- Ligue des champions CONCACAF – Finale aller – Club América/Montréal
Go Impact go !
Il est peut-être là le match le plus dingue de la semaine : à Mexico, dans le mythique stade Azteca, le rutilant Club América, sorte de Real de Madrid d'Amérique, affronte en finale de la C1 locale les Québécois de l'Impact de Montréal, braves et miraculeux représentants d'une MLS en mal de reconnaissance internationale. C'est beau, c'est fou, c'est excitant et ça se joue à 3h du mat' heure française. À vos réveils, ça peut valoir le coup.
Au début du printemps à Montréal, encore plus que le reste de l’année, la quasi-intégralité de l’actu sportive est consacrée aux performances des Canadiens adorés en NHL. D’autant que cette saison, la franchise la plus titrée de l’histoire de la ligue nord-américaine de hockey sur glace, qui attend désespérément de conquérir une Stanley Cup depuis 1993, cartonne étonnamment bien. À tel point qu’elle figure parmi les favoris à la victoire finale avec les Rangers de New York, les Ducks d’Anaheim ou encore les Blackhawks de Chicago. Il faut le voir pour le croire : tout s’arrête dans cette ville quand les « Habs » disputent un match décisif des play-offs, c’est impressionnant et il y a peu d’équivalent dans le monde. Montréal vit hockey, respire hockey, mange hockey, sacre hockey, ne parle que de hockey.
Alors pensez bien que si le soccer/football essaie de se faire une place dans le cœur des gens, ce n’est vraiment pas un défi facile. Là moins que quasiment partout ailleurs. Et pourtant, le club local de l’Impact Montréal parvient à exister ces derniers temps grâce, notamment, à son remarquable et surprenant parcours continental dans la Ligue des champions locale, appelée la CONCACAF Champions League, CCL pour les intimes. Oui, contre toute attente, les Québécois se sont hissés jusqu’en finale de la compétition, une confrontation disputée selon le format aller-retour. Le premier match aura lieu au milieu de la nuit heure française sur la pelouse de l’adversaire, le Club América de Mexico, tandis que le retour aura lieu la semaine prochaine, dans un stade olympique de Montréal rempli à ras la gueule : 60 000 places max dans sa configuration actuelle. Ça devrait se jouer à guichets fermés, preuve que le soccer est bien parvenu à squatter un peu l’actu au cœur de la période des séries de NHL. Sacrée performance.
Une finale… en début de saison
Petit cours de rattrapage rapide pour les non-initiés. La CCL, c’est donc l’équivalent de notre bonne vieille C1 en Amérique du Nord, en Amérique centrale et aux Caraïbes. L’Impact ne participe pas à l’actuelle édition en tant que qualifié via la MLS, son championnat domestique, mais en tant que champion du Canada, un titre un peu pompeux pour un mini-tournoi disputé entre les cinq équipes pro de soccer au pays de Justin Bieber. Une subtilité est à noter quand même quand vous suivez un peu l’actu des clubs de MLS et que vous essayez dans le même temps de suivre la CCL : il y a deux saisonnalités différentes. En gros, la Ligue nord-américaine dispute ses saisons sur une année civile quand la C1 se la joue à l’occidentale : début en été et fin au printemps de l’année suivante.
Voilà pourquoi l’Impact peut se retrouver en ce mois d’avril à la fois au début de sa saison domestique (la MLS saison 2015) et à la fin de sa saison continentale (la CCL 2014/2015). Ce n’est pas si facile à suivre et cela pose un évident problème de lisibilité. Alors venons-en maintenant au parcours des Montréalais dans cette CCL 2014/2015. Il est assez remarquable, avec d’abord un premier tour de poules bien géré, en éliminant au passage les Red Bulls de New York, où jouait encore à l’époque Thierry Henry. En quart ensuite, un premier club mexicain a été éliminé à la surprise générale et de façon assez miraculeuse : la formation de Pachuca, contrainte au nul 2-2 chez elle à l’aller et qui s’est fait égaliser à 1-1 au retour à Montréal grâce à un but inscrit dans les arrêts de jeu par l’improbable joker Cameron Porter, drafté par l’Impact cet hiver. Un premier exploit de taille qui en a appelé un autre en demi-finale face aux Costariciens d’Alajuelense.
Pas de victoire depuis 2000
On l’a vu lors de la dernière Coupe du monde, les « Ticos » sont d’excellents joueurs de ballon et c’est une vraie belle performance qu’ont réalisé les joueurs de l’Impact en sortant vainqueurs du duel les opposant à Alajuelense, qui plus est avec un match retour au Costa Rica. Dominateurs 2-0 au stade olympique le 18 mars, il a fallu que les Québécois s’accrochent à leur avantage une semaine plus tard, à l’occasion d’un match retour disputé dans une incroyable ferveur. Les locaux l’ont emporté 4-2, mais ce sont bien leurs adversaires qui se sont qualifiés pour la finale, encore grâce à la règle du but à l’extérieur, comme au tour précédent.
Voilà donc comment l’Impact Montréal se retrouve en finale de la Ligue des champions locale, à défendre à la fois les couleurs du Québec, du Canada et de la MLS. C’est historique, évidemment, pour une formation canadienne. Ça l’est aussi presque pour une franchise de MLS, puisque seules deux d’entre elles se sont imposées par le passé dans la compétition, et cela commence à remonter : DC United en 1998 et Los Angeles Galaxy en 2000. Depuis, une seule finale perdue est à signaler : pour le Real Salt Lake en 2011. Statistique plus impressionnante encore : il n’y a que des Mexicains au palmarès de cette compétition depuis quasiment une décennie. La dernière fois qu’un représentant d’une autre nation s’est imposé, c’était en 2005 avec la victoire des Costariciens de Saprissa.
Le stade Azteca comme décor
L’adversaire de l’Impact pour cette finale est donc bien évidemment mexicain. Et ce n’est pas n’importe qui en plus puisqu’il s’agit du Club América, cinq trophées continentaux au palmarès. Une entité incontournable, sorte de Real Madrid version Mexico : très riche, volontiers arrogant et qui divise la population entre fans et haters. En ce début d’année 2015 en plus, le Club América semble bien décidé à faire parler de lui avec des scores très déroutants, l’équipe au jeu très ambitieux étant capable de perdre 0-3 en demi-finale aller (contre Herediano, autre club du Costa Rica, décidément), puis d’atomiser 6-0 ce même adversaire au retour. Une équipe également capable de perdre 0-4 en championnat ce week-end à domicile contre Querétaro (avec un doublé d’un certain Ronaldinho), sans que ça ne remette en cause ses chances de défendre son titre national et sans que ça ne remette non plus en cause son statut de grand favori lors du match de cette nuit. Car le Club América est bien plus expérimenté que l’Impact et va être soutenu par près de 100 000 spectateurs dans le mythique stade Azteca, théâtre de deux finales de Coupe du monde, mais aussi du match du siècle entre l’Italie et la RFA en 1970, ainsi que de la victoire controversée de l’Argentine face à l’Angleterre 16 ans plus tard, avec la main de Dieu de Maradona. Une enceinte qui a de quoi impressionner et qui a certainement joué son rôle lors de la demi-finale et cette victoire 6-0.
Soutien total de la MLS
Dans cette fournaise et en altitude – un facteur à prendre en compte, forcément –, l’Impact va devoir chercher à limiter la casse avant de recevoir au retour dans son stade olympique. Les Québécois n’ont rien à perdre. La pression sera en face, avec une formation mexicaine qui peut tomber dans le piège de la facilité. Les Québécois ont aussi pour eux l’expérience des grands matchs de quelques joueurs (Ciman, Piatti, Donadel, Reo-Cocker…), même s’ils auraient bien aimé avoir encore avec eux leur ancien buteur Marco Di Vaio, récemment retraité. Ils ont aussi pour eux le soutien de la MLS : des personnalités comme Lalas ou Donovan leur ont adressé des félicitations sur Twitter après la qualification pour la finale. Les dirigeants de la Ligue ont quant à eux reporté les matchs de championnat de l’Impact initialement prévus le week-end dernier et le week-end prochain, pour lui permettre de se concentrer au mieux sur ce double rendez-vous continental. Jamais aucun représentant de la MLS n’a disputé une Coupe du monde des clubs. L’occasion est belle pour les Montréalais d’entrer dans l’histoire et de contribuer à la reconnaissance internationale du soccer à la sauce nord-américaine.
Par Régis Delanoë