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Greg Houla : « Une fois que tu comprends les gens, tu peux voyager partout »
En moins d’un an, Greg Houla, 30 ans, a connu la dernière place du National 1 avec Créteil et aujourd’hui celle de la Thai League 1 avec les Air Force Central. Reste que la vie à Bangkok présente quelques atouts par rapport au Val-de-Marne. Interview motos-taxis, plats épicés et panne sur l’autoroute.
Comment tu t’es retrouvé en Thaïlande en juin dernier, au milieu de la saison du championnat local ?J’étais déçu de mon expérience à Créteil, j’arrivais à un âge (30 ans) où je voulais découvrir quelque chose de nouveau et j’en ai parlé à Joël Sami (Ratchaburi FC) avec qui j’ai joué à Orléans. C’est comme un grand frère pour moi. Il m’a dit : « Écoute, ici, c’est un championnat extrêmement fermé, il n’y a droit qu’à trois joueurs étrangers sur le terrain. » (Chaque club de la Thai League 1 a droit à un quota de cinq joueurs étrangers dans son effectif, dont au moins un issu de la confédération asiatique, mais ne peut en aligner que 3+1 sur le terrain, N.D.L.R.) Mais il adorait sa vie en Thaïlande. Il se trouve que le club des Air Force cherchait un attaquant excentré. On m’a contacté et ça s’est fait. Au début, avec ma femme, on était partis pour six mois, mais je pense qu’on va rester plus longtemps.
Ton équipe est reléguée en deuxième division depuis déjà plusieurs semaines, et tu savais en arrivant en milieu de saison que ça s’annonçait galère. Ça ne t’a pas freiné ?Non, lanterne rouge ou pas, j’étais motivé pour prouver mes qualités. Si j’avais le choix entre une équipe française et ici, franchement, je reste ici, même en deuxième division. Là, ils m’ont fait une bonne proposition de contrat pour prolonger. Financièrement, tu t’y retrouves. Pas autant que lorsque j’étais aux Chamois niortais, mais mieux que dans certains clubs français où je suis passé après. L’entraînement reprend le 1er décembre. En janvier, on va faire un stage au Vietnam, et puis le championnat va recommencer.
Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans cette expérience en Thaïlande ?
Les gens sont hyper chaleureux. Ici, on sent de la ferveur. À chaque fin du match, les jeunes viennent te voir. L’affluence chez nous ? (Rires.) Bon, cette saison, on n’avait pas les meilleurs résultats. On a dû faire 7 000/8 000, mais comme c’est dans un grand stade de 40 000 places, les 7 000 supporters, on ne les voit pas. À Bangkok, il y a des boutiques de Liverpool partout. Ils adorent la Premier League. J’ai le décodeur chez moi, il y a une chaîne thaï qui diffuse des matchs de Premier League du matin au soir !
Quelles sont les caractéristiques de la Thai League, selon toi ?C’est un jeu rapide. Mais il y a des lacunes tactiques par rapport à l’Europe. Très honnêtement, les joueurs étrangers apportent une vraie plus-value. Il suffit de regarder le classement des buteurs et des passeurs. Les propriétaires de clubs sont très friands de joueurs brésiliens.
Pour un attaquant comme toi, avoir autant d’espaces, ça doit être plaisant…
Je me régale ! Un attaquant qui sent le jeu, ici, il peut marquer facilement 30 buts par saison. Et je suis très sérieux. Moi, j’en ai marqué 8 en 14 matchs de championnat et quatre en Coupe. Je suis ailier, je peux jouer sur les deux côtés et en soutien de l’attaquant.
Comment se passe la communication avec tes coéquipiers, sachant que la grande majorité de l’effectif est thaïlandaise ?Je me débrouille en anglais, mais mon niveau n’est pas exceptionnel. Ma chance, c’est d’avoir un coéquipier néo-zélandais (Kayne Vincent). Ça fait quatre ans qu’il est en Thaïlande. Il m’aide. L’entraîneur est anglais (Jason Brown), il a un traducteur. Moi, j’essaye de m’adapter en apprenant quelques mots que l’on utilise sur le terrain, du genre : « laisse » , « ça vient » , « seul » … J’ai un bon ami thaï dans le vestiaire, des fois, je lui sors des blagues, il rigole… mais je ne suis pas sûr qu’il ait compris.
Tu as des anecdotes à raconter par rapport à la barrière de la langue ?J’ai déjà eu des grosses galères. La dernière fois, je suis tombé en panne, j’ai appelé l’assurance de la voiture. Je ne comprenais rien au téléphone, je suis resté deux heures sur le côté de l’autoroute. Finalement, la police est arrivée, ils m’ont aidé. Ma femme aurait plus d’anecdotes à te raconter que moi !
En quoi c’était un choc culturel pour toi en arrivant ?Il y a vraiment beaucoup de monde, c’est incroyable. En France, à Paris, tu peux te balader en centre-ville, flâner dans un restaurant, il y a des grandes rues piétonnes. Ici, ça n’existe pas. Ce sont des mall– des grands centres commerciaux – et des rooftopavec une vue sur la ville.
Le trafic routier de Bangkok est saturé et il n’y a que quatre lignes de métro dans une métropole qui compte 14 millions d’habitants. Toi, comment tu te déplaces dans la ville ?Je prends souvent des motos-taxis. J’ai une anecdote là-dessus. J’habite le quartier Rama IX, et en thaï, ça se dit : « Phraraaam kao » . J’ai plutôt une bonne prononciation, ça va… Alors, pour rentrer, je dis au motard : « Phraraaam kao » . Il me regarde, il ne comprenait pas. Je répète : « Phraraaam kao » , « Rama nine » … Et là, il me dit : « yes, you speak english ! » . Il me parle en anglais alors que j’essayais de parler sa langue.
Tu as testé la nourriture épicée ?Première semaine, je veux m’adapter, alors je reste avec les gars. « On va manger là ? » « Allez… » On mange dans un boui-boui très bon, tout se passe bien. Sauf que mon estomac, en bon français, il n’est pas prêt. Le lendemain, entraînement, j’appelle le coach, je lui dis que j’ai mal au ventre. Je suis parti à l’hôpital ! J’ai fait une intoxication alimentaire parce que mon corps n’était pas habitué.
C’était comment de vivre la Coupe du monde à Bangkok ?
La saison du championnat thaï continuait pendant la Coupe du monde. Tous les matchs des Bleus, je les ai regardés. Je suis un supporter numéro un. La finale France-Croatie, je m’en rappelle, c’était un dimanche soir à 2h du matin. J’avais entraînement le lendemain. Bon, j’étais un peu fatigué, mais c’est pas grave… (Rires.)
Tu côtoies les autres Français du championnat ?Avec Florent Sinama-Pongolle, on habite dans le même immeuble. Sa famille vit ici et lui, il rentre de Chainat le week-end. En arrivant, il m’a donné les bons filons. Dans mon esprit, en tant que Français, à l’entraînement, je ne lâche rien. Quand je perds, je suis ronchon. Je lui ai dit que mes coéquipiers étaient un peu relax. Mais lui m’a expliqué que c’était dans leur culture et qu’il ne fallait pas les brusquer. Comprendre la personne et s’adapter, on a beaucoup discuté là-dessus. Il faut juste comprendre l’autre, en fait. Une fois que tu comprends les gens, tu peux voyager partout.
Propos recueillis par Florian Lefèvre, à Bangkok