- Coupes d'Europe
- 6e journée
- Bilan des clubs français
Globalement positif…
C'est la qualif de Monaco en 8es de C1 qui a fait pencher la balance du bon côté. Et comme celle de Guingamp maintient un représentant français en C3, le bilan demeure malgré tout satisfaisant. Mais c'est plus dans le détail que le compte n'y est vraiment pas.
L’essentiel, tout d’abord : deux clubs français en huitièmes de Ligue des champions. Un truc auquel on n’aurait pas cru au sortir du tirage. Si l’évidence de passer le premier tour accompagnait le PSG, dont le parcours le mènerait au pire à la seconde place (ce qui s’est produit), il en allait tout autrement pour Monaco. Issue du quatrième chapeau et chapeautée par un nouveau coach à la tête d’un effectif délesté de quelques cracks, on imaginait plus l’ASM reversée en Ligue Europa. Et en fait, pas du tout. Non seulement l’ASM a fini première, mais elle a contribué à maintenir un écart salutaire avec la Russie à l’indice UEFA (pour l’ASM, voir article Signé Jardim). Paris et Monaco en 8es, c’est le top et il faut s’en réjouir. Reste que…
Il faut déjà rappeler que Lille a été balayé en août par Porto en barrages (0-1 et 0-2) et que la tendance négative de ces dernières années semble n’assigner au foot français que deux clubs maximum en C1. Et comme l’été prochain notre futur troisième de L1 ne partira pas favori, voilà qui devrait nous calmer un petit peu. Faut-il rappeler aussi le fiasco lyonnais, sorti en barrages de C3 par l’Astra Giurgiu (1-2 et 1-0) ? C’est donc bien quatre clubs qui ont piteusement giclé au moment de faire le bilan européen du foot français à la mi-décembre. Pas extra, donc. Mais une fois de plus, comme l’ASM a très bien provisionné la colonne des « plus » , celle des « moins » apparaît plus acceptable… Et du coup, le questionnement très critique sur la compétitivité de notre Ligue 1 doit ainsi être plus nuancé. Car vu de l’étranger, le constat froid s’impose : la France a placé deux clubs en 8es, l’Italie un seul. Point barre.
Des coachs sur la sellette…
L’autre enseignement majeur de ce premier tour, c’est la crise globale du coaching qui a régné chez quatre de nos clubs européens. Avant d’entrer dans le détail, on peut constater la situation paradoxale des deux « héros » Jardim et Gourvennec, qui ont qualifié Monaco et Guingamp (2e derrière la Fiorentina). Le premier a été constamment dénigré, et le second, d’abord perçu comme incapable de qualifier l’AEG en 16es, a été jugé coupable de ne pas lui avoir permis de briller à la fois en C3 et en L1 (actuel 16e, Guingamp flirte encore avec la relégation)… Retour sur les « fautifs » : Hubert Fournier, René Girard (C1 et C3) et Christophe Galtier ont clairement échoué dans leur mission. L’OL ne pouvait pas se faire sortir comme ça par Astra Giurgiu. Sainté n’avait pas le droit de finir dernier dans une poule où seule l’Inter s’était réservée la première place. Dans une autre poule certes pas évidente (Wolfsburg, Everton), Lille n’a jamais déployé la combativité inouïe de Guingampais pourtant pas favoris non plus dans leur groupe. Reste le cas Laurent Blanc… En qualifiant très tôt le PSG pour les 8es, il avait accompli la première partie sa mission européenne. Et ne finir « que » deuxième derrière le Barça n’a rien d’infamant. Sauf que…
Même à fustiger les joueurs, pas innocents après le 1-3 au Nou Camp, on a bien senti que Lolo Blanc ne parvenait toujours pas à « dominer l’événement » dans les matchs décisifs. Que ce soit tactiquement (un 4-4-2 inopérant une fois que le Barça menait), dans l’approche psycho-tactique (confondant les Blaugrana actuels pas si grandioses avec ceux, plus terribles, de 2009-2011) ou dans le coaching (sortie de Verratti pour Pastore qui a coupé l’équipe en deux). La défaite de Paris fut d’abord celle de Blanc, battu, lui, par un Luis Enrique plus imaginatif (voir article Les leçons tactiques de Barcelone-PSG). Aujourd’hui, Lolo Blanc est fragilisé. Contesté par une partie de ses joueurs ( « Nous étions meilleurs l’année dernière » , signé Thiago Motta), brisé net par son collègue de rugby Bernard Laporte ( « Blanc est un super mec, mais il n’a pas l’étoffe pour être entraîneur du PSG » ), il a aussi été indirectement visé par son président Nasser Al-Khelaïfi, très pessimiste pour la victoire finale en C1 ( « Peut-être que ce ne sera pas pour cette année » ). Au-delà de l’infériorité quasi rédhibitoire du PSG en comparaison de Chelsea, Real Madrid et Bayern (pour ne citer qu’eux), c’est l’impuissance de Blanc à trouver les solutions pour faire mal à ce Barça pourtant prenable qui a sauté aux yeux. Depuis Chelsea, l’an passé, ce Paris de Lolo semble n’avoir pas progressé…
Travailler, c’est trop dur…
Réglons une bonne fois pour toutes l’excuse de la fatigue. Il n’y a qu’en France qu’on l’invoque. Les clubs anglais qui disputent la C1 peuvent à la limite s’en prévaloir du fait d’un championnat plus ramassé et plus compétitif, notamment quand il s’agit d’aller se colleter même les « petites équipes » . L’Italie n’avance pas l’excuse de la fatigue pour justifier la présence unique en 8es d’une Juve déjà pas souveraine. De l’autre côté des Alpes, on fait son mea culpa en se penchant plutôt sur le déclin général du niveau du jeu et de la perte de sa densité physique qui faisait aussi sa force autrefois. Les clubs italiens ont beaucoup perdu dans l’intensité et dans la combativité. Un déficit culturel nouveau, en somme. Mais qui n’est pas de la fatigue, qui serait due à une Serie A démentielle et épuisante…
En France, « la fatigue » sert à masquer les lacunes dans le jeu, dans le mauvais recrutement et dans les mauvais choix tactiques. Physiquement dans le coup, Sainté était ces temps-ci dans une bonne dynamique depuis le derby contre Lyon. Mais Sainté s’est crashé jeudi au Dnipropetrovsk (0-1), faute d’avoir tout simplement jamais existé en Ligue Europa cette année ! Idem pour les Lillois, dont l’engagement a été total en première mi-temps contre Wolfsburg, mais qui, comme les Verts, auraient pu jouer des nuits entières sans jamais marquer (0-3 final mercredi à Pierre-Mauroy)… Jardim et Gourvennec ont su palier les insuffisances de leurs équipes en les faisant jouer avec le cœur et en leur permettant de marquer les buts vitaux. Jeudi soir, l’EAG est allé passer un 2-1 chez le leader du championnat grec, le PAOK Salonique, alors qu’un nul lui suffisait… Et pour la L1, dimanche : dans quel état seront les Bretons ? Mais ils s’en tapent ! Gourvennec l’a dit et répété : la C3 sert aussi à mieux jouer en L1, à pro-gres-ser ! Alors la fatigue, chère à Galtier et Girard…
Âme et énergie
Et Paris ? Peut-il invoquer l’excuse de la fatigue ? Oui. Mais alors, c’est que le boulot foncier d’avant-saison n’a pas été bien fait. Car le contrecoup légitime de joueurs revenus éprouvés du Mondial et les nombreuses blessures ne pourront pas tout expliquer de l’apathie générale. Pourquoi ce Paris a plongé physiquement à quasiment tous ses matchs depuis le début de saison ? Ce PSG est incapable de changements de rythmes plus élevés et incapable d’imprimer ces temps forts démentiels qui faisaient sa force la saison passée. Le naufrage d’un Thiago Motta au Camp Nou relevait plus de la démotivation et du déclin physique dû à l’âge (32 ans) qu’à un quelconque surmenage… Plus collectivement, on peut accabler le PSG pour sa faute professionnelle passée inaperçue à Amsterdam. Le 1-1 pathétique et apathique face à l’Ajax a pas mal plombé Paris dans sa course à la première place. Car une victoire « à l’énergie » aux Pays-Bas aurait permis d’aller à Barcelone avec trois points d’avance, et avec un 2-3 au lieu d’un 1-3 au Camp Nou, Paris aurait fini en tête. Tous les matchs comptent, tous les buts comptent en Ligue des champions. Ce PSG 2014-2015 semble l’avoir oublié… Attention ! N’enterrons pas Paris. Attendons le tirage et on verra bien. Et si c’est un gros qui sort ? Eh bien, Paris devra avancer aux 8es l’exploit qu’il s’était programmé de réaliser en quarts ! Et c’est possible ? Oui, si tout ce collectif parisien possède une âme, une vraie. Et c’est quoi « une âme » ? Voyez Guingamp et Monaco…
Par Chérif Ghemmour