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Gnohéré : « Pas besoin de discours contre la Lazio »
Formé à Cannes, où il a croisé la route de Gaël Clichy, et à Troyes, Harlem Gnohéré n’a jamais percé en France. Après une carrière faite de bric et de broc dans les divisions inférieures belge et suisse, il a trouvé le bonheur au Steaua Bucarest, en Liga 1 roumaine dont il est actuellement le meilleur buteur. Ce jeudi, à Rome, le seul buteur du seizième de finale aller tentera de prolonger un peu plus son histoire européenne.
Ce but contre la Lazio, c’est le plus beau de votre carrière ?Peut-être pas le plus beau, mais un des plus importants. Cela fait toujours plaisir de marquer contre une grosse écurie. En tout cas, la victoire (1-0, sur un but d’Harlem Gnohéré, ndlr) est à mettre au crédit du collectif, car si nos défenseurs n’avaient pas tenu comme ils l’ont fait, le résultat n’aurait sûrement pas été le même.
La force de votre équipe, c’est son collectif ?Absolument. Et on a aussi des internationaux de grande qualité comme Constantin Budescu ou Denis Alibec qui peuvent nous sauver un match à eux seuls grâce à leur expérience.
Qu’est-ce que le coach Nicolae Dică vous a dit pour vous motiver ?
Dans des matchs comme celui-ci, il n’a pas grand-chose à dire. On se surpasse naturellement parce que c’est quelque chose de formidable de jouer contre la Lazio. Pas besoin d’un grand discours pour nous surmotiver.
En janvier 2017, vous quittez le Dinamo Bucarest pour le Steaua Bucarest. C’est assez risqué comme choix quand on connaît la rivalité féroce entre les deux clubs. Qu’est-ce qui vous a décidé ?La Coupe d’Europe. Tout au long de ma carrière, j’ai joué dans des équipes de divisions inférieures ou qui luttaient contre la relégation. Au FCSB, c’était l’occasion parfaite. J’ai même refusé des offres des pays du Golfe et un plus gros salaire pour atteindre cet objectif.
Quelles différences observez-vous entre les deux clubs de la capitale ?La rivalité entre les supporters est énorme. Pour donner un ordre de grandeur, c’est Paris-Marseille multiplié par dix. Et au niveau des infrastructures, même si le Dinamo est très professionnel, celles du FCSB ont une bonne longueur d’avance.
Vous rejoignez la Roumanie en 2015 après plusieurs années passées dans les divisions inférieures belge et suisse. Qu’est-ce qui vous a convaincu de tenter l’aventure à Bucarest ?La première chose à laquelle j’ai pensée, c’est ma famille. Quand le RAEC Mons a fait faillite (en mars 2015, ndlr), je me suis retrouvé sans club. Et Mircea Rednic, que je connaissais parce qu’il a entraîné le Standard de Liège, m’a convaincu de le rejoindre au Dinamo. J’avais eu des offres de D2 chinoise et belge, mais j’en avais ras le bol de jouer en D2. J’étais convaincu d’avoir le niveau pour la D1, alors quand la Roumanie s’est présentée à moi, j’ai été curieux et j’ai signé.
L’idée de partir dans un pays lointain dont vous ne connaissez pas la langue ne vous a pas trop effrayé ?
Si, bien sûr ! En France, quand on parle de la Roumanie, on pense à ces gens dans leur cabane ou à côté des feux rouges. Mais une fois sur place, c’est complètement différent. Bucarest est une ville magnifique et le pays est en plein développement. Et même si je passe le plus clair de mon temps à m’entraîner et à rester concentré sur mes objectifs, il y a toujours de bons restaurants où sortir entre coéquipiers.
Comment peut-on s’imaginer le championnat roumain, en comparaison avec la Belgique et la Suisse ?En D1, il y a six équipes au-dessus du lot. Le FCSB en fait partie, c’est un grand nom d’Europe qui attire les meilleurs joueurs du pays. En ce qui concerne le style de jeu, il est aussi technique que physique.
Du coup, cette combinaison colle bien avec votre surnom : Bison. Oui, c’est Rednic qui m’a appelé comme ça pour la première fois, en référence à mon profil. Je mesure 1,84 m pour 90 kilos. Donc quand on voit ma carrure, on ne s’imagine pas que je suis habile avec mes pieds, mais c’est tout le contraire. J’aime le jeu en deux touches de balles et je peux surprendre les défenseurs aussi bien avec malice qu’en leur fonçant dessus.
L’été dernier, vous étiez cité à Lens. Ça vous aurait plu de jouer en France ?Le projet de jouer la montée en Ligue 1 et de m’installer dans un club de mon pays avec de bonnes infrastructures me plaisait. La durée du projet, c’est ce qui détermine mes choix. Finalement, ça ne s’est pas fait et je ne pense pas que Lens avait prévu de vivre une saison pareille. Mais en attendant, tout va bien pour moi ici.
Cela fait deux ans que le FCSB termine sur la deuxième marche du podium. Actuellement, vous êtes dauphins du CFR Cluj, qui compte quatre points d’avance. Le titre, vous y croyez ?On a toutes les cartes en main pour le faire, surtout avec le système de play-offs où les points sont divisés par deux (à la fin de la saison régulière, la moitié des équipes participe auxplay-offset l’autre auxplay-downs suivant leur classement. Les points sont alors divisés par deux pour réduire l’écart et relancer l’intérêt de la compétition, ndlr). Et si on remporte le titre, on n’aura qu’un tour préliminaire de Ligue des champions face à une équipe normalement prenable pour se qualifier pour la phase de groupes, un autre objectif de ma carrière. Après ça, on pourra dire que j’aurai fait le tour en Roumanie.
La musique de la Ligue des champions vous fait plus frissonner que celle de la Ligue 1 ?(Il réfléchit.) La musique de la Ligue des champions, je l’ai déjà entendue (en tour préliminaire contre le Viktoria Plzeň et le Sporting Portugal, ndlr) et c’est vrai qu’elle m’a donné des frissons. Mais celle de la Ligue 1 serait particulière aussi, parce que je suis français, que mes parents vivent en France et que voir leur fils en Ligue 1 serait quelque chose de magnifique. En plus, mon petit frère Joris Gnagnon évolue à Rennes (ils ont la même mère, ndlr). Donc jouer avec ou contre lui, ce serait beau.
Quel club de Ligue 1 correspondrait le mieux à votre profil ?Je ne suis pas un rêveur. En restant réaliste, je prendrais des clubs comme Montpellier, Nantes ou Strasbourg, dont la philosophie de jeu me plaît et pour lesquels je pense avoir le niveau. J’ai énormément travaillé pour gravir les échelons. Après avoir remporté le championnat de D2 belge avec Charleroi en 2012 (en terminant meilleur buteur au passage, ndlr), j’ai fait l’erreur de trop me reposer sur mes acquis et je n’ai pas eu ma chance en D1. Alors j’ai continué à travailler et encore travailler. Aujourd’hui, je veux prouver que je suis capable d’évoluer au plus haut niveau. Surtout qu’il ne me reste plus beaucoup d’années devant moi. J’ai déjà peur d’avoir trente ans ! (Rires.)
Cette maturité, c’est la Roumanie qui vous l’a apportée ?Non, c’est la naissance de mes deux garçons. J’ai compris que je devais trouver un contrat stable pour subvenir à leurs besoin et qu’ils ne manquent de rien. Et je l’ai trouvé en Roumanie. J’ai un bon salaire au FCSB. Par rapport au pays, c’est même énorme.
Lorsque vous étiez en D3 belge à Virton, vous avez connu un certain Thomas Meunier… qui évoluait encore comme attaquant de pointe.Oui, on jouait ensemble à l’avant et déjà, il était très technique. Il n’y avait pas de concurrence entre nous. Au contraire, on était assez complémentaires : lui à la création, moi à la finition. Jamais je n’aurais imaginé qu’il finisse latéral droit. Il avait une telle faculté à éliminer les adversaires ! Parfois, il nous faisait gagner des matchs à lui tout seul.
Aujourd’hui, il est au PSG, votre club de cœur.Je suis vraiment content pour lui, même si on n’a plus de contact direct. Si jamais on venait à tomber dans le même groupe en Ligue des champions l’année prochaine, ça ferait deux anciens Virtonnais sur la pelouse (Rires.) ! Ce serait formidable.
Pour le match retour à Rome, vous croyez à l’exploit ?À l’aller, la Lazio a clairement dominé. Mais comme je le disais, notre force, c’est notre collectif. Si on entame le match comme on l’a fait chez nous, on peut obtenir quelque chose de grand. Un club roumain qui élimine un club italien, ce serait incroyable.
Quel serait votre tirage de rêve en huitièmes ?(Sans hésiter) Marseille. D’abord parce que je suis supporter parisien depuis toujours, mais aussi parce que mon père est pour l’OM. Et puis jouer au Vélodrome, ce serait pas mal.
Vous pourriez les battre ?Quand on les voit en championnat, on se dit que s’ils alignent l’équipe première, ce serait difficile. Mais s’ils veulent se concentrer sur la deuxième place et qu’ils envoient l’équipe B, alors ce serait faisable. Globalement, à ce stade de la compétition, il n’y a pas de tirage abordable, toutes les équipes sont bonnes. La seule contre laquelle je n’ai pas envie de retomber, c’est le Viktoria Plzeň, parce qu’on les a joués en tour préliminaire de la Ligue des champions et en phase de groupes de la Ligue Europa. Si jouer la Coupe d’Europe, c’est aller trois fois en Tchéquie, à la fin ce n’est plus amusant ! (Rires.)
Propos recueillis par Julien Duez