Gourcuff, ce gros déconneur

La nouvelle coqueluche du public girondin et du football français, Yoann Gourcuff, est en réalité un gros déconneur. Un comique de vestiaire, un trublion de couloirs. Et ce, de l’avis de tous. Du moins en Gironde. Comme quoi, l’habit de fait pas moine. Affirmatif, surtout si l’on s’en réfère aux impressions d’ensemble et à l’image globale qui se dégagent à première vue, ou à première écoute, de celui que toute la France féminine imagine comme amant, fils prodigue ou gendre idéal. N’est pas non plus donné à qui veut de faire sourire la Manaudou, trop souvent mouillée, ou d’être capable de s’endormir sur la table de massage et ainsi faire poireauter plusieurs heures durant les journalistes présents pour un point presse, décidé par lui-même.

Enfant gâté (par la nature), capricieux ou simple blagueur de Serie B, le beau Yoann régale la chique sur le pré et amuse ses partenaires. Le tout en gardant un semblant de sérieux et une expression faciale toujours juvénile, à peine voilée par un regard clair espiègle, qui en dit long sur les cachotteries d’un bonhomme adopté d’emblée chez les Marine et Blanc, et gentiment chahuté par ses coéquipiers.

« On chambre un peu Yoann en affichant les articles sur lui dans le vestiaire, glisse malicieusement Matthieu Chalmé. Mais cela ne le perturbe pas vraiment. Il a la tête sur les épaules et il ne faut pas oublier qu’il est passé par le grand Milan AC… Il est tellement bien dans sa tête et dans ses jambes, que, non, rien ne peut le perturber. Il est impressionnant, notamment dans la capacité à enchaîner avec facilité les matches, après avoir passé deux ans sans pouvoir le faire (car relégué sur le banc de touche en Lombardie, NDLR). Je suis content pour lui, parce que c’est vraiment un bon gars sur le terrain et en dehors. On a la chance de l’avoir dans l’équipe, même s’il est aussi tombé dans un groupe sain. Sa philosophie est la nôtre ; nous étions faits pour nous entendre. Cela fait un bon mélange et contribue à ce que Bordeaux soit second du championnat. Une bonne chose pour tous… »

Il est une sorte de guide sportif, mais aussi de mentor à ses heures, dans un tout autre domaine de compétence. « C’est mon “diéti”, lance Souleymane Diawara, loin d’être le dernier pour la déconne. Je l’appelle comme ça car il est mon diététicien…Celui qui me disait, en début de saison, ce qu’il fallait que je mange ou pas ! Depuis, c’est resté » .

Un leader multifonctions qui fait l’objet de toutes les convoitises, et qui cristallise à lui seul toutes les attentions. « On parle beaucoup de lui, c’est vrai, mais cela ne pose aucun problème dans le groupe ; ni pour lui, ni pour nous, précise l’international sénégalais. Il n’a pas pris la grosse tête et mérite amplement les compliments. Il l’a sur les épaules et est bien entouré. Il reste lui-même, toujours aussi… fou ! Il n’a pas l’air de l’être, mais il l’est, je vous l’assure ! » On n’en saura pas plus. Dommage. Mais le défenseur d’étayer son propos, d’un point de vue plus technique : « Je le connaissais peu avant, mais quand il est arrivé et que j’ai vu ses gestes techniques à l’entraînement, j’étais super étonné. Maintenant, on a l’habitude et je suis content de jouer à ses côtés. C’est magnifique pour tout le monde que de voir des joueurs capables de gestes aussi beaux » .

Plaisant, donc, pour les amoureux du ballon rond et pour les nostalgiques du cool. Car même son entraîneur, Laurent Blanc, qui le considère comme « très intelligent » , ne s’y trompe pas et y trouve un petit goût de déjà vu. « Je suis d’accord pour la comparaison avec Zidane, ose le “Président”. Il a une façon de conduire le ballon, et surtout d’enchaîner dans un tout petit espace, notamment avec la semelle, qui rappelle les gestes de Zizou. Oui, dans les espaces réduits, ces garçons sont très habiles avec les pieds, ce qui est agréable pour un footballeur, sachant que bien d’autres ne pourraient pas le faire ! Ils ont des similitudes, mais j’espère qu’il aura sa propre identité. Il le faudra pour lui, mais on ne l’empêchera pas d’être toujours comparé à quelqu’un. C’est comme ça… Mais bon, là, être comparé à Zidane, ce n’est quand même pas une mauvaise chose » .

Mais, qu’en pense l’intéressé ? « J’en ai marre de ces stupides comparaisons avec Zidane. Zidane c’est Zidane, point » . Voilà, tout est dit. Tout, ou presque. « Les comparer est un jeu médiatique dangereux, déclarait dernièrement Christian, son père, à la Gazzetta dello sport. Mais j’admets que la morphologie de Yoann, certains de ses dribbles et de ses contrôles rappellent Zidane, qui était plus virtuose. Mais il est en avance sur les temps de Zidane » .

Un avantage individuel probable que l’intéressé préfère actuellement placer au second plan, juste après les impératifs collectifs, comme il le fait aussi pour son avenir personnel. Un choix délibéré. « Il nous faut encore travailler avec Bordeaux, car il y a des choses à améliorer. Mais c’est plutôt bien, car nous marquons des buts et produisons du beau jeu. Nous sommes sur une bonne série et dans une bonne dynamique. Pour mon avenir, on verra (les Girondins ont la possibilité, d’ici le mois d’avril prochain, de lever l’option d’achat qu’ils possèdent sur le joueur et qui avoisine les 15 millions d’euros, NDLR). Aujourd’hui, j’essaie de prendre du plaisir et de me sentir bien avec mes coéquipiers, de ne pas changer et d’être de bonne humeur, y compris avec le staff dirigeant. C’est ce qui prime et qui est le plus important. Je me sens bien » . Et c’est bien là l’essentiel. « Gourcuff ne peut pas remplacer Kaka ; il est plus lent et moins dynamique » , dixit Carlo Ancelotti. Et sûrement plus déconneur, aussi. C’est sans doute pour ça…

Par Laurent Brun, à Bordeaux