- Ligue Europa
- 4e journée
- Groupe D
- Bordeaux/Maritimo
Gouffran direct au but
Si les Girondins affichent des prestations en demi-teinte, il est au club une valeur sûre qui ne perd rien de sa cote : Yoan Gouffran. En pleine bourre depuis plus d'un an, l'attaquant-buteur n'arrête pas de claquer. Joueur complet, il n'est pas encore au bout du chemin, mais ça pourrait venir plus vite qu'on ne le pense...
Ce type a bien failli connaître une fin de carrière mode has been, il n’y a pas si longtemps. La faute à un Laurent Blanc ayant peut-être vu en lui la réincarnation d’un Didier Deschamps, d’un Marcel Dib ou d’un René Girard, dans l’entrejeu. Bon, on grossit légèrement le trait, mais quand même. Yoan Gouffran est passé du statut de sérial buteur en Ligue 1 et Ligue 2 avec Caen, à celui de remplaçant de luxe à Bordeaux. Bye Bye les espoirs tricolores, ciao le cuir. Pas évident quand on est en pleine ascension. Le coach bordelais a d’abord cru bon de l’excentrer, pour le faire reculer d’un cran (relayeur), puis deux (récupérateur). Au final, le garçon est vite reconnu comme expert en banc de touche, jusqu’à songer à un moment donné à devenir menuisier-ébéniste, en guise de reconversion. Bon, faut pas déconner, quand même. Il n’avait pas son BEP.
Pas d’objectif de buts
Jean Tigana lui a offert une amorce de retour en grâce, au poste. Damien Marcq, lui, lui a filé quelques mois d’hôpital et un abonnement à vie la revue Santé du footballeur ; malléole externe brisée. Caen ça veut pas, ça veut pas ! M. Ennjmi, alors au sifflet, n’a pas bronché. Pas étonnant que le Bordelais ne veuille pas partir en vacances en Normandie avec le référé. C’est moche, c’est glauque. Il ne lui parle plus.
Mais le gaillard de 25 ans a choisi de poursuivre l’aventure. Et Francis Gillot y a cru. Repositionné attaquant, l’ancien Caennais s’éclate. Pourtant, il ne s’estime pas encore bien au point, malgré 14 buts la saison passée. Son record personnel en première division (pour 15 en L2). En mai dernier, Gouffran confiait être victime de « frustration » , car il n’avait « pas beaucoup d’occases » . Bref, de vrais regrets émis par un type consciencieux. Mais « pourquoi pas viser plus haut » , indiquait-il, aussi, ultra-déterminé. Bon c’est sûr, c’est pas Zlatan non plus. Mais au final, en dix saisons et des broutilles passées soit en Ligue 1 (Bordeaux et Caen), soit en Ligue 2 (Caen), ce sont près de 250 matchs joués et plus d’une soixantaine de buts inscrits. Les Girondins, dans leur histoire, ont déjà connu pire artilleur. « Je ne me suis pas fixé d’objectifs-buts pour cette saison, mais bon, je vais essayer de faire mieux que l’an dernier, malgré des rotations d’effectif qui feront que je serai peut-être amené à moins jouer » , nous confiait-il il y a une poignée de semaines. Tu parles ! Éliminés de la Coupe de la Ligue, peu de chances que le numéro 9 des Marine et Blanc retourne souvent sur la touche.
Cap vers l’Angleterre
Mais celui qui possède les mêmes initiales qu’un certains Yoann Gourcuff a un gros défaut. « Je ne suis pas obsédé par le but, du moment qu’il y a la victoire au bout. » Et ça, pour le staff technique, ça passe pas bien. « C’est ce que me reproche parfois René Lobello (entraîneur adjoint) : Je dois être plus méchant, plus tueur et je dois vouloir marquer à chaque match… Même si j’ai été formé à ce poste, et que je marquais beaucoup de buts, je n’ai jamais été comme aurait pu être Cavé (Fernando Cavenaghi, ndlr), confessait-il encore en début de championnat. C’est pas vieux tout ça, mais c’était avant. Parce que maintenant, le mec, il plante. Et pas que des clous. 4 buts en L1, 4 en Europa League. Ça fait 8, et de lui le meilleur buteur du club dans les deux catégories. Et à moins d’une année du terme de son contrat, ça fait réfléchir, au Haillan. Parce que les Anglais, ils sont là. West Ham, Everton, Manchester United et Newcastle viennent régulièrement à Chaban-Delmas pour superviser. C’est sûr que c’est pas pour le challenge des jeunes qui a lieu lors de chaque mi-temps… On étudie actuellement façon de prolonger. Tant est si bien que le sort de son coach pourrait être indexé sur celui de son buteur.
Mais Gouffran, même s’il aime bien l’Angleterre, il aime Bordeaux, où il vit depuis cinq ans. À haut niveau, cette longévité, c’est pas rien. Et au sein du vestiaire, il a fait comme Ronaldo, il a pris du poids. Pour preuve, le coup de gueule passé dimanche à la pause et à 0-0, face à Toulouse. « J’étais énervé car j’avais des ballons galère, raconte-t-il. Quand t’as zéro frappe, zéro occase, t’es frustré. » Le coup de mégaphone et les conseils de Lobello (encore) ont porté. Résultat : but et victoire 1-0 sur le voisin de Garonne. « René m’a dit de garder ma lucidité et la tête froide pour la fin de match. J’ai suivi ses recommandations. » Cageot à la 87e, et Bordeaux brise sa spirale de non-victoire. Facile. Et lui, quand il a les boules de se faire collectivement traiter de « touriste » et de « joueur de DH » , ça se voit sur le terrain. Bonne réponse du candidat Gouffran, admission au niveau supérieur ! Mais jeudi aprem, Didier Deschamps a préféré privilégier les Gomis, Payet ou Gourcuff, pour affronter l’Italie, en amical. Il faudra donc attendre encore un peu, et continuer à enfiler les perles. À commencer par ce soir face au Maritimo Funchal (19h00). Même si dans les stats de l’UEFA, Gouffran est encore classé dans la rubrique des milieux de terrain…
Par Laurent Brun à Bordeaux