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- Mexique/Panama (2-1 ap)
Gold Cup : le Panama accuse la CONCACAF
Grossièrement favorisé par l'arbitrage, le Mexique est en finale de la Gold Cup. Victime de décisions iniques en demi-finale, le Panama crie à la corruption. Dans son viseur : la CONCACAF, la confédération par laquelle a éclaté le scandale FIFA.
« Maudite corruption » , « putain d’arbitre ! » , « immonde braquage » , voilà comment la presse du Panama a réagi à l’élimination de sa sélection en demi-finale de la Gold Cup, face au Mexique. Sans demi-mesure. La raison de ce courroux ? Un arbitrage qui a aidé dans les grandes largeurs El Tri, alors que le Panama se trouvait tout près de créer la sensation et d’offrir une finale 100% inédite face à la Jamaïque. Mais la CONCACAF en a décidé autrement, c’est tout du moins ce qu’ont estimé les joueurs du pays du canal. Dans la foulée d’une fin de match houleuse, ils ont brandi une banderole dans les vestiaires, sur laquelle était écrit « CONCACAF : voleurs, corrompus » . Pour le moins explicite.
Le Panama enrage d’autant plus qu’il était qualifié jusque la 88e minute. Le moment où l’arbitre décida de désigner le point de penalty pour une main totalement involontaire de Roman Torres, l’homme qui avait alors inscrit le seul but du match, en trompant Memo Ochoa, à la 55e minute. L’Américain Mark Geiger, l’acteur principal de cette demi-finale, n’a pas pardonné au défenseur panaméen sa chute accidentelle au sein de la surface. Malgré l’ambiance insurrectionnelle sur la pelouse, Andrés Guardado n’a pas tremblé au moment de frapper son tir au but qui envoyait le Mexique en prolongation. À la 105e minute, Geiger porta à nouveau le sifflet à sa bouche pour offrir un autre penalty litigieux à Carlos Vela et consorts. Les Panaméens menaçaient alors de quitter la pelouse, avant que Guardado ne refuse à nouveau de faire dans la sensiblerie, en inscrivant le but d’une qualification mexicaine au grand parfum de scandale. Habitué des célébrations explosives, même après un but inscrit face à Trinité-et-Tobago, le sélectionneur du Mexique, Miguel Herrera, n’a alors pas bougé. En zone mixte, le défenseur panaméen, Adolfo Machado, donna son verdict : « Si on enquête sur des joueurs pour des matchs truqués, il faut aussi enquêter sur la CONCACAF, ce sont des corrompus. »
Geiger, le nom de cet arbitre américain vous dit peut-être quelque chose : c’est lui qui avait dirigé les débats entre France et Nigeria en huitièmes de finale du Mondial. Il s’était alors signalé en oubliant d’expulser Blaise Matuidi pour une semelle sur Onazi. Mercredi dernier, son influence sur le résultat final a connu son premier épisode dès la 25e minute, quand il a expulsé l’attaquant Luis Tejada, pour un coup de coude qui n’en était pas un sur le défenseur mexicain Maza Rodríguez. « Franchement, tout m’est passé par la tête, confia le pilier de la sélection, j’ai même pensé à frapper l’arbitre. » « Pendant le match, j’ai pensé à arrêter le football » dira, pour sa part, Hernan « Bolillo » Gómez, le sélectionneur colombien du Panama. « Je suis triste pour le football » , ajoutera l’ex-sélectionneur de la Colombie et ex-adjoint de Pacho Maturana. Les suspicions d’arrangement sont d’autant plus fortes que la CONCACAF est une confédération dont nombre d’ex-dirigeants sont dans le viseur de la justice américaine, depuis l’éclatement du scandale FIFA, et que le Mexique se trouve en état de récidive. En quart de finale, El Tri avait ainsi évité la séance de tirs au but face au Costa Rica, grâce à un penalty fantôme sifflé à la 120e minute.
Derrière ce « vol » , le Mexique n’est pas mis en cause par les joueurs panaméens, seulement la CONCACAF et sa cupidité. Car si l’équipe de Miguel Herrera se trouvait éliminée, qui pour remplir les 65 000 places du Financial Field de Philadelphie ? Poule aux œufs d’or de la confédération, El Tri remplit les stades aux États-Unis même pour un vulgaire match de poule face à Cuba. De fraîche ou de longue date, les immigrés mexicains aux États-Unis sont prêts à tous les sacrifices pour vivre un moment de communion nationale sur le sol de leur exil. Panama-Jamaïque en finale aurait constitué un considérable manque à gagner pour la CONCACAF. « Ce qui s’est passé avec l’arbitrage est scandaleux, a estimé Pedro Chaluja, le président de la Fédération du Panama vendredi, en conférence de presse, nous estimons que ce match a été arrangé, mais pas par la Fédération mexicaine, plutôt par des intérêts tiers » .
Au Mexique, cette victoire inique pose un cas de conscience, un peu comme la main de Thierry Henry avait pollué la qualification pour le Mondial 2010 de la France. Une bonne partie de la presse et des supporters estime ainsi qu’Andrés Guardado n’aurait pas dû transformer le penalty de l’égalisation. Les considérations deviennent même sociétales, comme dans cet édito de l’influent journaliste Diego Petersen, qui considère ce match comme une métaphore de ce qu’il y a de pire au Mexique, un pays où « celui qui ne triche pas n’avance pas » . La qualification litigieuse face au Costa Rica n’avait toutefois pas engendré un tel débat. Car, le Mexique avait largement dominé et sentait qu’il était un vainqueur légitime. L’erreur arbitrale avait favorisé le plus méritant. Face au Panama, El Tri a montré un visage calamiteux. Il est pourtant en finale, face à la Jamaïque. Un match qui se jouera évidemment à guichets fermés. Samedi, le Panama jouera, lui, pour la troisième place, face aux États-Unis. En attendant, la CONCACAF a annoncé qu’elle étudierait la plainte de la Fédération panaménne, qui demande la « révocation de la commission d’arbitrage » . La confédération a aussi annoncé, vendredi, les premières sanctions consécutives à la houleuse demi-finale. La Fédération du Panama a été condamnée à payer une amende au montant non révélé par la CONCACAF (15 000 dollars selon la presse mexicaine) pour « mauvaise conduite sur et en dehors du terrain » .
Par Thomas Goubin, au Mexique