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Grandes régions : l’Alsace veut son indépendance

Par Alexandre Plumey

Réunies dans une seule et même grande ligue à la suite de la réforme territoriale de 2015, actant la création des ‘‘grandes régions’’, les ligues d’Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes vont-elles se séparer ? C’est en tout cas la volonté des Alsaciens. Des discussions sont en cours pour valider ce pas de côté, en dépit du véto des voisins et des pertes et fracas à prévoir.

Grandes régions : l’Alsace veut son indépendance

« Ils nous ont privés de nos derbys et donc de l’engouement pour le football alsacien », s’agace Jean-Paul Zill, secrétaire général au Saverne FC, petit club alsacien en tête de son championnat de district, au moment d’évoquer la volonté de scission de plusieurs clubs et responsables politiques locaux afin de quitter la Ligue Grand-Est. « Jouer contre des Lorrains ou faire 100 kilomètres pour suivre son équipe à l’extérieur, ça n’intéresse personne », poursuit-il, avec l’accent mais surtout une certaine déception dans la voix lorsqu’il est lancé sur la question. Il faut dire qu’à l’extrémité est de l’Hexagone, le sujet fait causer. Cédric Deubel, responsable technique jeunes au FCSR Haguenau et joueur en D2 au SR Rountzenheim, développe : « On était bien entre nous, à jouer contre des adversaires du coin qu’on connaissait. Les derbys gonflaient les recettes des clubs. Il y avait plus de spectateurs pour la R2 alsacienne que pour leur grande R1 actuelle. Ils ne se rendent pas compte que faire 260 kilomètres pour des U14 ou U19 R2, c’est inconcevable. Pour les parents et les clubs. »

Les nombreuses montées du début ont trompé les gens. On veut revenir à la normale. Avec une Alsace plus forte, fière de son identité.

Cédric Deubel, coach de la N2 d’Haguenau

Depuis la réforme territoriale de 2015 actant la création des « grandes régions », du Haut-Rhin aux Ardennes — dont les villes les plus éloignées le sont d’environ 480 kilomètres —, les championnats régionaux regroupent neuf districts. En Régional 1 Seniors, la zone est divisée en trois. Toujours est-il qu’après plusieurs années de chamboulements pour aligner les différents départements (montées/descentes, catégories d’âge, moyens humains et financiers, etc.), un équilibre satisfaisant venait, de l’aveu d’une grande majorité, d’être trouvé. Comment expliquer alors un tel revirement ? « En Alsace, on ne l’a jamais voulu. Les nombreuses montées du début ont trompé les gens. On veut revenir à la normale. Avec une Alsace plus forte, fière de son identité. Et dont les points forts ne sont pas dilués dans la grande région », argumente Cédric Deubel, également entraîneur de la N2 d’Haguenau. D’autant que la création d’une Collectivité européenne d’Alsace en 2021, un modèle unique en France, permet dans les textes de recréer une Ligue d’Alsace. C’est sur ce cheval de bataille que la liste menée par Michel Aucourt a été élue à la tête du district d’Alsace en 2020.

Vers un effet boule de neige ?

Sitôt en poste, la nouvelle équipe a surfé sur sa vague de popularité pour appliquer sa promesse. Après quelques réunions officielles d’usage, un important lobbying parcourait les bords de terrain alsaciens pendant que les bambins s’amusaient sur le pré. Des banderoles « #Nous, c’est ligue d’Alsace » fleurissaient même dans les club-houses. « On nous a imposé notre mort en 2016. On n’a plus les moyens de notre développement et nos clubs souffrent », peste Michel Aucourt, président du district alsacien, par ailleurs « content » du changement à la tête de la Fédération française de football, tant Noël Le Graët avait toujours répondu d’un non catégorique à leurs doléances. « Seule une Ligue nous redonnera nos ambitions avec autonomie. Notamment en matière de formation », dit-il. C’est dans ce sens qu’une réunion entre la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, le président de la FFF, Philippe Diallo, et des représentants alsaciens de la cause s’est tenue en juin dernier. Plusieurs votes cruciaux auront lieu d’ici l’été. D’abord, lors de l’Assemblée générale de la LGEF le 30 mars prochain(1), puis celle de la FFF en juin 2024, et enfin, ce sera au comex de la 3F de valider la sentence avant une instauration espérée à la rentrée 2025.

Sondée, une source proche du dossier à la Fédé se veut « très prudente », même si des « discussions existent ». La « crainte d’un effet boule de neige », autrement dit d’une propagation de ces velléités à d’autres régions et donc « une remise en cause globale du système actuel est persistante » décrit un autre acteur. Dans l’entourage de la ministre, aucun commentaire. Hormis celui de renvoyer au communiqué diffusé à l’époque, intitulé « La ministre des Sports salue la décision du président de la FFF de saisir les instances fédérales en vue de la création d’une ligue de football en Alsace. » Plus en détail, AOC loue cette volonté locale « d’honorer l’engagement pris en février 2022 par le président de la République d’une meilleure prise en compte, pour les fédérations qui en exprimeraient la demande, des spécificités dans l’organisation sportive de l’Alsace » tout en précisant attendre les conclusions du processus démocratique en cours.

L’identité territoriale ne peut pas être la seule motivation, surtout vu les enjeux. Les clubs se sont habitués à cette organisation. On est contents de jouer Metz ou Nancy chez les jeunes.

Jacques Canosi, manager général de Schiltigheim

« Si elle attend les conclusions, c’est qu’elle est d’accord avec nous. Il faut savoir lire entre les lignes », plaide un président de club alsacien en faveur de l’indépendance, mais préférant rester anonyme, « car ce n’est pas le moment de mettre de l’huile sur le feu ». En attendant les échéances du printemps, les partisans d’un départ brandissent en étendard, comme principal argument, les 96% des votes recueillis lors de la dernière assemblée générale du district d’Alsace, en octobre dernier. De l’autre côté des Vosges, on attend surtout du vote de mars prochain une clarification des positions de chacun. « Déjà, on a vu qu’à la sortie de l’AG de la Ligue, fin 2023, pas mal d’Alsaciens doutaient de leur position. Comme quoi ça sert de présenter tous, et je dis bien “tous”, les tenants et aboutissants d’un claquage de porte puéril », souffle un président de club meurthe-et-mosellan. En creux, il soupçonne le district d’Alsace d’avoir présenté la scission uniquement sous son plus beau profil. Ce que confirme à demi-mot Jacques Canosi, manager général de Schiltigheim, présent aux deux AG et donc en mesure de comparer : « Vu le tableau uniquement positif dressé par le district, les présidents ne pouvaient qu’adhérer. Sauf que l’identité territoriale ne peut pas être la seule motivation, surtout vu les enjeux. Les clubs se sont habitués à cette organisation. On est contents de jouer Metz ou Nancy chez les jeunes. »

Différences de points de vue entre gros et petits clubs

C’est à cet instant qu’un point de rupture entre gros et petits clubs semble s’opérer. Autrement dit, entre le football de masse et celui plus élitiste. « Bien sûr qu’on doit faire plus de kilomètres pour jouer en Alsace, poursuit Lola Toschi, la coach des U17 R2 de Villers-lès-Nancy (54), dont 8 matchs cette saison l’obligent à faire au moins 310 kilomètres aller-retour. On a des minibus de la ville, mais sans ça, les déplacements avec repas du midi peuvent se chiffrer à 800 euros. Après, il faut savoir ce que l’on veut. Sportivement, ça vaut le coup. » Ce qui fait dire à un pensionnaire de R2 alsacienne : « Les Lorrains veulent venir jouer chez nous, car on est meilleurs, d’où cette volonté de rester entre nous pour en profiter. Autant être la locomotive de notre propre destin. »

Les Lorrains veulent venir jouer chez nous car on est meilleurs, d’où cette volonté de rester entre nous pour en profiter. Autant être la locomotive de notre propre destin.

Un pensionnaire de R2 alsacienne

Liée à ces considérations, c’est toute l’image du foot de ce coin du pays qui se joue. La peur des acteurs locaux de voir leur Ligue rétrograder existe. Forte de 207 801 licenciés et de 550 clubs, la LGEF est la quatrième ligue de France actuellement. Sans les 80 000 licenciés alsaciens, un recul est à prévoir. « Ça compte implicitement dans la reconnaissance de ta ligue par les instances, notamment la FFF, note Lola Toschi. Aujourd’hui, après pas mal d’années de galère, on est parvenus à créer une belle Ligue. Pourquoi tout changer alors qu’on est stabilisés ? » Car le niveau global s’en ressent, à en croire Michel Aucourt, président du district alsacien : « On ne forme plus de joueurs en Alsace. On n’a plus de formateurs dans les Ligues. On n’a pas perdu nos joueurs comme ça. » Ce que conteste en partie Patrick Perion, responsable technique des jeunes de Colmar SRFA, club de R1 : « Le niveau global a baissé, ce qui est plutôt dû, à mon avis, à la baisse de pratique des jeunes en dehors des clubs par rapport à une quinzaine d’années. Ils manquent de coordination par exemple. Ce n’est pas de jouer à 15 kilomètres plutôt que 80 qui leur en apportera. Par contre, les meilleurs joueurs sont encore meilleurs, car ils progressent plus vite face à des adversaires de meilleure qualité. » C’est désormais à l’assemblée générale et au comex de la FFF d’acter ou non le détricotage du maillage qu’elle a elle-même initié depuis 2016.

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Par Alexandre Plumey

Tous propos recueillis par AP

(1) Il s’agit d’une assemblée consultative. Le résultat sera donné à titre d’information aux votants de l’AG de la FFF, mais une victoire du « non » ne constituerait pas obligatoirement un véto.

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