- Euro 2012
- Équipe de France
Giroud, le Desert Eagle de Blanc
En 150 minutes sous le maillot bleu, Olivier Giroud a séduit tout l’Hexagone. Un but plein de confiance en Allemagne et deux passes décisives qui portent bien leur nom face à l’Islande, et le voilà devenu un atout majeur des Bleus à l’Euro. Depuis dimanche, il se paye même le luxe de faire douter les Français, et peut-être Laurent Blanc, quant à sa possible titularisation. Concrètement, que vaut l’option Giroud ?
Le 4-4-2, mythe ou réalité ?
En fait, plus que la volonté de voir un 4-4-2 en soi, l’intérêt que suscite l’option Giroud est double : aligner deux buteurs sur le terrain et éviter le problème de l’absence de numéro 10. Selon la position de Benzema, le système peut se transformer en 4-4-1-1 avec des ailiers travailleurs, 4-2-3-1 avec un K-Benz en retrait, ou même 4-3-3 avec le Madrilène en position d’attaquant droit. Quitte à dézoner, autant que cela soit compris dans un schéma, non ? En clair, laisser Giroud travailler dans la surface et permettre à Benzema de toucher plus de ballons. À deux semaines du début de l’Euro, personne ne s’est imposé au poste de numéro 10. Nasri ne joue pas libéré. Martin souffre d’un manque de légitimité. Gourcuff est parti. L’option Ben Arfa relève, pour le moment, du fantasme. Pas de bon numéro 10 ? Jouons sans numéro 10. Tout court. Ces dernières années, à part Sneijder et Özil, ils sont peu à s’être rendus indispensables à ce poste. Si le trequartista disparaît tristement, tâchons de le respecter en évitant de créer des ersatz de playmakers. Ainsi, une solution pour « faire vivre le jeu » serait d’avoir Benzema en électron libre autour de Giroud, entourés par les ailiers explosifs (Ribéry-Ménez/Ben Arfa) et couverts par deux milieux défensifs (M’Vila-Cabaye a priori). Certes, le forfait de Rémy laisse seulement deux attaquants de métier dans les probables 23 et réduit sensiblement les chances de voir deux buteurs alignés en même temps. Mais il n’y a pas de règle. L’Espagne part en Pologne avec trois avants-centres et pourrait finalement n’en utiliser aucun. S’il semble compliqué de voir les deux buteurs dès la première minute le 11 juin, il n’est pas interdit d’imaginer leur association en cas d’urgence. Absence de meneur de jeu oblige, le 4-4-2 français serait en fait un 4-2-2-2, d’où l’importance cruciale d’avoir deux ailiers capables de passer autant de temps à défendre qu’à attaquer. Pas évident, n’est pas Kuyt ou Milner qui veut.
Giroud pour faire briller Benzema et Ribéry
Si Giroud a un rôle à jouer dans cette équipe, c’est peut-être finalement plus pour sa capacité à faire briller les autres. La France peut compter sur des grands joueurs en forme, autant les mettre dans les conditions de briller. Si Benzema a marqué 32 buts cette saison, il est surtout considéré comme l’un des meilleurs pour ses 12 passes décisives. À Madrid, le Français combine superbement quand il y a du monde devant lui. Cristiano en sait quelque chose, Higuain aussi, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Problème : contre l’Islande, ni Ménez, ni Ben Arfa, ni Nasri n’ont joué pour marquer, donnant l’impression de vouloir préparer l’action parfaite pour Benzema. Du coup, qui pourra profiter de ces offrandes, si ce n’est Giroud ? Ensuite, Franck Ribéry s’est éclaté au Bayern avec Gomez, Klose et Luca Toni. Le numéro 7 a toujours aimé la présence de grands gabarits devant le but, pour ses centres et ses insertions dans la surface. Ménez et Ben Arfa approuvent certainement. Le match de dimanche nous a donné un bel indice sur son entente avec Giroud.
La logique : le Llorente français
En huitième de finale du Mondial 2010, avec 7 petites sélections, le León Fernando Llorente entrait à la 58e minute et changeait le cours du match, bousculant la robuste défense portugaise. Si le Pays Basque a Llorente, la Savoie a Giroud. Plus de 190 centimètres, une technique largement sous-estimée, un superbe jeu de tête et un bon jeu en déviation. À condition d’avoir un sélectionneur qui ait le courage de faire entrer un avant-centre sans faire sortir l’autre, Giroud le supersub sera précieux. D’autre part, la France s’apprête à partir au combat contre des Anglais, des Suédois et des Ukrainiens. Contre leur physique, les Bleus proposeront vitesse, débordement et technique. Les beaux contre les brutes. Mais si ces adversaires résistent aux assauts de la splendide génération 87, il faudra envisager la solution du muscle, de la taille et de l’envie. Oxmo Puccino le sait bien, « l’équilibre se trouve entre un flingue et des roses » .
À coups de pistolet, Giroud a montré une envie débordante, malgré l’évidence Benzema. En apportant de la fraîcheur, Giroud fait du bien. Lui qui était très loin de Knysna en 2010. Lui qui n’a jamais connu les retraités argentés de 2006. Giroud rappelle le Ribéry de 2006. Étincelant dès qu’il joue pour son pays, insensible à la pression et en pleine forme. Mais qui aurait imaginé aller défier les cadors européens avec Giroud il y a quelques mois ? La jurisprudence Gignac veille. Après tout, Eren Derdiyok en a passé trois aux Allemands… Au vu de sa saison et de sa constante progression, Giroud n’a clairement pas fini de surprendre. Mais il peut aussi décevoir. Si Giroud a été fabuleux dimanche en tant que remplaçant, pourquoi vouloir le faire jouer titulaire ? Pour l’équilibre d’une équipe qui trouve ses marques en 4-3-3 et pour ne pas le brûler, Giroud doit rester l’arme secrète de Blanc. Certains préfèrent garder un poignard ou un Colt de poche en réserve, Laurent Blanc sera bien heureux de pouvoir pointer son Desert Eagle sur Hodgson, Blokhine et Hamrén à l’heure de jeu.
Markus Kaufmann
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