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Gillet : « Mettre le RC Lens sur mon CV, ça me rend fier »
Alors que Lens a l’occasion de confirmer son début de saison parfait sur la pelouse de Béziers, samedi, Guillaume Gillet, arrivé au club début août, pourrait enchaîner de son côté une deuxième titularisation de suite. Une-deux avec une caution expérience qui sort d’une saison compliquée en Grèce et qui n’a qu’un rêve, à 34 ans : ramener le Racing en Ligue 1.
En arrivant à Lens début août, tu as expliqué être heureux de pouvoir te « rapprocher de ta famille » . C’est quelque chose qui t’a manqué pendant ton année en Grèce ? Pas spécialement, parce qu’en Grèce, ma famille était avec moi et on était très bien. On avait souvent de la visite d’amis ou de membres de la famille. La distance ne nous a jamais fait peur, mais c’est vrai que revenir tout près de la Belgique, c’est quelque chose qui a compté dans le choix de l’option Lens, même si ce n’était pas primordial.
Qu’est-ce qui t’a convaincu alors ?Le championnat français, d’abord, parce que j’y ai passé des moments exceptionnels jusqu’ici, que ce soit à Bastia ou à Nantes. Revenir en France était une priorité et il se trouve que c’est un club de Ligue 2 qui a montré le plus d’enthousiasme pour me récupérer. J’ai eu des contacts avec Angers aussi, qui m’a fait une proposition début mai, mais j’avais décidé à ce moment-là de prendre le temps de la réflexion et le club a pris quelqu’un d’autre à ma place parce que j’ai pris trop de temps. Lens, c’est surtout un défi qui me convient bien en fin de carrière : aider un club mythique à remonter en Ligue 1. C’est quelque chose qui me motive et va me donner beaucoup de force.
Tu as découvert Bollaert samedi dernier lors de la réception de Troyes (2-0). Comment tu l’as vécu ?C’était génial, vraiment… Pouvoir jouer devant un public comme ça en Ligue 2, c’est quelque chose d’inimaginable, parce qu’à l’exception de quelques endroits en Allemagne ou en Angleterre, personne ne peut se targuer d’avoir un tel public en deuxième division. Forcément, ça a son importance pour moi, car j’ai évolué toute ma carrière devant un public chaud. Mettre le RC Lens sur mon CV, ça me rend fier, et je crois qu’il y a une belle page à écrire ensemble.
La dernière fois que tu as quitté la France, lors de l’été 2017, ça ne s’était pas super bien passé : tu avais été obligé d’écrire une lettre pour expliquer ton départ du FC Nantes, de t’excuser publiquement auprès de Waldemar Kita… Tu avais envie de changer ton image en revenant en France ?Je n’ai jamais été un joueur habitué du bras de fer et j’ai toujours essayé de soigner mes relations avec mes entraîneurs, mes présidents, mes coéquipiers. À Nantes, c’est sûr que j’aurais aimé quitter le club sur une meilleure note, même si ça ne reste que du football et que ça reste une carrière de joueur où chacun doit essayer de suivre son intuition. À ce moment-là, j’ai eu le sentiment que l’Olympiakos était la meilleure étape possible à mon âge, à ce stade de ma carrière… J’avais la possibilité de disputer la Ligue des champions, d’accrocher un nouveau titre de champion à mon palmarès et c’est pour ça que j’ai un peu forcé
mon départ de Nantes, alors que j’y étais bien, que j’avais une très bonne relation avec le président, les joueurs… Ce n’est pas parce que Ranieri est arrivé que j’ai quitté Nantes. J’ai aussi toujours dit que j’avais adoré les mois passés avec Sérgio Conceição et que je serais probablement resté s’il était resté aussi. Finalement, on connaît tous le dénouement de cette histoire et je n’ai pas hésité à partir. Je n’ai aucun regret, même si ça n’a pas forcément été simple d’un point de vue sportif en Grèce.
Dans ta lettre, tu appelais le président Kita « papa » . Vous avez encore des relations ?Bien sûr, on a gardé une bonne relation. On s’est même vus pendant les vacances d’hiver l’année dernière, à Paris. C’est toujours un plaisir pour ma femme et moi de le voir. On veut garder cette relation-là parce qu’on ne sait jamais non plus ce qu’il peut se passer dans le foot. Je pense que c’est très rare pour un joueur d’avoir autant d’attache avec un dirigeant : souvent, c’est quelque chose d’assez éloigné.
Comment tu expliques que ça ait aussi bien marché entre vous ?Déjà, il y a le fait qu’il soit toujours descendu de partout, par tout le monde. Moi, ça m’a touché, parce qu’on parle d’une personne qui donne son temps, son argent, pour faire grandir un club et qui a reconstruit le FC Nantes. Ce qu’il a fait, ça mérite juste le respect. Même s’il est aussi capable de commettre parfois des erreurs, la personne est bonne et j’ai toujours été derrière lui depuis le premier jour.
Comme derrière Conceição. Qu’est-ce que tu gardes de lui ?Il faut se remettre le tableau en tête. Quand Sérgio Conceição arrive, le moral est dans les chaussettes, il trouve des têtes baissées en ouvrant la porte du vestiaire. Lui, il débarque et nous offre un discours positif, mais aussi une façon de voir le football qui nous a tous rendus meilleurs. Pourtant, le groupe n’avait quasiment pas changé, à l’exception des arrivées de Nakoulma et Sérgio Oliveira. Je garde donc cette image-là : celle d’un entraîneur qui est resté derrière sa fonction de coach le joueur qu’il était, avec sa rage de vaincre énorme. C’est quelque chose qu’il a réussi à transmettre à tous les joueurs de l’effectif, même ceux qui ne jouaient presque jamais. Je n’avais jamais vu un remplaçant s’entraîner à 200%, mais Conceição a réussi à le faire.
Toi, comment il t’a fait progresser ?Sur la tactique, par exemple, un élément sur lequel on travaillait beaucoup. Lorsqu’il est arrivé, on a essayé de plus ou moins repartir de zéro, c’est-à-dire que chaque joueur avait une idée très précise de ce qu’il devait faire en match lors d’une situation de jeu donnée. C’est quelque chose qui te facilite la vie : pendant les matchs, on retrouvait rapidement les automatismes qu’on travaillait aux entraînements la semaine. Parfois, ça pouvait paraître rébarbatif de travailler à onze contre zéro, de partir de ton gardien et d’attaquer sans adversaire, mais on a rapidement compris que ça marchait. Le plus important pour un joueur est de savoir où il va et comment il y va.
Quand tu es parti à l’Olympiakos, tu as retrouvé Besnik Hasi, que tu avais connu à Anderlecht. Un entraîneur peut te donner envie de retravailler avec lui ?Oui, il a eu un grand rôle dans mon arrivée à l’Olympiakos parce qu’il me connaît par cœur. J’ai quand même travaillé avec lui pendant six ans, donc il connaît mes qualités, mes défauts et il estimait que je pouvais apporter quelque chose à son équipe. Pour moi, c’est toujours bien de savoir où un joueur met les pieds, face à quelle méthode de travail il va se retrouver. J’aime bien avoir une bonne relation avec mon entraîneur et si en plus je peux devenir un relais avec les jeunes joueurs, c’est encore plus intéressant.
Sauf que là, tu arrives à l’Olympiakos, et dès le mois de septembre, Besnik Hasi est viré. Sur le coup, tu comprends que tout est remis en cause ?Ce qui est dommage, c’est que ça avait très bien démarré : l’objectif principal du club était de se qualifier pour la phase de poules de la Ligue des champions, ce qu’on a réussi à faire. Lorsqu’on y arrive, je me suis dit que c’était bien parti, oui. Et là, on perd notre première match de C1, à la maison, face au Sporting Portugal : c’est le plus important pour nous, car devant, il y a la Juventus et le Barça, donc si on veut se qualifier pour la Ligue Europa, il faut gagner. Après 43 minutes, on est menés 3-0 chez nous et finalement, on s’incline (2-3).
Malheureusement, une semaine après, on perd un derby contre l’AEK lors duquel on mène 0-2 et au bout duquel on perd (3-2). Le sort du coach est scellé et tous les joueurs arrivés au club grâce à lui comprennent rapidement que les choses vont se compliquer. Finalement, on a connu quatre coachs, ce qui n’est pas l’idéal pour trouver des repères…
Mais tu t’es quand même retrouvé au Camp Nou.C’est clair que dans ma tête, c’était peut-être mon plus grand rêve. La Ligue des champions, c’est spécial, un moment où tu veux prendre un plaisir maximal, et j’estime avoir eu la chance de tomber dans un gros groupe avec la Juventus et le Barça. Grâce à ça, j’ai vécu cet instant magique.
Quand à 33 ans, tu te retrouves face à Iniesta, Busquets, Messi, tu te dis que ça va trop vite pour toi ?J’essaye surtout de ne pas me poser trop de questions. Je sais en entrant sur le terrain que l’on ne va pas trop voir le ballon, qu’il va falloir jouer vite et bien. Pour le reste, c’est comme à la télé : ça tourne dans tous les sens. Malgré tout, pour un footballeur, c’est le must, car même si tu souffres, tu prends du plaisir, et ce soir-là, comme à l’aller, on a réussi à tenir le choc.
C’est un moment qui peut sauver une saison galère ?Oui, vraiment. Quand je mets sur une balance les plus et les moins de cette saison en Grèce, c’est clair que ça me permet d’avoir un souvenir positif. J’ai toujours été habitué à jouer dans tous les clubs où j’ai évolué, donc c’est sûr que c’était difficile de me retrouver sur le banc. Après, dans une carrière, on sait que c’est presque impossible d’avoir 100% de temps de jeu toutes les saisons. Malgré ça, j’ai appris.
On a surtout l’impression que c’est la première fois de ta vie que tu acceptes cette situation alors qu’à Bastia, où tu n’as été qu’une fois sur le banc, et à Nantes, où tu as été titulaire lors des 38 journées de la saison 2016-2017, sortir du terrain pouvait te rendre fou. C’est clair que mon âge me permet d’avoir un peu plus de recul, mais je suis quelqu’un d’ambitieux, donc j’ai forcément envie d’être à chaque moment sur le terrain. Ça, ça ne changera pas, mais c’est sûr qu’il y a de plus en plus de jeunes qui frappent à la porte. La concurrence est saine, mais en Grèce, oui, j’ai dû prendre sur moi. Je pense que si ça m’était arrivé plus tôt dans ma carrière, je l’aurais un peu plus mal vécu.
Tu faisais quoi quand tu ne jouais pas, du coup ?On va dire que c’est aussi ce qui est agréable quand tu vis à Athènes. C’est une capitale qui regorge de belles choses à faire, donc ça a forcément joué sur mon moral, ça m’a permis de rester motivé et de garder le sourire.
Tu auras un peu moins de distractions à Lens…C’est aussi pour ça qu’il faut que je sois sur le terrain !
Qu’est-ce que tu as trouvé en arrivant ?C’était un peu le point d’interrogation, car la saison dernière, je suivais la Ligue 2 et j’ai donc suivi le début de saison très compliqué du club (huit défaites lors des neuf premières journées, N.D.L.R.). Là, je savais que le club avait beaucoup travaillé sur le mercato, qu’il était en train de se reconstruire, avec notamment un nouveau coach, Philippe Montanier, qui a eu son importance dans ma venue. Pour le groupe, j’ai été agréablement surpris : c’est vraiment pas mal du tout, les résultats le prouvent et ce qui est surprenant, c’est de pouvoir enchaîner les bons résultats avec autant de nouveaux joueurs. Maintenant, il faut tenir dans la longueur et c’est ce qui peut être le plus compliqué dans cette Ligue 2.
Tu es aussi très proche de Jean-Louis Leca. Il a eu son rôle dans ton arrivée ?C’est vrai qu’il a aussi eu son importance. Il a pris très tôt contact avec moi, au début du mercato, pour savoir si ça pourrait m’intéresser. Bien sûr que c’est un plaisir pour moi de le retrouver sachant qu’on a vécu ensemble une saison merveilleuse à Bastia. J’adore les Corses, ça marche bien entre nous, donc oui, retrouver Jean-Louis, c’était important.
Il y a un an, tu étais titulaire au Camp Nou. Là, tu devrais l’être au stade de la Méditerranée de Béziers. C’est un changement de monde complet. C’était important aussi pour toi de finir ta carrière dans un championnat avec une dimension plus humaine ?C’est sûr que ça va me faire bizarre, mais il ne faut pas dénigrer le niveau de la Ligue 2, qui est un championnat très compliqué. Je le prends du bon côté et je me dis que si on travaille bien avec le groupe, on pourra retrouver la Ligue 1 rapidement. C’est un objectif qui me convient bien parce qu’il est difficile à atteindre et qu’il nous permettra de vivre de grandes choses au niveau humain. Le public lensois mérite ça.
Propos recueillis par Maxime Brigand