- Euro 2020
- 8es
- France-Suisse (3-3, 4 t.a.b. 5)
Granit Xhaka, tout sauf neutre
Seulement troisième du groupe A, la Suisse a déjoué tous les pronostics en enterrant l'équipe de France en huitièmes de finale de l'Euro. Une qualification historique qui porte le sceau du double buteur Haris Seferović, évidemment, mais aussi du Monsieur plus de la Nati, Granit Xhaka, qui a revêtu pour l’occasion ses plus beaux habits.
« Nous avions dit avant le tournoi que nous voulions écrire l’histoire. C’est fait. » Granit Xhaka peut avoir le sourire. La Suisse n’avait jamais atteint les quarts de finale d’un Euro. Elle n’avait jamais non plus battu la France en compétition officielle. Pour couronner le tout, elle accusait deux buts de retard à l’entame des dix dernières minutes de la rencontre. Ce lundi soir, la Nati a dépassé sa prétendue neutralité en sortant un match titanesque et en brisant le plafond de verre. Pas n’importe comment, avec du caractère et de la personnalité, ce dont les Bleus ont cruellement manqué. Un engagement de tous les instants et une détermination rassemblés dans le corps et l’esprit d’un Granit Xhaka qui, en plus d’être au four et au moulin dans l’entrejeu, a guidé ses coéquipiers, transfiguré par le maillot de sa sélection.
Tenir la barre
Au-delà d’une phase de poules assez quelconque, la Nati aura dû affronter des vents contraires dans cet Euro, ceux de la polémique sur le mutisme d’une partie des joueurs au moment de l’hymne. « Les Suisses avaient-ils vraiment envie de jouer ? Après tout, ils ne chantaient pas l’hymne national », écrivait Blick il y a une semaine. La venue d’un coiffeur pour manipuler les délicates tignasses de Granit Xhaka et Manuel Akanji a également fait jaser en Suisse alémanique, au point que Vladimir Petković et Xherdan Shaqiri ont dû répondre à des questions sur le sujet en conférence de presse.
La tempête, Granit Xhaka l’a déjà connue maintes et maintes fois. Avec le maillot helvète, quand il avait célébré son but contre la Serbie en faisant l’aigle albanais. Mais aussi à Arsenal, quand il avait insulté des supporters et jeté son brassard à terre à l’automne 2019, ou plus récemment cette saison. Outre son carton rouge contre Burnley, qui avait précipité la défaite des Gunners en décembre, le milieu s’est malencontreusement distingué à diverses reprises au cours de l’exercice écoulé. Comme sur une tentative de passe ô combien risquée dans sa surface, qui s’est transformée en assist pour Chris Wood. En face, Burnley, encore, mais en mars. Au terme de ce match, la statistique d’Opta était implacable : depuis août 2016, Xhaka a commis plus d’erreurs menant à des buts que tout autre joueur de champ en Premier League. Mais le Granit résiste à tout, notamment aux critiques.
Taille patron
Punis par deux fois dans les airs par Haris Seferović, les Bleus ont craqué une troisième fois à la 90e minute, alors que les quarts semblaient leur tendre les bras. Xhaka est aux manettes et adresse une passe lumineuse pour Mario Gavranović, qui termine le travail pour arracher la prolongation. Les tirs au but ne leur avaient pas été favorables en 2016 contre la Pologne au même stade de la compétition ? L’eau, c’est mieux que le coca ? Qu’importe. Une gorgée de la fameuse boisson pétillante, et le capitaine aux cheveux peroxydés a réuni ses troupes pour les mettre en condition de réaliser l’exploit. De franchir cette dernière haie, sur laquelle ils ont buté si souvent.
« J’ai juste envie de dire merci à toute cette équipe, a réagi l’homme du match, qui n’a pas volé son trophée. Le coach l’a améliorée à chaque tournoi et on peut lui rendre la monnaie de sa pièce. À la 68e minute(alors que la France menait 2-1, NDLR), sur un corner défensif, j’ai dit à Yann (Sommer) : « Il faut qu’on remobilise tout le monde. » Je ne veux pas parler d’arrogance chez les Français, mais je savais qu’en marquant le 2-3 tout était possible. À mon avis, on était la meilleure équipe ce soir.[…]J’ai fait mon premier match avec la Suisse en 2011. Je suis aujourd’hui capitaine. C’est une histoire incroyable. J’ai beaucoup été critiqué, mais j’ai travaillé dur, et tout le monde ne le voit pas. La Suisse m’a offert le droit de disputer un tel tournoi, et c’est une chance unique. » Son carton jaune reçu à la 76e minute le privera du quart de finale contre l’Espagne vendredi. Privé de jouer, certes, mais pas de gueuler et d’accompagner les siens, en croyant au destin.
Par Quentin Ballue