Tes premiers souvenirs de derby, c’était avec le maillot de l’ASSE sur les épaules, tu te souviens de cette époque ?
Et oui, c’était avec l’ASSE, forcément, puisque j’ai été formé là-bas. J’ai le souvenir d’en avoir vécu un seul avec les Verts, dans les années 90. On se déplaçait à Lyon et tout le monde nous prédisait une grosse défaite, car l’OL était plus fort à ce moment-là et, au bout du compte, on avait certes perdu 1-0, mais on avait fait une belle prestation. Ça reste un mauvais souvenir, car c’était une défaite, mais par rapport à la foudre qui nous était annoncée, je trouve qu’on s’en était bien sortis.
Après quatre saisons chez les Verts, en 1997, tu prends la direction de Lyon. Quand on fait ce genre de choix de carrière, partir dans un club rival, ça doit être difficile à gérer, non ?
Oui, c’est une énorme pression. Tu es attendu de tous les côtés, en fait. D’une part par tes nouveaux supporters, mais aussi par les anciens qui ne vont pas te louper. C’est le genre de moment où il faut être costaud mentalement.
Ça a été délicat, pour toi, l’intégration à Lyon ?
Ouais, c’était plutôt compliqué (rires). Heureusement que je connaissais bien Flo Maurice, Flo Laville et Fabrice Fiores qui m’ont bien aidé à m’intégrer. À l’époque, il y avait pas mal de vrais Lyonnais dans l’équipe, des mecs formés au club et tout. En plus, moi, je venais de D2 avec Saint-Étienne, et j’arrive au mois de décembre, donc tout seul, car ce n’est pas comme l’été où il y a plusieurs nouveaux qui débarquent. Donc voilà, ce n’était pas évident, il faut être fort mentalement pour arriver à se faire sa place.
Tu as mis du temps à réellement t’intégrer ?
Ça a duré longtemps, quand même. Pendant facilement deux-trois ans, quand on subissait une défaite, je recevais des colis pas très sympas à l’entraînement. Il a fallu que le temps fasse son travail, quoi. En plus, il faut savoir que j’arrive après Olmeta qui était un demi-dieu à Lyon, donc ce n’est jamais évident.
Tu te rappelles du premier derby que t’as vécu avec les couleurs de l’OL ?
Alors, je ne sais pas si c’était le premier, mais je me souviens de mon premier retour à Geoffroy-Guichard. Et je peux te dire que c’était chaud. J’ai été pas mal conspué toute la partie, mais bon, ça fait partie du jeu.
À ce moment-là, tu es assez jeune, ce n’est pas trop compliqué à vivre ?
Il faut une énorme concentration, encore plus que d’habitude. De toute façon, tu es obligé de faire abstraction du contexte, sinon ce n’est pas possible. Le plus dur, c’est la semaine qui précède, car une fois sur le terrain, tu sais ce que tu as à faire. La semaine avant le match, tu te fais tous les scénarios dans ta tête, et ça, c’est compliqué.
Une fois sur le terrain, tu arrives à faire abstraction de ce qui se passe en tribunes ?
Ouais ! Ça, c’est limite le plus simple, honnêtement. Sur le terrain, tu es dans ton élément, tu fais ton taf, quoi. Après, c’est sûr qu’il faut espérer que les ballons ne soient pas trop difficiles à négocier. Le problème, c’est que, bon, on a un poste décisif, donc il ne faut pas faire d’erreur. Mais, là encore, plus que d’habitude, car en tant qu’ancien Stéphanois, tu ne veux pas qu’il y ait de suspicion, les mecs disant derrière : « Regarde, il l’a fait exprès » , ça, c’est ce qui est impressionnant, ce truc où tu n’as vraiment pas le droit à l’erreur, mais alors pas du tout.
C’est une grosse préparation, le derby ?
Oui, forcément. En plus, c’est une pression qui vient naturellement à toi, car les supporters t’en parlent constamment la semaine d’avant. Il y en a qui t’envoient des courriers, c’est particulier, hein. Je me rappelle qu’avant mon premier derby à Geoffroy-Guichard, certains supporters stéphanois m’avaient écrit pour me dire que les réactions à mon égard seraient partagées, mais qu’il ne fallait pas que je me formalise là-dessus. Tu reçois des trucs moins sympathiques aussi, tu reçois un peu de tout, quoi. (rires)
Tout ça fait que tu y penses toute la semaine qui précède le match ?
Inévitablement, oui. Déjà parce que l’impact médiatique autour de cet événement est très fort, et puis tous les gens que tu rencontres te parlent de ça. Mais c’est ce qui est excitant aussi, c’est ce qui fait monter la sauce, hein. Par exemple, on sait que les supporters se chauffent entre eux, ce sont des choses qui nous viennent jusqu’aux oreilles.
Avec Janot, pour déconner, on voulait s’allumer dans la presse, en étant tous les deux d’accord
Tu te souviens de derbys assez tendus entre les joueurs, sur le terrain ?
Non, pas spécialement. Personnellement, je n’ai jamais eu d’animosité avec quelqu’un. On est tous là pour gagner, mais ça s’arrête là. Le derby où j’étais mal à l’aise, c’est quand on est venus maquillés après avoir gagné le titre. J’ai trouvé que c’était un peu limite, mais bon, j’ai suivi le groupe. En même temps, en faisant ça, tu t’obliges à bien jouer pour ne pas passer pour des guignols (rires).
Les Stéphanois l’avaient vraiment mal pris ?
Ouais, quand même. Ce n’était pas très bien passé. Ils avaient pris ça pour un manque de respect. En gros, ils n’avaient pas envie qu’on vienne fanfaronner chez eux, et c’est normal.
Pourtant, en règle générale, l’ambiance était plutôt bonne entre les joueurs, non ?
Ouais, bien sûr. Mais tu sais, parfois, ça va vite. Par exemple, moi avec Janot, des fois on avait envie d’en rigoler et on voulait essayer de s’allumer dans la presse, mais pour déconner, en étant tous les deux d’accord, quoi. Mais, en fait, tu te rends compte que dans ce genre de truc, tu peux très vite ne plus rien maîtriser du tout. Après, ce qui était cool avec Jérémie, c’est qu’on s’entendait vraiment bien, il y a toujours eu énormément de respect entre nous.
Quel est le derby qui t’as vraiment marqué ?
J’aurais tendance à dire tous ! Surtout que durant mon époque à Lyon, on les a tous gagnés, sauf quelques matchs nuls. Ce sont des matchs tellement importants que tu es vraiment tranquille quand tu les gagnes, tu sais qu’au moins, tu ne vas pas te faire chambrer (rires). Après, il y en a plusieurs qui ont eu un scénario incroyable, comme quand Sidney marque dans les dernières minutes ou encore Tof Delmotte qui marque le but de la victoire en toute fin de match. Je me souviens aussi de nombreux derbys joués dans le froid, dans des conditions très difficiles. Ça demande beaucoup d’énergie un derby.
Qu’est-ce que tu penses des provocations entre les supporters, notamment au niveau des banderoles. Il y en a quand même plusieurs qui étaient limite de la part des deux camps ?
Personnellement, je ne suis pas trop fan de ce genre d’ambiance. Quand je suis revenu à Sainté, ils m’avaient préparé une chanson salée, j’avais également eu le droit à une peluche à mon effigie qui était pendue. Pour moi, ça dépasse vraiment trop le cadre du sport, alors que justement, le sport ce n’est pas de la haine. Après, c’est comme ça, ce sont des choses que tu ne peux pas empêcher. En plus, voilà, moi, j’aime les deux équipes, donc je ne suis pas dans la rivalité exacerbée.
Tu viens de Haute-Loire, c’est une région où les gens supportent majoritairement l’ASSE, en plus.
Ouais, et puis, j’ai été formé à Sainté, surtout. Tu demandes à n’importe quel joueur, il te dira pareil : le club dans lequel il a été formé, c’est toujours quelque chose d’important pour lui. Et même si j’ai fait un très gros passage à l’OL, je ne peux pas cracher sur Saint-Étienne, c’est impossible.
Et aujourd’hui, quand il y a un derby, tu restes neutre ou tu as un petit penchant pour l’une des équipes ?
Je reste neutre, même si mes années lyonnaises font que j’ai peut-être plus un petit côté lyonnais, car j’ai vécu beaucoup de choses là-bas et que j’y ai encore beaucoup d’amis. En gros, je suis content pour celui qui gagne et triste pour celui qui perd.
Tu suis un peu le parcours des deux clubs, en ce moment ?
Oui, bien sûr. En ce qui concerne l’OL, je suis très heureux de voir le foot qu’ils pratiquent, ils ont vraiment un beau jeu. Et puis comme je te disais, j’ai encore beaucoup d’amis là-bas. À Saint-Étienne, j’apprécie énormément Christophe Galtier que j’ai côtoyé à Lyon et qui est vraiment un super mec. Ce qui est dommage pour l’ASSE, c’est qu’on a l’impression qu’ils ont un vrai blocage offensif, alors que dans ce domaine, Lyon est très bien armé.
En tant qu’ancien gardien, peux-tu nous donner ton avis sur Lopes et Ruffier ?
Ce sont avant tout des gardiens très réguliers, et ça, c’est une énorme qualité. Très honnêtement, je trouve qu’ils n’ont pas beaucoup de défauts. Selon moi, ils ont une bonne capacité d’analyse par rapport aux ballons qu’ils doivent négocier. Ils savent faire le bon geste au bon moment, quoi. Ça va être un joli duel dans le match, d’ailleurs.
Pour finir, quel est ton pronostic ?
Je sens une victoire de Lyon. On va dire 2-1, histoire de voir des buts.
Cole Palmer honoré par un joueur de fléchettes bahaméen