ACTU MERCATO
Gourcuff, par amour du jeu
Ces dernières semaines, on l’a envoyé aux States, au Qatar, à Guingamp, à Montpellier, à Toulouse et même à Nice. C’est finalement à Dijon que Yoann Gourcuff va tenter pour la énième fois de relancer sa carrière. Et si c’était la bonne ? Pour l’heure, ce n’est guère plus qu’un pari. Qui vaut la peine d’être tenté pour chacune des deux parties.
« Voisins du Montpellier HSC, la voie est libre. La piste n’est pas d’actualité chez nous. » L’objet de ces amabilités du community manager du Téfécé, ce type que Toulousains et Montpelliérains se refilent par tweets interposés comme un vulgaire chaton abandonné n’est autre que Yoann Gourcuff. Un homme qui facture 31 sélections (quatre buts) en équipe de France et a une Ligue des champions sur la cheminée. Mais dont la carrière, faut-il le rappeler, est continuellement plombée par les blessures.
C’est bien simple : le natif de Ploemeur a passé l’essentiel des trois dernières saisons à l’infirmerie du Stade rennais. Et même des huit dernières saisons, si l’on y ajoute cinq années lyonnaises elles aussi pourries par les pépins physiques. Les stats parlent d’elles-mêmes : depuis son départ de Bordeaux pour Lyon en 2010, Gourcuff n’a passé la barre des trente matchs qu’une fois (lors de sa première saison à l’OL). Faut-il donc s’étonner que les clubs se fassent des politesses quand se pose la question de le signer ?
Un but en forme d’espoir
À Rennes, où il était revenu pour enfin s’éclater, le meneur de jeu n’a disputé que 53 matchs en trois ans. Pour un bilan maigrichon : sept buts et quatre passes décisives. Trop peu pour celui dont le club breton espérait refaire son maître à jouer presque dix ans après ses débuts enthousiasmants en rouge et noir. Assez, toutefois, pour devenir le seul joueur de Ligue 1 à planter au moins une fois dans l’élite lors des dix dernières saisons. Car oui, Gourcuff a marqué cette année. C’était le 18 mars, à Bordeaux (0-2), et il s’en était immédiatement excusé auprès des supporters de son ancien club.
Pourquoi diable ? L’enchaînement semelle du pied droit-frappe du gauche dans le petit filet opposé était délicieux. Il avait rappelé à beaucoup les fabuleuses facultés du garçon balle au pied… quand celui-ci n’est pas plâtré. Mais il n’avait pas suffi à convaincre le Stade rennais de le prolonger. Et cela peut se comprendre : Gourcuff en 2017-2018, ce ne sont que dix apparitions en Ligue 1, cinq petites titularisations et aucun match disputé en intégralité.
Petit tour de France
Fini, le Morbihannais ? Pas à l’entendre : « J’ai toujours l’envie de jouer, j’ai toujours la passion et je pense pouvoir apporter à des clubs de Ligue 1, assurait-il début juin à Ouest-France. La suite, je la vois sur un terrain de Ligue 1 ou à l’étranger. » Incompatibles avec sa vie de père de famille et l’agenda professionnel de sa compagne – l’animatrice Karine Ferri –, les intérêts étrangers venus des États-Unis et du Qatar auraient vite été balayés par le milieu. C’est donc essentiellement en Ligue 1 que son nom a circulé ces dernières semaines. D’abord à Guingamp, où évoluent ses potes Étienne Didot et Jimmy Briand. Mais aussi Clément Grenier, complètement retrouvé dans les Côtes d’Armor. Pas de place pour Gourcuff, donc.
Nice, spécialisé dans la relance de cracks ces dernières années, mais à l’entrejeu bien garni, a ensuite vaguement été évoqué. Puis ce fut Toulouse, éventualité douchée tour à tour par le président Olivier Sadran et le CM du Téf’. Montpellier dans tout ça ? La question du positionnement du joueur a bien été débattue par Michel Der Zakarian et son président Laurent Nicollin, mais le club héraultais a engagé le Messin Florent Mollet. C’est ainsi que Dijon s’est retrouvé en première ligne pour le signer. À la recherche d’un joueur technique pour compléter son milieu à trois, Olivier Dall’Oglio a fait du meneur le « dossier le plus important » du mercato dijonnais, mercredi. Deux jours plus tard, l’affaire était bouclée.
Le ballon au cœur de la réflexion
Gourcuff évoluera donc cette saison à Dijon. Un scénario impensable il y a encore deux ans, quand le club bourguignon retrouvait la Ligue 1 après un premier passage d’un an dans l’élite en 2011-2012. Qu’est-ce qui a bien pu le convaincre ? Le fait d’être ardemment désiré par le DFCO et son coach, sans doute, alors qu’il aurait sûrement dû patienter jusqu’au mois d’août pour voir la situation se débloquer avec un club un peu plus huppé. La certitude, aussi, d’évoluer dans un environnement paisible. Une donnée à prendre en compte pour un garçon qui n’a pas réellement assumé la pression du très haut niveau à Milan et à Lyon et, on l’a dit, jamais épargné par les blessures.
Deux perspectives, enfin : celle d’être un élément central du projet collectif du club bourguignon, décidé à passer un nouveau cap après avoir obtenu un maintien confortable l’an passé (onzième avec 48 points), et celle, surtout, d’évoluer au sein d’une équipe joueuse, audacieuse, qui a terminé avec la cinquième meilleure attaque du championnat l’an passé (55 buts). Car ce que veut Gourcuff avant tout, c’est toucher le ballon. Lui qui, débarrassé de ses pépins physiques, n’était plus qu’un second choix dans l’esprit de Sabri Lamouchi à Rennes. Lui, l’amateur de beau jeu. Ce n’est encore qu’un pari ? Pour lui comme pour Dijon, il mérite tout de même d’être tenté.
Par Simon Butel