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Gourcuff, ta douleur
« Il est en sucre, et le confirme lui-même à chaque fois qu'il prend un coup. Pourtant, un footballeur professionnel doit jouer même quand il a mal », disait l'ancien portier lyonnais, Nicolas Puydebois. À l'entraînement, comme en match. En bref, il faut savoir jouer avec le point de rupture.
Gourcuff en finissant en boulet de canon a la possibilité de sauver son passage à Lyon. Lyon y croit encore et attend beaucoup de Yoann Gourcuff. Dans le dernier virage qui pourrait mener les Gones vers le titre de champion, Aulas espère le voir justifier son statut et pourquoi pas, porter l’équipe vers la victoire finale. Rêvons un peu ! Titularisé face au PSG malgré son manque de compétition, on attendait beaucoup de Gourcuff. Le bilan est mitigé. Yoann, comme souvent, a été bon dans les bonnes périodes de l’OL, et l’OL a été bon quand il a été bon. De quoi se demander qui a eu le plus d’influence sur l’autre. On le sait depuis longtemps : Gourcuff a besoin des autres pour jouer. Mais les autres ont-ils besoin de lui ? Pas si sûr. Gourcuff est un esthète, aime parler foot et tactique, aime le beau jeu et jouer, tout simplement. Gourcuff aurait dû faire du rugby, un sport où s’isoler est impossible voire interdit sauf si l’on s’appelle Jonah Lomu. Un sport où se faire mal est une obligation et où on ne peut pas se cacher. Le foot est un sport de contact, mais on peut l’éviter, et dimanche, on a senti un Gourcuff dans le contrôle jouant l’esquive tel un matador.
Oui, mais, pour cette fin de saison palpitante qui attend notre jolie Ligue 1, l’OL aura besoin d’un Gourcuff qui saura se faire mal, qui saura aller au charbon. Car « quelqu’un m’a dit » qu’on peut, qu’on doit jouer avec un ongle incarné. Au foot, on peut prendre un coup, penser avoir la jambe cassée, se relever et frapper un coup franc en pleine lucarne. Le foot à haut niveau, c’est apprendre à jouer avec la douleur, la domestiquer, vivre avec et même l’aimer. C’est se dépasser, c’est aller au-delà de la douleur, car le football, c’est souffrir. Le football, c’est être capable de prendre des anti-douleurs, des anesthésiants, toutes sortes de produits « à l’insu de son plein gré » évidemment. Le foot, c’est accepter une infiltration à cinq minutes du coup d’envoi ou alors une intra-veineuse de vitamines ou d’Aspégic alors que l’on a 40 de fièvre. Le foot, c’est s’oublier, car ce que veut le footballeur, c’est seulement jouer au football. On a tous nos limites, notre tolérance à la douleur, notre capacité à résister et passer au-dessus. Les femmes accouchent, et c’est pour cela, entre autres, qu’elles sont plus fortes !
12 mois de très haut niveau et puis… Et puis quoi ?!
Selon ses proches, Gourcuff est une sorte de Ferrari qui a besoin d’être paramétrée au millimètre. Oui, mais la Ferrari est conduite par un pilote qui lui, pour maîtriser ce bolide, doit être inc(l)assable, invulnérable, invincible. Être en grande forme, c’est être à la limite de la blessure, aller au point de rupture. En gros être capable de se faire mal et aimer ça. En exagérant, c’est s’inquiéter de ne pas avoir mal. « Euh docteur, je peux avoir un cachet ? J’ai aucune douleur aujourd’hui. » C’est aussi dans la douleur, dans la difficulté qu’on se révèle, mais il semble que Gourcuff n’aime pas affronter les autres, car c’est aussi s’affronter soi-même, et parfois, ça peut faire mal. On sait seulement que, pendant une saison, il a été un grand joueur. On sait que pendant cette période, Bordeaux dépendait de lui. Que cette période correspond aussi à l’après-Milan, un club où on ne lui a pas fait de cadeau, loin de là. Un club où il a certainement dû se faire mal pour faire sa place. 12 mois de football plein. C’est déjà loin, pour un joueur qui, depuis, passe la plupart de son temps à l’infirmerie et qui possède une si petite autonomie, c’est même un miracle.
Tout le monde s’est fait piéger, même Aulas qui a déboursé 25 millions d’euros et un salaire mirobolant. En échange, peu de maillots vendus, peu de matchs, peu de buts marqués. Pour nous, parfois, le droit de parler avec ses potes d’enfance et, avec un peu plus de chance, avec son avocat. Gourcuff serait timide, réservé, introverti. Certainement parano aussi. Yoann doit choisir : jouer avec les meilleurs et contre les meilleurs ou jouer avec ses copains ? Un monde du foot pro est un milieu très dur. On y est testé chaque jour, sur sa capacité à résister aux agressions, aux humiliations, aux mises à l’écart, aux blessures, à la concurrence et à la pression (liée au salaire et au statut). Gourcuff ne semble pas très fort physiquement et mentalement. Ce gars craque bien trop souvent. Jusqu’à présent, on a senti beaucoup de faiblesses. Il faudra lui dire que les intermittents du spectacle ne sont pas les bienvenus dans le milieu du foot pro et que jouer blessé est autorisé… et même conseillé dans ce milieu.
Compte à rebours
On y croit encore et encore. On croit encore qu’il est fort. On continue de le défendre, au risque de se lasser, car les joueurs comme lui sont rares, et c’est pour lui qu’on paye son billet. On y croira toujours, car le monde du foot a besoin de gars comme lui. On a besoin de lui, le foot a besoin de lui. Un gars qui rêve, et fait rêver. Le foot manque de joueurs naïfs, élégants, classes, et tellement talentueux. Mais le talent pour jouer avec ses copains ou devant sa Playstation, ça ne sert à rien. Alors si, autour, personne n’est prêt à lui rentrer dedans, il faudra se bouger le cul tout seul, car bientôt, il sera rangé à côté des joueurs qu’on a qualifiés d’éternels espoirs. Qu’il se magne le cul, car le foot meurt de ne pas l’avoir plus souvent sur les terrains, et ce samedi soir, à Lille, Lyon aura vraiment besoin de lui !
Par Vikash Dhorasoo