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- Le joueur de la 10e journée
Gourcuff, un retour discret
Auteur d'un doublé et d'une prestation de haut vol pour sa deuxième titularisation consécutive ce dimanche, face à Montpellier, Yoann Gourcuff pourrait bien être de retour pour de bon. Toujours aussi discret, mais à bloc dans sa tête, le meneur de jeu de l'OL a remporté une bataille, mais pas la guerre.
À une époque où un romantique est soit un ringard, soit un génie, Yoann Gourcuff a réussi l’exploit d’être les deux à la fois. Démodé, le Lyonnais l’a été après avoir fait tourner la machine médiatique à plein régime, elle qui se cherchait un nouveau numéro 10 à aimer et détester. Admiré, l’élégant milieu l’a également été, avant d’être volontairement oublié par ses admirateurs, désireux de ne pas faire de mal à leurs petits cœurs fragiles, en manque de son toucher de balle et, il faut bien le dire, de sa bonne gueule. La vérité, c’est que Yoann Gourcuff est l’ancienne conquête du football français. Une belle histoire d’amour, celle qui brise un cœur. Un lourd vestige du passé que les amateurs de football et de Ligue 1 ont péniblement réussi à oublier avant qu’il ne réapparaisse de ses cendres tel le phénix un soir d’octobre. Ce dimanche soir, sous les yeux conquis d’un Gerland stupéfait, Yoann Gourcuff a montré que son retour sur le devant de la scène relevait bien du domaine de la réalité et non du fantasme. Ce matin, au lendemain d’une soirée que le natif de Plœmeur a illuminée comme tant d’autres auparavant, on a des envies de Jean-Yves Lafesse : « Pourvu que ça dure » .
Le silence n’est pas un oubli
« Yoann est différent. » Gourcuff père l’a clamé haut et fort un paquet de fois lors de la dernière moitié de décennie et le fiston l’a montré une nouvelle fois à la pause de Lyon-Montpellier. Convié à un débrief bronzé avec Laurent Paganelli, le meneur de jeu lyonnais se fend de deux minutes d’une analyse tactique parfaite et lucide avant de rentrer tranquillement aux vestiaires. Yoann vient de Canal+ au chômage pendant quinze minutes, lui dont Paolo Maldini avait pourtant dit qu’il « ne voulait pas travailler la tactique » . Une affirmation que son paternel s’était empressé de démentir dans les colonnes de L’Équipe. « C’est n’importe quoi, surtout quand on connaît Yoann. Il est passionné de tactique. Je vais vous dire : à Milan, il était tellement préoccupé par le fait de respecter les principes de jeu qu’il en avait même perdu sa spontanéité. » Parmi les choses que Yoann a paumées en cours de route, on y trouve sa langue. Très peu bavard, même durant sa période de purgatoire passée à l’infirmerie lyonnaise, l’ancien Bordelais entretient malgré lui un mystère autour de son personnage de dernier romantique du football français. S’il avoue « ne pas faire trop attention à ce qu’il se dit » sur lui, gageons que le sourire offert par ses coéquipiers suite à ses deux buts face à Montpellier le confortera dans l’idée que ce retour pourrait être le bon. « J’ai fait une reprise progressive, en respectant les délais, en fonction de mes ressentis » a-t-il également confié en marge de la rencontre de la dixième journée de Ligue 1. Du ressenti pour un footballeur d’instinct, quoi de plus normal. Si les sceptiques se disent que rien n’a changé, ce n’est pas sur le plan physique que Yoann a le plus progressé ces temps-ci. Hubert Fournier parle d’un « garçon qui a muri et s’est blindé à travers ce qu’il a vécu » . Yoann Gourcuff est tout simplement devenu grand. Lui dont on pointait du doigt le mental friable est prêt pour la bagarre. Débarrassé de cette étiquette de nouveau Zidane, Yoann l’a décidé : il n’enfilera pas le costume de nouvel Abou Diaby. S’il doit enfiler un maillot bleu, ce serait celui de Jérémy Toulalan, « un Breton, comme moi. Ce n’est pas un calculateur. » Ni un causeur. Et c’est bien connu, c’est ce qui nous attire. Ou nous fait peur.
Culture de l’instant
Peur comme ces nombres : 24, 13, 18, 18. Soit les matchs joués par Yoann Gourcuff en Ligue 1 ces quatre dernières saisons. Une statistique qui pousse à la prudence et surtout, à l’amour de l’instant présent. Aujourd’hui, on profite de Yoann Gourcuff en espérant que chaque match qu’il dispute ne sera pas celui de la rechute. L’aine, le genou, la cheville, le dos, l’échauffement, la promenade du chien, toutes les situations sont anxiogènes avec Yoann. Pour ses amis, ses supporters, mais également pour ses adversaires. Car l’homme qui est apparu solide sur ses appuis et très bien en rythme face à Montpellier, c’est un joueur capable de faire briller l’intégralité des jeunes joueurs qui l’entourent. Soit un bon paquet d’éléments. Un jour de mise au point avec l’équipe de France, Yoann s’était fendu d’un « J’ai dit que j’étais discret dans la vie, mais que, sur le terrain, j’étais le joueur le plus collectif. Beaucoup de gens parlent de moi, mais ne connaissent pas ma vie. » Finalement, de Yoann Gourcuff, on ne connaît que le jeu. Et cela suffit amplement. Positionné à la pointe du losange du 4-4-2 de Hubert Fournier, Gourcuff scintille. C’est ici que son aptitude à prendre la bonne décision dans les 20 derniers mètres est la plus menaçante et que son amour du deuxième ballon lui permet de planter des buts. C’est également là, au contact des adversaires, que sa protection de balle et sa technique font des merveilles. C’est dans cette zone de vérité qu’il dessinait à coups de passements de jambe et de râteaux les lettres de noblesse récentes des Girondins de Bordeaux. On dit que le football est un langage universel, alors tant pis si c’est le seul que parle Yoann le discret. Car la vérité, c’est que tant que son corps ne le condamne pas définitivement au mutisme, c’est amplement suffisant pour faire comprendre qu’il n’est pas comme les autres. À tous les sens du terme.
Pour le plaisir :
Par Swann Borsellino