- Euro 2016
- 8es
- Italie-Espagne (2-0)
Grenoble, italienne dans les veines
Une nouvelle fois prête à défier les pronostics, la Squadra Azzurra s’est chargée de dompter l’Espagne depuis Paris pour mettre l’ambiance sur les quais de l’Isère. Une tradition bien grenobloise.
Place de Berulle, les fûts du pub O’Callaghan se vident à la vitesse de l’éclair. Pourtant, l’Irlande est sortie de l’Euro 2016 depuis 24 heures. Si les recettes explosent toujours, c’est parce que le choc de ces huitièmes de finale regroupe la foule, surtout ce lundi soir. Fidèle à ses valeurs, la Nazionale mène le double champion d’Europe en titre en bateau. Devant l’écran de la télé et la pinte bientôt vidée, Jules garde un sourire narquois quant aux prouesses de Buffon. « Le truc avec l’Italie, c’est qu’une fois la défense passée, tu as encore Gigi derrière. » Sur un dernier contre d’école, Graziano Pellè prend son rôle de bourreau au pied de la lettre. 0-2. Voilà, l’Italie est en quarts, et sa qualification reste à l’image de l’attraction naissante autour du débit de boissons : remarquable.
« On est chez nous ! »
La fin du match à peine sifflée, les coups de klaxon sont déjà de sortie dans Grenoble pour la victoire transalpine. Plus les années passent, moins la surprise est grande, tant ladite diaspora est ravie de mettre en avant son bleu plus azur. Sur la voie de Corato, les voitures forment très vite un embouteillage aussi routier que sonore. Au programme, un drapeau présent sur chaque moto, scooter ou rebord de fenêtre de voiture, des lunettes de soleil aux verres fumés en condition sine qua non et une gomme pneumatique cramée pour embaumer tout le quartier. La fête peut commencer.
Comme des faux jumeaux, les quais de l’Isère se divisent : la rive gauche vers le centre-ville, puis ses bulles pour monter à la Bastille, et la rive droite, dédiée aux pizzerias grenobloises et ses appartements ancrés dans les prémices de la Chartreuse. Une fois passée la frontière du pont Saint-Laurent, l’ambiance monte donc d’un nouveau cran : fumigènes, pétards et chants à l’unisson, dont le fameux « On est chez nous ! » en VF. Tifoso aux ascendances du Corato et de Bologne, Romain se délecte d’un aussi beau moment de communion : « Ici, nous avons vu ce match avec beaucoup de stress. En 2012, ils nous en avaient mis quatre… Mais au vu du début de tournoi, je restais serein quant aux capacités de mon équipe. Et puis concernant la physionomie du match, y a rien à dire. »
La révolte du pizzaïolo
Autour du père de famille, les bords de l’Isère s’enflamment, pour son plus grand bonheur. « Dès les huitièmes, tu commences à avoir une ambiance de fou et ça monte match après match, enchaîne Romain. 80% de l’immigration grenobloise est d’origine italienne… En 2006, tu avais 30 000 personnes ici. » De quoi faire marcher les commerces. Un peu plus loin en direction de l’esplanade, Michel porte une toque vert, blanc et rouge pour servir les clients privés de sa pizzeria Notte & Di. Son avis est tranché : « J’ai de la rancœur. Que ce soit les mecs de RMC, de TF1 ou beIN Sports, ils voyaient tous l’Espagne et annonçaient que la Belgique était une erreur… Ce soir, on tape l’Espagne. Et bientôt, on tapera l’Allemagne et les Français. »
De son côté, Romain reste plus mesuré. « L’Allemagne, ce sera du 50-50. Tu sais, l’Italie reste capable du meilleur comme du pire… Et puis si c’est la France en demies, je serai derrière laSquadraquoi qu’il arrive. Mais je reste bon joueur, que le meilleur gagne. » Pendant que les pizzerias se garnissent pour profiter du coup de maître islandais l’esprit libéré, Romain pense à ramener le fiston Gianni au bercail, quitte à se prendre des embouteillages avec le sourire. « Mon fils est né il y a 10 ans, juste avant le Mondial 2006. Cette année, ma fille vient tout juste d’avoir un mois. » Si la Madone se met à envoyer des signes…
Par Antoine Donnarieix, à Grenoble