- Ligue 1
- J32
- Dijon-Amiens (0-0)
Gouano, un modèle à suivre
Vendredi, le match entre Dijon et Amiens a été interrompu plusieurs minutes après des insultes racistes lancées contre Prince Gouano. Dans un contexte nauséabond en Europe, le capitaine amiénois et les autres acteurs de la rencontre ont enfin montré l'exemple à suivre face à la bêtise dans les stades.
C’est une rencontre qui aurait pu tomber dans l’oubli. Plus personne (ou presque) n’aurait dû se souvenir de ce match nul sans relief entre Dijon et Amiens (0-0), deux équipes mal classées, peut-être crispées par l’enjeu. Sauf qu’il y a eu cette 78e minute de jeu, racontée par Prince Gouano en zone mixte après la partie : « Je sors le ballon en corner, puis je me retourne pour encourager mes équipiers. Là, j’ai entendu des cris de singe. Je me suis dit : « Ce n’est pas possible d’entendre ça au XXIe siècle. » Alors, je suis allé voir la personne et je lui ai demandé s’il pouvait continuer devant moi, et il l’a fait ! Donc, j’ai dit que je ne voulais plus jouer, il fallait marquer le coup pour que ça cesse. »
Les caméras de télévision ont pu capter ce moment dramatique et les paroles du capitaine amiénois au moment de s’adresser à Karim Abed, l’arbitre de la rencontre : « Il faut régler ce problème ! Il faut régler ce putain de problème, c’est une honte ! Il y a des cris de singe. Il faut régler ce problème, sinon on ne joue plus. Je ramène mes coéquipiers pour aller au vestiaire. » Puis, les joueurs se sont arrêtés de jouer. Tous. La scène a duré près de cinq minutes, certains ont quitté la pelouse, d’autres sont allés parler aux supporters. Avant que le jeu ne reprenne après la diffusion d’un message à l’intention des tribunes du stade Gaston-Gérard. À Dijon, tous les acteurs du foot ont montré la voie à suivre pour lutter contre le racisme. Enfin.
Contexte puant
Il ne faut pas remonter très loin pour retrouver les derniers incidents racistes vus dans le monde du foot. Non, il suffit juste de se souvenir de la veille, du jeudi soir, et des chants d’une poignée de supporters de Chelsea à Prague, désignant Mohamed Salah comme « un poseur de bombes » . Une nouvelle démonstration de la bêtise humaine à une période où ce genre de scènes nauséabondes semble se multiplier dans le football européen. En mars dernier, par exemple, quand les internationaux anglais Raheem Sterling, Danny Rose et Callum Hudson-Odoi avaient été la cible de cris de singe lors d’un match au Monténégro. Les exemples s’empilent.
Plus récemment, l’Italie a également été pointée du doigt, surtout après la célébration de but courageuse de Moise Kean, le jeune attaquant de la Juventus, lui aussi victime de hurlements racistes à Cagliari, comme avaient déjà pu l’être Blaise Matuidi, Kalidou Koulibaly ou Franck Kessié de l’autre côté des Alpes. Et non, le racisme dans le foot ne se limite pas à la Botte, loin de là. Inutile d’énumérer tous les cas recensés en Europe et ailleurs, ça pourrait prendre le week-end. Mais alors, comment réagir ? Comment lutter ? Bonucci, le défenseur de la Vieille Dame, avait préféré parler d’une « faute partagée » à propos de l’épisode à Cagliari, pendant que Tommaso Giulini, le président du club sarde, avait choisi de défendre son public en minimisant l’évènement. Et si on montrait enfin l’exemple ?
La voie de la sagesse
Il fallait donc être à Dijon, vendredi soir, pour assister à une véritable démonstration de la part de tous les acteurs du match et du football français. Car pour une fois, il y a eu une réponse rare et unanime à l’insanité de ce triste spectateur. Il y a d’abord eu la force et le courage de Gouano, qui a eu la volonté d’interrompre le match pour « marquer le coup » , avant de se présenter avec dignité devant plusieurs médias après la rencontre pour sensibiliser les gens et diffuser un message de paix. « Nous sommes tous égaux, nous sommes tous des êtres humains. Le mot d’ordre pour moi, c’est l’amour, a lâché le défenseur amiénois quelques minutes après le coup de sifflet final au micro de beIN Sports. Il faut aimer son prochain, une chose qui n’a pas été faite ce soir. Mais bon, je ne lui en veux pas, il reste humain. La faute est humaine. Je veux juste faire véhiculer un message qui est l’amour, c’est tout. » Avant de préciser plus tard qu’il ne porterait pas plainte contre cette personne parce qu’il « faut savoir pardonner » .
Et il y a eu tous les autres, aussi. Il y a eu ces petites actions, ces petites réactions, qui feront sans doute avancer les choses à leur échelle : l’écoute et la compréhension de l’arbitre, la solidarité des joueurs de Dijon et d’Amiens et la révolte des deux entraîneurs, Antoine Kombouaré et Christophe Pélissier, face à tant de bêtise en conférence de presse. Sans oublier la réactivité du club bourguignon, ayant immédiatement identifié l’individu – l’homme a été interpellé quelques minutes après la fin du match – et porté plainte. Olivier Delcourt, le président dijonnais, s’est d’ailleurs présenté aux côtés de Bernard Joannin, le boss d’Amiens, pour dénoncer ensemble ces insultes racistes. La LFP, elle aussi, a réagi, annonçant qu’elle se pencherait sur cette affaire dès mercredi, par l’intermédiaire de sa commission de discipline. Rien de plus normal ? Évidemment, mais il faut le souligner, pour une fois, tout le monde a été irréprochable. Et ça fait vraiment du bien.
Par Clément Gavard