- Mondial 2022
- 8es
- Portugal-Suisse (6-1)
Gonçalo Ramos, le nouveau pistolero
Du haut de ses 21 ans, Gonçalo Ramos a tordu la défense helvète, et gagné sa place en Seleção. Une soirée record qui ne se résume pas à son triplé, mais qui envoie un signal fort : Fernando Santos tient son numéro neuf.
300 n’est pas que le titre d’un péplum bidonnant mettant en scène la crème des combattants spartiates. C’est, peu ou prou, le nombre de journalistes occupés à immortaliser les lèvres de Cristiano Ronaldo durant A Portuguesa. Entré à la 74e minute du récital portugais face à de pâles Helvètes, CR7 sait désormais qu’il risque de passer le reste de sa dernière Coupe du monde dans un étonnant (mais pas déconnant) rôle de supersub. La faute à une Seleção épanouie sans sa star ronchonne, mais aussi et plus particulièrement à un homme qui a capturé les flashs et fait passer – au moins le temps d’un soir – Yann Sommer pour une passoire Fackelmann : Gonçalo Ramos, 21 ans, monsieur « deux caramels de plus que Lionel Messi en phase à élimination directe » .
GonçaGOL
Pour sa première titularisation dans un Mondial, la gâchette de Benfica (14 pions en 21 rencontres) a gagné sa place dans le XI de Fernando Santos et arraché les murs porteurs de la défense suisse avec un triplé. Ce qui en fait, au passage, le premier Portugais depuis la Pantera negra Eusébio à signer un triplé en phase à élimination directe en Coupe du monde. Une statistique qui tenait debout depuis 1966, et un Portugal-Corée du Nord. Déjà décisif en sortie de banc face au Nigeria en match de préparation (but et passe décisive), Ramos a globalement assuré là où son aîné, CR7, est tombé en désuétude. À commencer par fluidifier le jeu. Avec un vrai numéro 9 mobile, un point d’ancrage qui ne se contente pas de camper dans la surface en quémandant des ballons chauds, Bruno Fernandes, Bernardo Silva et João Félix ont tous pu étaler leur classe et s’amuser de petits Suisses amorphes et étrangement poreux.
Gonçalo Ramos a d’abord allumé le feu sacré, dans une partie que la Nati avait plutôt bien verrouillée durant le premier quart d’heure, avec des lignes compactes. Mais ce diable de Félix cherchait un relais, et cet autre diable de Ramos se propose dans la surface. Pas attaqué par Fabian Schär, mais désaxé par rapport au but, le natif d’Olhão a toute la latitude pour décocher, du gauche, un missile à tête chercheuse sous la barre d’un Sommer médusé, et tout heureux de ne pas avoir sa caboche sur la trajectoire de la bestiole. Un attaquant qui finit en une ou deux touches et ne gaspille pas ses munitions, qui n’a pas de mauvais pied, utilise parfois sa tête et officie même à la dernière passe (sur le quatrième de Raphaël Guerreiro). 26 touches de balles, 6 tirs, 5 cadrés.
Ce routier des sélections de jeunes a ensuite comblé sa faim d’albatros avec une finition instinctive au premier poteau, sur un centre de Diogo Dalot, laissant ainsi l’entrant Eray Cömert dans son rétroviseur. Servi par João Félix dans le bon tempo, il a mis un terme à sa soirée de rêve avec un petit piqué du droit. À son esthétisme et à sa froideur, on peut ajouter son abattage défensif, avant de laisser Cristiano Ronaldo marquer son pion hors jeu sur le pré de Lusail. Si Luis Suárez vient de lâcher son pistolet avec la Celeste, il ne l’a pas perdu comme Renaud. Gonçalo Ramos a pris soin de l’attraper à la volée, avant qu’il ne touche le sol. Et le barillet risque d’être chaud un long moment.
Par Alexandre Lazar