux-mêmes en plus.
Qui voyez-vous en finale ?
Une France au top a le droit de tout rêver. Le Brésil est le grand favori parce qu’il joue à domicile. Si ça s’était joué en Europe, ils n’auraient rien fait. Ce que j’ai vu d’eux pour l’instant n’est pas terrible-terrible. Le Chili m’a plu (l’interview a été réalisée avant Espagne-Chili, ndlr). Ma femme me souffle l’Allemagne. Au Portugal, les trois du Real sont cuits (CR7, Pepe, Coentrão). À mon avis, si on veut avoir une super Coupe du monde, faut jouer au mois d’octobre, après six ou sept journées de championnat, quand les joueurs sont frais. L’Italie, on ne la voit jamais aller au bout mais elle est toujours là. Et elle pratique un vrai football. L’Angleterre, fidèle à elle-même, si elle ne joue pas à domicile, elle ne fait jamais rien. Allez, s’il faut donner une finale, je dis Brésil – Pays-Bas.
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