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Grande nouvelle, Adem Ljajić a grandi
Il a déçu, on l'a critiqué, il aurait pu se tirer. Mais Adem Ljajić est finalement resté à la Fiorentina. D'où il est passé en quelques mois des coups de poing de Delio Rossi aux caresses de Vincenzo Montella. De quoi se voir octroyer de nouveau, à juste titre cette fois-ci, le statut d'espoir. Retour sur une évolution pour le moins chaotique.
Dimanche dernier, au Stadio Artemio Franchi de Florence. Nous sommes à la 82e minute du match Fiorentina-Milan, et Adem Ljajić sort du terrain, remplacé par Giulio Migliaccio. C’est l’ovation. Le talent serbe a provoqué et inscrit un péno, contribuant ainsi à la folle remontée de la Viola, revenue d’un 0-2 pour décrocher le nul. A sa sortie sous les applaudissements, le jeune Serbe croise son coach Vincenzo Montella. Ce dernier le prend dans ses bras, l’embrasse. Une image forte. Forte, car si les félicitations sont logiques, Adem Ljajić n’en a pas toujours bénéficié, à Florence. Le 2 mai dernier, à sa sortie d’un match, il se faisait siffler par le public et boxer par son entraîneur d’alors, Delio Rossi. A un an d’intervalle, ces deux images s’opposent franchement. Et témoignent du passage d’un statut de pestiféré à celui de star montante.
Talent turbulent
Jusqu’à récemment, Adem Ljajić était effectivement une déception. Une déception à la hauteur du talent qu’on lui prêtait à son arrivée à Florence : immense. Car on attend forcément beaucoup d’un jeune homme considéré comme un grand espoir, surnommé le « Kaka de l’Est », et pour lequel un club comme Manchester United voulait dégainer un chèque de 20 millions d’euros – Ferguson s’est finalement ravisé, de par l’affluence de talents maison. Un jeune homme qui présentait le parcours type de la star précoce – débuts professionnels à l’âge de 17 ans à peine –, parcours qui rappelait celui d’une jeune pépite déjà présente à Florence, Stevan Jovetić, également un produit de la formation du Partizan. En janvier 2010 donc, on fonde beaucoup d’espoirs sur le jeune Ljajić, alors acheté pour la modique somme de 6,5 millions d’euros. Couvé sur ses six premiers mois en Viola par coach Prandelli, on l’annonce en révélation de la saison 2010/2011, du fait de la nomination sur le banc de son compatriote Sinisa Mihajlović. Il s’agit en réalité du début des emmerdes.
Si ce dernier daigne lui accorder du temps de jeu, il se ravise rapidement. Ljajić ne joue d’ailleurs quasiment plus, lorsque Miha est remercié en novembre 2011. La raison ? « Ljajić mange trop de chocolat, doit se couper les cheveux et se détacher de son ordinateur » déclarera le technicien. Une phrase à peine teintée d’ironie, mettant en avant un manque de maturité et de professionnalisme. Des éléments qu’aura l’occasion de remarquer Delio Rossi, son successeur sur le banc de la Viola. Lui aussi, accordera une chance au jeune homme. Lui aussi, sera déçu par son attitude, sa nonchalance sur la pelouse. Un je m’en foutisme exaspérant, que l’entraîneur punira un soir de mai 2012, en sortant le jeune homme à la 31e minute d’un match crucial pour le maintien face à Novara. Ljajić, agacé sur le moment, applaudira ironiquement son coach, sourire aux lèvres. Non, il ne s’attendait pas à ce que ce dernier aille lui coller une droite. Delio Rossi sera viré dès le lendemain, mais on ne donnait pas plus cher de la peau du joueur.
Le pestiféré devenu adulé
Pris en grippe par les tifosi florentins – dont un grand nombre le tenait pour responsable de la furie de Delio Rossi – il est éjecté du groupe pro. Mais même à l’écart, il continue à faire parler de lui. Autre sujet certes, il est viré de la sélection nationale pour ne pas avoir chanté l’hymne comme le désirait l’entraîneur… Mihajlović – le joueur appartient à la minorité serbe musulmane et se refuse catégoriquement à fredonner l’hymne, quitte à ne pas retourner jouer pour son pays. En vrai, Ljajić n’est pas au mieux, alors que débute le mercato estival 2012. On parle du Torino, qui a déjà accueilli un autre Florentin turbulent, Alessio Cerci. Mais il n’en est rien. Car un nouveau staff est arrivé, avec à sa tête Vincenzo Montella. Boosté par ce changement, Adem se démène au stage d’avant-saison. Sans doute veut-il montrer à son quatrième coach florentin ce qu’il n’a jamais prouvé aux autres. Son envie, sa motivation. Sensible à la démarche, l’Aeroplanino décide finalement de le conserver. C’est une dernière chance, accueillie avec méfiance par les tifosi. Une méfiance oubliée, désormais. A 21 ans, Ljajić a gagné en maturité.
« Je suis arrivé en Italie après seulement deux championnats en Serbie, où le football est bien moins tactique. Maintenant je connais mieux le jeu, et Montella m’a accordé sa confiance, il croit en moi. J’ai aussi changé de mentalité : avant, quand je ne jouais pas, je ne m’entraînais pas avec envie. Aujourd’hui je me donne toujours à 100% » avoue-t-il à SportWeek. De fait, Ljajić le rebelle s’est racheté une conduite et a retrouvé les terrains. Et même plus, puisque d’un poste d’attaquant bouche-trou dans le 3-5-2 mis en place par son coach en début de saison, il est devenu l’arme offensive numéro un de la Viola, dans un tout nouveau 4-3-3. Aligné sur l’aile gauche de l’attaque, il est beaucoup plus influent dans le jeu. Il peut faire parler sa vitesse, jouit d’une certaine liberté pour exprimer sa technique. C’est ainsi qu’on le voit fréquemment réaliser de longs raids solitaires, du même ordre que celui qui a directement débouché sur un péno dimanche dernier, où il a baladé pas moins de quatre défenseurs milanais. Et c’est ainsi, surtout, qu’il se montre décisif : sur les sept dernières rencontres qu’il a disputées, le Serbe a marqué pas moins de cinq buts et distillé trois passes décisives. Une révélation qui tombe à pic, alors que le départ de son pote Jovetić se profile à l’horizon. Une révélation incroyable, si l’on tient compte du statut qui était encore le sien il y a quelques mois. Cette évolution contient finalement une morale : une paire de claques n’a jamais fait de mal à personne.
Par Alexandre Pauwels