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Grandin : « Ça fait longtemps qu’on ne m’a pas vu jouer ici… »

Propos recueillis par Kevin Charnay
10 minutes
Grandin : « Ça fait longtemps qu’on ne m’a pas vu jouer ici… »

Grand espoir du Stade Malherbe de Caen, étoile filante à l'Olympique de Marseille, puis grand voyageur, Elliot Grandin a aujourd'hui posé ses valises à Fréjus. Entretien avec un mec qui s'est baladé entre la Normandie, la Bulgarie, la Roumanie, Chypre et l'Angleterre.

Tu es né et tu as grandi à Caen, tu as fait tes premiers pas de footballeurs là-bas. Quels souvenirs gardes-tu de cette ville ?J’en garde de très bons souvenirs, c’est ma ville natale, toute ma famille habite encore là-bas. J’ai eu la chance de jouer dans les équipes du Stade Malherbe, d’être champion de France en jeunes. J’ai passé toute mon adolescence là-bas, et je suis hyper reconnaissant de tous ceux que j’ai côtoyés au centre de formation là-bas.

Il paraît que tu étais plutôt bon élève en cours. Tu avais d’autres plans que le foot ?Oui, je travaillais plutôt bien à l’école. Mais c’est vrai que je me souviens du directeur de centre de formation et de mes profs de l’époque qui voulaient que je continue les études parce que j’avais des capacités. Je pensais à faire STAPS pour essayer de devenir prof de sport. Mais je ne pensais qu’au foot. Mon rêve, c’était d’être pro et de jouer à d’Ornano, point. Ce n’était tout simplement pas compatible avec les entraînements, surtout que j’ai commencé avec les pros très jeune, à 17 ans. Il y avait aussi pas mal de voyages avec les jeunes de l’équipe de France. Alors finalement, j’ai assez vite mis les études de côté pour le foot.

Tu as l’air encore très attaché au club de Caen. Pourtant, ça s’est mal terminé en 2008. Tu avais la réputation d’un jeune très talentueux, mais au goût prononcé pour la fête ?C’est faux. Qui dit ça ? Qui raconte ça ?

C’est l’image que tu avais à l’époque en tout cas. Par exemple, Pape Diouf disait récemment de toi qu’il t’avait recruté à Marseille en « faisant fi de ta mauvaise réputation » . Voilà, à chaque fois, on me parle de cette « réputation » , mais on est incapable de me dire d’où ça vient, concrètement. Et je n’ai jamais eu l’occasion d’en parler. À un moment, il faut mettre des noms, il faut me dire qui dit quoi exactement. Tous les gens avec qui j’ai travaillé dans ma carrière n’ont jamais eu de soucis avec moi, que ce soit Ian Holloway en Angleterre, mon entraîneur espagnol à Chypre, et tout le staff marseillais. La vérité, c’est que toute ma carrière, les gens se sont basés sur une déclaration de Franck Dumas, au moment où je n’ai pas voulu prolonger à Caen.

Mon rêve, c’était d’être pro et de jouer à d’Ornano, point.

Tu penses que c’est à cause de ce refus de prolongation que Franck Dumas a dressé ce portrait de toi ?Oui. Pourquoi Caen aurait voulu me prolonger si j’étais vraiment comme ça ? Pourquoi ils auraient insisté pendant six mois, en m’envoyant des agents pour que je reste ? Mais attention, je n’ai rien contre Caen. J’aime encore ce club. C’est juste qu’à ce moment-là, Marseille m’appelle, je suis jeune, c’est un rêve de jouer dans un club comme ça. Si j’avais prolongé à Caen, il n’y aurait jamais rien eu dans la presse. Je trouve ça dommage que les dirigeants de l’époque aient fait de fausses déclarations comme ça. Et aujourd’hui encore, ça me colle à la peau. Les gens qui me connaissent personnellement savent que c’est faux. Mais les gens qui ne me connaissent pas ne peuvent que se baser sur ce qui a été dit, ce qui a été repris.

Au moment où tu étais à Caen, tu avais quels rapports avec Franck Dumas ?J’ai eu de bons rapports avec lui. Il m’a même appelé quand j’étais à Marseille. En me disant : « Ça a pris trop d’ampleur, quand tu reviens sur Caen, allons boire un café ensemble pour en discuter. »

Tu as eu l’occasion de le prendre ce café ?Non, on n’a jamais eu l’occasion de se voir en tête à tête, on a juste échangé par téléphone.

Tu regrettes de ne pas avoir pu avoir cette discussion avec lui après coup ?Non, ce n’est pas ça que je regrette. Ce qui est regrettable, c’est ce qu’il a déclaré.

À ton arrivée à Marseille, tu rentres un peu dans son jeu, en déclarant : « Je n’ai aucune leçon à recevoir d’une personne qui a perdu tout son argent aux casinos. » Ça a pu jouer sur ton image aussi ? J’avoue que j’ai été mal conseillé à l’époque concernant cette sortie. On m’avait conseillé de lui répondre ça. J’étais simplement un jeune de 20 ans content de signer à Marseille et pressé de découvrir le Vélodrome. Et c’est sûr qu’aujourd’hui, je ne rentrerais pas dans ce jeu-là. Je n’aurais même pas dû répondre, j’aurais dû laisser couler et peut-être que ça n’aurait pas pris cette ampleur.

En quelle mesure tout ça t’a pénalisé dans la suite de ta carrière ?Ça m’a beaucoup pénalisé. Les gens m’ont jugé là-dessus et je n’ai pas eu la parole à ce moment-là. J’ai côtoyé plein de monde dans ma carrière avec qui ça s’est super bien passé. Ça m’a causé du tort, parce qu’à plusieurs moments, j’aurais pu revenir en France. Mais à chaque fois, c’était la même chose. On ne me le disait pas directement, mais je sentais que c’était ça. Ça traînait, ça ne se faisait pas, sans qu’on ne connaisse vraiment la raison. Mais dans le fond, c’était à cause de ces a-priori. Même aujourd’hui, ça me cause encore du tort. En ce moment, je suis à Fréjus, en National 2. J’ai signé cet hiver, jusqu’à la fin de l’année. Ça s’est passé assez vite. Le coach de Fréjus m’a appelé, m’a exposé le projet du club et les ambitions du président. Ça m’a séduit. Avant ça, j’avais eu quelques contacts avec des clubs de Ligue 2, mais ça a traîné. Et j’ai la sensation que c’était encore pour ce genre de motifs. Et comme j’avais envie de rejouer le plus vite possible, j’ai saisi l’opportunité de Fréjus.

À un moment, Marseille m’appelle, je suis jeune, c’est un rêve de jouer dans un club comme ça. Si j’avais prolongé à Caen, il n’y aurait jamais rien eu dans la presse.

Pour ton tout premier match avec l’OM, tu fais des débuts fracassants contre Monaco en Coupe de France. Tu te souviens de ce match ?Bien sûr. Je mets un beau but et une passe décisive. J’étais complètement décomplexé, je voulais profiter de chaque minute. En plus, j’étais entouré de super joueurs, alors c’était plus facile. Le coach Éric Gerets était content pour moi. Tout le monde m’a mis dans de bonnes conditions. En plus, justement, j’arrivais dans un contexte particulier, alors c’était bien de réussir ce premier match. Pour le coup, à Marseille, personne n’a fait attention à ce qu’il se disait sur moi. Même les supporters ont été très gentils avec moi. Encore aujourd’hui, quand je vais à Marseille, les gens sont bienveillants avec moi. Franchement, j’ai adoré mon passage là-bas.


Finalement, après ce premier match, tu n’as pas énormément de temps de jeu. Qu’est-ce qui a coincé, avec le recul ?Déjà, il y avait une forte concurrence. À mon poste, il y avait de super joueurs, pas mal d’internationaux. Et moi, j’étais un jeune qui débarque de Caen. J’étais un jeune du groupe. J’ai quand même eu l’opportunité de jouer quelques matchs, mettre quelques buts et quelques passes décisives. Il se trouve que la concurrence était rude. C’est le football. Mais je ne regrette rien à Marseille, j’ai passé de super moments avec les joueurs, mais aussi les gens du club. C’était un rêve de gosse de jouer là-bas.

Tu ne regrettes pas d’être parti un peu trop tôt ?Je pense que j’aurais pu rester un peu plus longtemps pour tenter de m’imposer. Mais comme je te dis, je n’étais pas forcément bien conseillé à l’époque. On m’a conseillé de partir pour aller chercher du temps de jeu, alors que j’étais relativement apprécié à Marseille, par le staff et les supporters.

Ensuite, tu es parti en Bulgarie, tout seul à 20 ans. Comment on gère ça ?C’est compliqué, mais ça forge, ça permet de devenir un homme. J’ai fait le job comme il fallait là-bas, j’ai été récompensé par un transfert en Premier League. Mais c’est sûr que ce n’est pas évident tout seul dans un pays étranger. Il faut se faire. Mais c’est une bonne expérience sur le plan humain. Et puis, l’ambiance, la ferveur des supporters, ça m’a bluffé. Je ne m’attendais pas à ça. Les derbys de Sofia, c’était vraiment chaud. Il sont obligé de le faire au stade national, ils ne peuvent pas le faire dans le stade du CSKA ou du Levski, parce que c’est trop dangereux. Ils sont obligés de fermer une tribune entre chaque groupe de supporters. Je me rappelle d’un match qui avait quand même été arrêté quinze minutes. Mais moi, j’aime ce genre d’ambiance électrique.

L’Astra, c’est le vrai tournant de ma carrière, je n’aurais jamais dû aller là-bas.

L’été dernier, tu as dû résilier ton contrat à Chypre pour des problèmes de paiement. C’est le genre de mésaventures que tu as souvent connues en partant dans des championnats dits « exotiques » ? Exactement. La toute première fois que ça m’est arrivé, c’est en Roumanie, à l’Astra Giurgiu. Avant ça, j’étais allé au CSKA Sofia, ça s’était super bien passé, j’ai fait mes matchs, j’ai pu rejoindre la Premier League après, à Blackpool. Mais à l’Astra, c’était vraiment très compliqué. C’est le vrai tournant de ma carrière, je n’aurais jamais dû aller là-bas. Sur le papier, c’était intéressant, ils jouaient la Ligue Europa, le président avait des moyens financiers pour qu’on puisse viser le titre. Quand je suis arrivé, tout s’est bien passé, je joue contre Lyon en Ligue Europa, je marque vite en championnat, on me met dans les meilleures conditions. Mais après, j’ai déchanté au bout d’un mois. Je me suis rendu compte qu’en fait, le club ne payait rien. Les factures de l’hôtel n’étaient pas payées par le président, alors on changeait d’hôtel à chaque mise au vert, le gars de l’agence de voiture est revenu la chercher parce que le club ne l’avait pas payée, il y avait jusqu’à trois mois de retard de paiement pour les salaires… Je devais commencer à les réclamer, c’était fatigant. Sans parler du centre d’entraînement, où les terrains n’étaient pas entretenus. C’était particulier comme atmosphère, c’était chaotique. J’ai dû entrer en procédure contre le club pour les salaires dus, ça m’a empêché de signer dans un autre club pendant un an et demi…

Comment as-tu fait pendant un an et demi sans jouer ?Je suis retourné m’entraîner à Caen. C’était d’ailleurs très gentil de la part de l’entraîneur de la réserve, Grégory Proment, avec qui j’avais pu jouer à Caen, de me permettre de m’entraîner avec le groupe. Puis j’ai signé à Shrewsbury, en Angleterre. C’était un choix de dépit, un peu. Je sortais d’une longue procédure, la saison allait bientôt se finir, et l’ancien directeur sportif de Blackpool, qui était maintenant à Shrewsbury, m’a dit de venir tout en étant très clair avec moi. Le coach n’avait pas forcément besoin de moi, mais je pouvais signer pour me relancer doucement.

Aujourd’hui, à 30 ans, quels sont tes objectifs pour la suite ?Jouer, prendre du plaisir et faire des bonnes choses. J’ai encore des années devant moi. Si j’ai fait le choix de signer à Fréjus, c’est parce que j’avais vraiment envie de revenir en France après tout ce temps à l’étranger. J’ai refusé des clubs de première division à l’étranger pour privilégier ce retour en France. Et pourquoi pas relancer cette fin de carrière en France, ça fait longtemps qu’on ne m’a pas vu jouer ici.

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