Tu es le speaker du SCO d’Angers depuis 2001, mais depuis quand supportes-tu le club ?
Depuis toujours ! Je suis né à Paris, mais je suis arrivé très tôt à Angers, vers l’âge de trois ans. Je me sens totalement angevin, et j’ai toujours été derrière le SCO. Tu sais, quand j’étais jeune, il y avait deux joueurs du club dans mon immeuble, Claude Dubaële et Daniel Perreau. Aujourd’hui, ce ne sont peut-être pas des noms qui parlent forcément aux jeunes générations, mais ils ont tous les deux fait une carrière honorable. Dubaële a même gagné une Coupe de France avec Rennes en 1965. Mon histoire avec le SCO a débuté à ce moment-là. Ils m’ont transmis leur passion pour le foot. Et, du coup, j’ai commencé à jouer. Daniel Perreau m’emmenait souvent à mes entraînements, dans sa 204, et j’allais à Jean-Bouin avec Claude Dubaële. Je me rappelle très bien de mon premier match au stade. C’était en 1967 avec un match contre Nice gagné 1 à 0, sous des trombes d’eaux. Ce qu’il faut savoir, c’est que le SCO tournait vraiment bien à cette époque et jouait les premiers rôles.
Tu es passé par le SCO quand tu étais jeune. Tu espérais devenir professionnel ?
J’ai joué près de dix ans au SCO, en commençant en poussin si mes souvenirs sont bons. J’ai connu le championnat cadet national, donc j’étais pas trop trop mal. On jouait souvent en lever de rideau à Jean-Bouin, et on rêvait quand on voyait jouer les pros après nous dans ce stade plein. Je me suis vraiment régalé pendant toutes ces années. Mais après, comme beaucoup de jeunes, à 18 ou 19 ans, tu arrives à un tournant. C’est souvent là que se joue ton avenir dans le foot. Moi, j’avais un peu la tête ailleurs. J’ai un peu mis le foot de côté pour me concentrer sur la musique.
Justement, parle-nous un peu de ta carrière musicale. Car avant d’arriver à Jean-Bouin, tu as longtemps été le chanteur-guitariste des Dirty Hands, qui reste l’un des groupes phares de la scène rock angevine.
Ça a plutôt bien marché, oui, on a eu de la chance. J’ai d’abord joué avec les Noodles, mon tout premier groupe, puis on a fondé Dirty Hands en 1989 avec des potes. On s’est vraiment inscrit dans l’histoire rock d’Angers, qui à cette époque avait des groupes qui tournaient vraiment bien, comme les Thugs. Angers a toujours vibré pour le rock, surtout dans les années 80-90. Avec Dirty Hands, on a pu sortir quelques disques, ça marchait pas trop mal. Et puis tu sais, je retrouvais même certains aspects du foot dans la musique.
C’est-à-dire ?
Le côté camaraderie, les déplacements, l’ambiance sur scène… Et surtout, le contact avec le public, d’autant plus qu’à une période, on a eu la chance de jouer avec Noir Désir. À ce moment-là, on est dans le mouvement rock qu’a connu la France à la fin des années 90. Et avec Noir Désir, on a pu se produire un peu partout en France, mais aussi en Angleterre, en Italie, en Hollande, en Belgique… On a même joué à l’Olympia, c’était fou. Noir Désir avait vraiment un succès important, donc on a eu la chance de jouer dans des grosses salles et de connaître de sacrées ambiances, que l’on pourrait facilement comparer à celles de certains stades de foot.
Avec Noir Désir, on a pu se produire un peu partout en France, en Angleterre, en Italie, en Hollande, en Belgique…
Comment s’est fait le passage de la musique à cette nouvelle carrière de speaker ?
À un moment, on a commencé à moins bien marcher avec Dirty Hands. Sincèrement, on commençait aussi à prendre un peu d’âge et à fatiguer, donc on s’est dit qu’on allait un peu mettre le groupe de côté. Personnellement, je me suis inscrit à la fac pour devenir professeur. J’avais arrêté les études après le bac, donc il a bien fallu que je retourne à l’université pour avoir le niveau nécessaire pour être prof. Et puis un jour, une amie qui bossait au service marketing du SCO m’a expliqué que le club cherchait un speaker, et m’a demandé si j’étais intéressé. Franchement, je ne savais pas trop quoi répondre. Je n’étais pas vraiment sûr de moi, donc j’ai refusé. Puis elle est revenue à la charge et j’ai fini par accepter.
Tu te souviens de ton premier match comme speaker ?
Je ne peux que m’en souvenir. C’était le 11 septembre 2001. Je suis sur la route pour aller au stade quand j’apprends à la radio ce qu’il se passe. Sur le coup, tu ne comprends pas trop. Et, le pire, c’est qu’au début, j’ai même cru que c’était un gag radiophonique, un peu à la manière d’Orson Welles qui avait fait croire aux Américains que les Martiens débarquaient. Sauf que non, malheureusement, on était en pleine réalité. Je ne te raconte pas l’ambiance ce soir-là. D’ailleurs, j’ai totalement oublié le déroulé du match et je ne sais même plus quelle équipe Angers a affronté ce soir-là (victoire d’Angers 3-0 contre Clermont, ndlr). Je me souviens seulement de l’ambiance particulièrement pesante qui régnait à Jean-Bouin.
Tu as ensuite continué à prendre le micro pour les matchs suivants ?
Exactement, et j’ai pu assister au retour au premier plan du club, même si c’est vrai que le parcours du SCO depuis 30 ans est assez chaotique. Mais depuis 2006 et l’arrivée d’Olivier Pickeu comme manager général, on a réussi à s’installer en Ligue 2 avant d’enfin accrocher ce fameux ticket pour la Ligue 1.
Il t’a fallu un peu de temps pour t’adapter à ce rôle de speaker ?
Oui, bien sûr. Même si j’avais l’habitude d’être devant un public, ça restait quelque chose de nouveau et de difficilement comparable. Comme speaker, il faut avoir un côté animateur, mettre l’ambiance dans le stade, mais il faut aussi gérer des aspects marketing et commercial, et au début, je ne savais pas du tout comment j’allais réussir à me débrouiller avec le côté marketing. Et puis finalement, c’est assez grisant. Tu y prends goût.
Comment s’organise ta semaine ? Tu as un autre job à côté ?
Oui. Je ne sais pas comment font les autres speakers, mais a priori tu ne peux pas vivre d’un job qui ne représente qu’une vingtaine de matchs par an, voire un peu plus en cas de bon parcours en Coupe. Moi, ce n’est pas le cas, donc, à côté, je suis prof de français.
Tes élèves sont au courant que tu es le speaker du SCO ?
Oui (rires) ! D’ailleurs, en fin d’année dernière, quand j’arrivais en cours, j’avais le droit à quelques inscriptions plutôt sympas sur le tableau, du genre « Allez le SCO ! » Ça m’arrive aussi d’en voir certains au stade.
À quoi ressemble ta journée type un jour de match ?
Déjà, tu commences par penser au match dès le matin, quand tu te lèves. Tu n’es pas dans la même ambiance que d’habitude, il y a une espèce de tension. Puis tu te replonges dans tes fiches. Après, j’arrive toujours au stade avec deux heures d’avance, pour me plonger dans le match et pour avoir les dernières infos. Je m’imprègne aussi progressivement de l’ambiance du stade. Et je commence à parler dans le micro environ 45 minutes avant le début du match.
Tu observes ce que font les autres speakers ? Certains t’inspirent peut-être ?
Oui, ça m’arrive d’aller à Nantes, à Rennes, à Laval… pour voir comment chacun travaille. Chaque speaker a un peu sa propre manière de faire, même si dans chaque stade, tu retrouves toujours certaines choses parce que tu as quand même un protocole à respecter.
Il faut faire abstraction quand tu te fais traiter d’enculé et relativiser, se dire que ça fait partie du jeu, du folklore
Quelles sont les qualités, selon toi, d’un bon speaker ?
C’est peut-être cliché de dire ça, mais ça me semble d’abord essentiel d’aimer le club que tu représentes. Je ne me vois pas du tout être le speaker de Nantes ou de Rennes par exemple. Impossible. Je pense également qu’il faut être respectueux des supporters, de son environnement, et savoir rester à sa place. Je ne me permettrais pas de donner mon avis sur un joueur ou sur une composition d’équipe. Ce n’est pas du tout mon rôle. Et puis bien sûr, il faut de l’énergie.
Ton meilleur souvenir comme speaker ?
Facile, c’était il y a quelques semaines avec la montée en Ligue 1. En tant qu’habitué du stade, je peux te dire qu’une ambiance comme celle que l’on a connue ce soir-là à Jean-Bouin, je n’avais encore jamais vu ça. Honnêtement, il y avait une sacrée communion entre le public et les joueurs, le stade était en feu. On sait que le public d’Angers est d’habitude un peu sur la réserve et on lui reproche parfois de ne pas être assez supporter, mais ce jour-là, il y avait une ambiance au stade assez incroyable.
Et à l’inverse, le moins bon souvenir ?
Je n’ai pas particulièrement de mauvais souvenirs. Bien sûr, ça arrive parfois d’avoir des moments plus compliqués quand certains supporters se mettent à avoir des comportements assez irrespectueux, même si généralement, ça se passe bien à Angers. Allez, je me souviens peut-être d’un souvenir a priori mauvais qui est devenu bon. Un soir de match, mon micro tombe en panne. Je me retrouve à mimer des animations, à totalement improviser. C’était assez compliqué à gérer. Mais finalement, c’est le soir où on est monté de National en Ligue 2, donc ça reste une très bonne soirée.
Tu as déjà été pris en grippe par des supporters adverses ?
J’essaie d’être accueillant avec les supporters. C’est ce que je fais par exemple en me tenant proche de leur tribune au moment de présenter la composition de leur équipe. Après, bien sûr, ça arrive parfois de recevoir des insultes, tu peux te faire traiter « d’enculé » . Il faut faire abstraction de tout ça, relativiser et se dire que ça fait, d’une certaine façon, partie du jeu, du folklore.
Les speakers sont parfois moqués, plus ou moins gentiment, lorsqu’ils se plantent sur la prononciation d’un nom de joueur. Est-ce que c’est quelque chose que tu travailles avant un match ?
Je travaille évidemment les compos à l’avance, mais il faut rester humble et quelques fois, quand tu es dans l’ambiance d’un match, tu peux te tromper sur une prononciation. Ça peut arriver.
Tu as été élu meilleur animateur de Ligue 2 pour la saison 2013-2014, un prix qui récompense le meilleur speaker. Honnêtement, tu connaissais l’existence de cette récompense avant de la recevoir ?
J’avais déjà été trois fois sur le podium avant de gagner ce prix. Mais c’est vrai que la première fois, lorsque l’on m’a annoncé que j’étais sur le podium, je ne savais même pas que ça existait (rires). En fait, ça comprend plusieurs critères comme l’accueil des supporters, le respect du protocole…
Ça t’a fait quoi de recevoir ce prix ?
C’est forcément une petite fierté. La Ligue m’a donné ma récompense à la mi-temps d’un match, une plaque avec mon nom dessus. Bon, c’était pas une plaque en or, mais ça fait toujours plaisir (rires).
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