Quel est votre rapport au football ?
Ben : Amour haine. On a écrit une chanson qui s’appelle Petites Frappes et elle décrit bien notre rapport au football.
Vincent : Enfin… Surtout le tien.Ben : Non, vous étiez tous nuls en foot et vous avez trouvé d’autres manières de vous en sortir dans la vie, puis vous avez craché sur le foot avant de vous rendre compte que c’était un vrai sport, que c’était vraiment beau, en dépit de la frustration adolescente que ça avait provoqué chez vous. Donc maintenant, on est toujours nuls au foot, on n’est pas hyper cultivés sur le sujet, mais on est super contents de mater des matchs.
Luc est censé être cultivé en foot, non ?
Ben : Arrête, tu vas le faire baliser…Luc : Bon, comme tout le monde, j’ai un peu squizzé quand Metz est descendu en National. Mais j’ai toujours été à Saint-Symphorien, depuis tout petit. Mon père m’emmenait à tous les matchs. J’étais pas dans les kops, mais j’étais un vrai supporter de Metz. C’est une putain d’ambiance : ce grand stade, tous les gens qui gueulent, la ferveur autour d’un ballon, les grands espaces… Et puis cette fraternité…Ben : La bagarre ! (rires) On a assisté à pas mal de bastons après les matchs Metz-Nancy…
Luc : Ah mais attends, nous, dès qu’on voyait une voiture immatriculée 54, on niquait la caisse ! (rires)
Ben : (il prend un accent lorrain) « Il restait rien ! »
Luc : Et puis, il y a eu 98. C’est la Coupe du monde, la France gagne et t’as 11 ans…Ben : Et on a terminé premier la même année en Division 1. Je me rappelle avoir terminé place d’Armes avec mon père avec un bonnet phrygien grenat sur la tête. La fin de ce championnat 97-98… Même la sensation de s’être fait baiser au goal average par Lens était pas palpable tellement on était contents. On n’a pas terminé deuxièmes, on a terminé premiers ex-aequo. Faut le dire. À Metz, on considère qu’on a gagné le championnat en 98. Non, mais le premier championnat, c’est pour bientôt, on a Malouda ! (rires)
Luc : Ouais, on a le cadre… Bon, ça commence pas trop mal cette année, mais ce match contre Nice, c’était l’enfer. 0-0, match de merde, tout le monde tient son jeu et à la 95e, l’attaquant qui était par terre genre « J’ai mal, j’ai mal ! » se relève pour intercepter la passe en retrait et marquer le but.
Encore un symbole de la lose messine, non ?
Vincent : Ah mais Metz, c’est la lose partout : le foot, la ville, notre musique…
Ben : L’exemple type de la beautiful lose de Metz, ce sont les mecs qui vont te dire : « Ouais, on a mis 4-1 à Barcelone ! »
Luc : Il y a ça dans un hymne du FC Metz. « Souviens-toi de Barcelone… »
Luc et Ben : « Allez Metz ! Toujours avec toi ! Allez Metz ! On t’en fait la promesse ! »
Ben : Et à un moment, t’as ce « Souviens-toi de Barcelone » et tu sens que le mec, s’il avait pu mettre un coup de vocoder, il l’aurait fait.
Luc : C’est vrai qu’on nous l’a pas mal rabâchée, cette victoire face au Barça. Bon, maintenant, on l’entend moins parce que les vieux qui étaient là pour nous le rabâcher ont plus le physique pour. Désormais, on va plus te parler de la période 96-98, des PP flingueurs, de Pascal Pierre et de Sylvain Kastendeutsch.
Ton meilleur souvenir de stade, Luc ?
Luc : Metz-Marseille. C’était en 97 ou en 98. Avec ce putain de but de Rigobert Song. Il fait sa petite aile de pigeon, contrôle et pffft… Alors qu’il avait pas du tout de place pour faire ça. On leur avait mis une gentille petite tôlée. Mon père était fou. Ben : J’avais complètement oublié Rigobert Song. Il avait une coupe de cheveux formidable…Luc : Sinon, je me rappelle une petite castagne Metz-Nantes. C’était un match ultra beau, ultra tendu et ça s’était échauffé à mort. Dans tout ça, j’avais rencontré des supporters nantais et on s’était échangés les écharpes. C’était très friendly, au milieu des mecs qui s’envoyaient des tessons de bouteille. C’était marrant.
Ben : Quand je te disais que c’était la lose, Grand Blanc… Les vieux dans ma famille me répétaient le respect qu’ils avaient pour le FC Nantes. Le club historique, mais un peu loser sur les bords. Pendant longtemps, je crois qu’on a été ex-aequo en nombre d’années de maintien en Division 1. L’éternel élève médiocre, quoi. Du coup, on faisait avec ce qu’on avait et notre fierté venait de ça. Le symbole absolu de ça, c’était Kastendeutsch. C’était pas vraiment un très bon joueur, mais il faisait avec ce qu’il avait. Et puis personne savait quand est-ce qu’il était arrivé dans ce club ! (rires) Il aurait pu avoir fondé la ville avec sa famille qu’on l’aurait cru. Il a été hyper important à Metz. Pas forcément avec ses pieds, mais bon… Sur la durée.
Camille : Puis la mort.Ben : Ouais, le mec se fait sortir sur son tout dernier match en prenant un ballon dans la gueule au bout de cinq minutes. Le jubilé, quoi.Luc : Avec ses filles dans le stade : « Papa, on t’aime ! » …
Ben : Maintenant, il continue à faire son taf à Metz. Il est adjoint aux sports. On le voit dans le TGV Paris-Metz, avec son petit costard, son gros menton à la American Dad et sa 1664 au wagon-bar. On lui paye l’hommage. On fait le respect à Papa. C’est un padre.
J’ai cru comprendre, Camille, que tu avais également un rapport particulier au foot…
Camille : À Metz, il y a toute une communauté italienne et moi, je viens d’une famille de « macaronis » , comme disent mes amis. Mon père, ses frères et tout le reste de la famille sont des malades de foot. Ils défendent leur équipe envers et contre tout, même s’ils ont tort parfois. La loyauté avant tout.
Vincent : Ça tient de la théorie du complot, parfois !Camille : Donc je me rappelle très bien de plusieurs matchs France-Italie en Coupe d’Europe, en Coupe du monde. Ils étaient tous dingues. La dernière fois que j’ai assisté à un match avec eux, c’était pour la Coupe du monde 2010. On était tous dans le salon de mon oncle, et ma tante avait préparé plein de trucs italiens délicieux. Tout le monde s’est levé, a mis la main sur le cœur, a chanté l’hymne. Et là, au fil du match, j’ai vu leurs visages se décomposer : au départ, c’était de la colère et ensuite, je crois que j’ai rarement vu autant de tristesse sur le visage de quelqu’un. Tout le monde s’est quitté en silence. Il n’y avait rien à dire. Et la table pleine de bouffe est restée là. C’était hyper triste.Ben : Et le maillot Delvecchio ?Camille : Ah oui, c’était génial, ça. Je m’appelle Delvecchio et à l’école, je faisais croire que Marco Delvecchio était mon cousin. Mais attends, peut-être, hein ! J’ai plein de cousins partout et je les connais pas tous. En parlant de ça, je me rappelle la fois où mon père m’avait fait porter un maillot de l’Italie alors que je ne le voulais pas. Toute ma famille habite dans la même rue, forcément, donc mon père m’a traîné dans la rue avec le maillot ET le drapeau de l’Italie sur les épaules noué autour du cou, pour pas que j’ai froid. Une fois arrivé chez mon oncle, il m’a dit : « Allez ma fille, va accrocher le drapeau sur le balcon… » (rires) C’était terrible. Mais attention, il n’y a pas que des humiliations en matière de foot dans ma famille. Mon cousin écrivait pour un blog pour les supporters français de l’Italie et un jour, il a rédigé un édito pamphlétaire, une sorte de lettre ouverte sur la relation franco-italienne. Ils sont nombreux à s’en plaindre dans ma famille. Parce que les Français qui trollent les Italiens s’imaginent que ce ne sont que des mecs avec des ceintures Dolce & Gabbana, les cheveux gominés et qui en font mille fois trop. Et sur le terrain, ce sont des mecs qui se roulent par terre.
Et alors, c’est pas vrai ?
Ben : Je crois aussi que cette stigmatisation de rivalité vient du fait qu’on a pas d’immigration allemande en France. Il y a peut-être des mecs d’origine allemande, mais souvent, ils en ont rien à foutre. Mais les Italiens en France, c’est des Ritals. La Lorraine, c’est la Ritalie.Camille : Au point que les mecs sont des tifosi hardcore. Mes cousins ne sont pas nés en Italie, mon père non plus. Pourtant, il y a un attachement incroyable.
Votre meilleure anecdote de foot ?
Ben : Moi, j’étais à Barcelone pendant le coup de tête de Zidane.Luc : Le bon coup ou le mauvais coup de tête ?Ben : Celui de 2006. On s’est retrouvés dans un bar italien pour mater la finale parce qu’on n’arrivait pas à trouver de bar français. Le match passait, on se vannait avec les Italiens et à un moment, ça a vraiment commencé à devenir l’enfer. Il y avait une vraie tension, des gens qui s’insultaient. On est rentrés sous les huées des Italiens qui nous balançaient des Francia Mierda ! Ce que je déplore ce soir-là, c’est que les Italiens ont pas « su » gagner. Un mauvais perdant, ça me dérange moins qu’un mauvais gagnant. Et là, ils ont été de mauvais gagnants.
Luc, ta meilleure anecdote ?
Luc : Ma nana sait que je suis un dingue de foot et des fois, je pars en vacances à un endroit dont je tairais le nom. Tu vas comprendre pourquoi. Un jour, je me mets à la terrasse, tranquille, je lis L’Équipe et là, le voisin tend la tête… C’était Laurent Blanc qui venait se reposer juste avant de prendre les rênes de l’équipe de France. (il imite Laurent Blanc) « Bonjour, ça va bien ? Laurent, enchanté. » Le mec était en une de L’Équipe ! Après, j’ai joué à la pétanque avec lui et ses fils, on a bu du pastis ensemble…
Ben : Et il cherchait son petit marteau… (rires)
Luc : Ouais, une fois, il cherchait un petit marteau pour réparer une chaise et je l’ai entendu dire derrière la haie : (il l’imite à nouveau) « Anne, j’avais un petit marteau, tu sais pas où je l’ai mis ? » Mais ma copine m’a toujours interdit de lui parler de foot.
Ben : Faut savoir que chez Luc, dans les chiottes, il y a la une de L’Équipe de 98 : « Pour l’éternité… »
Et toi, Vincent ?
Vincent : Moi, j’ai rien à voir avec le football, donc la seule interaction que j’ai eu avec ce sport, c’est que j’ai vécu un an à New York en coloc avec un fan de l’OM. Le mec est même pas de Marseille, hein…Luc : Sa devise, c’est : « Seule la victoire est belle. » Voilà.
Vincent : Du coup, il m’a traîné dans le seul bar de New York qui passe les matchs de Ligue 1, dans un sous-sol avec des écrans partout. Il faut savoir qu’il y a un club de supporters OM-New York. Leur écharpe, c’est la skyline avec écrit « OM » dessus. C’était un peu une année de merde pour Marseille donc j’ai vu que des matchs de merde, mais ils étaient géniaux. Du coup, quand je voyais Valbuena marquer des buts en Coupe du monde cet été, j’avais un petit pincement au cœur. J’ai beaucoup d’affection pour ce joueur. C’est un peu le seul truc que j’ai gardé de l’OM…
Luc : Attends, j’ai un autre truc : via son travail, ma mère côtoyait parfois Joël Müller. Donc forcément, j’avais récupéré un autographe !
Joël Müller, l’homme qui ne souriait jamais…
Ben : Ouais, mais c’est un style. Mélenchon a fait toute une carrière là-dessus. Pardon, mauvais exemple. Mais il y a un tumblr qui s’appelle Grumpychon qui fait des parallèles entre le Grumpy Cat et Mélenchon. Ça marcherait avec Müller, je pense.
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