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Gilles Cioni : « On ne va pas concurrencer Bonduelle ! »

Propos recueillis par Florian Cadu, à Bastia
Gilles Cioni : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On ne va pas concurrencer Bonduelle !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À l'occasion de son 35e anniversaire, Gilles Cioni revient sur la montée riche en émotion du Sporting Bastia en National 2. Ainsi que sur sa nouvelle vie, qui a davantage lieu dans sa conserverie que sur les terrains de football. Entretien d'un humain amoureux de son club et de sa ville, entre un entraînement terminé et une machine d'usine à aller tester.

Joyeux anniversaire, Gilles ! Alors, il paraît que tu as trouvé un nouveau passe-temps ? La Conserverie de Casatorra, c’est devenu ta vie ?

Cette ville, c’est ma vie. Et l’usine, c’est un héritage familial.

Depuis 2015, j’ai repris cette entreprise familiale qu’a créée mon grand-père. On est trois associés, mais je n’avais pas le temps de m’en occuper auparavant. En revanche, j’y suis tous les jours depuis la chute du club. Je travaille là-bas, quoi. Ma journée classique, c’est 7h à l’entreprise, 9h à l’entraînement, 11h à l’entreprise. Jusqu’à 18h.

De quoi tu t’occupes ?D’un peu tout. De la comptabilité, du secrétariat, de la gestion… Je suis parfois à l’atelier, charlotte sur la tête ! Et parfois, je suis au bureau. Je fais le tour, je suis polyvalent.

Ta reconversion est toute trouvée ! Ça a été compliqué, de passer du ballon à l’usine ?Au départ, c’est très très dur. Mais… Comment te dire ? C’est quelque chose qui me prend aux tripes !

On est sur des recettes corses, des recettes de ma grand-mère. Donc je ne vais pas me mettre à faire n’importe quoi, je dénaturerais l’ADN de l’entreprise.

Cette entreprise existe depuis 45 ans. Et maintenant, oui, ça me plaît. Je prends plaisir à m’y rendre au quotidien et discuter des problématiques de l’entreprise avec mon beau-père, mon cousin, mon frère… De voir, aussi, les réalités économiques de l’île et celles d’une société. Les salaires, les charges… Je me prends au jeu, surtout que c’est viscéral. De toute façon, je ne pourrais pas faire quelque chose en dilettante. Et puis, on est à Bastia. Cette ville, c’est ma vie. Et l’usine, c’est un héritage familial. Donc pas possible de compter ses heures, même le week-end. Ce qui commence à poser problème à ma femme ! (Rires.)

Il y a combien de salariés ?Sept. Mais le but n’est pas de concurrencer William Saurin, attention ! Bon, tu essayes toujours d’être le meilleur. Comme au football, parce que sinon tu stagnes et tu régresses. Jusqu’à ce que quelqu’un d’autre prenne ta place, et te roule dessus. Donc on essaye évidemment d’optimiser le chiffre d’affaires et les bénéfices, mais on ne joue pas dans la cour des grandes entreprises industrielles style Bonduelle.

Heureusement, sinon la qualité des produits s’en ressentiraient sûrement…Oui. On est sur des recettes corses, des recettes de ma grand-mère. Donc je ne vais pas me mettre à faire n’importe quoi, je dénaturerais l’ADN de l’entreprise.

Mais il y a quelque chose qui t’attend au Sporting, non ?Oui, il y a une possibilité de reconversion au club. C’était le deal, quand je suis resté après la descente. On verra dans quel rôle le moment venu, hein. Là, je repars pour un an en tant que joueur et je ne sais pas quand je vais arrêter. Ça dépendra aussi de la situation sportive du Sporting. Est-ce qu’il sera encore en National 2 ? Est-ce qu’il aura obtenu deux montées successives et sera en Ligue 2 ? Différents facteurs entreront en jeu.

Si on parle foot justement, comment as-tu vécu les festivités organisées à Furiani qui ont suivi votre montée en quatrième division ?C’était vivant, mais il y avait également un gros sentiment de soulagement. On a remis la machine en route. Et en même temps, quand je prends du recul, je me dis qu’on était quand même en Ligue 1 il y a deux ans.

Cette folie qui ne s’estompe pas, alors qu’on est tombé si bas… Ici à Bastia, la passion reste.

Et qu’on est quand même descendu bien bas… Ce n’est pas que je n’arrive pas à vivre pleinement le truc ou que je le dénigre, mais je me dis « Putain… » Ce n’est pas moins fort, mais j’ai davantage de retenue. La joie est plus contenue, je ne me jette pas dans la foule comme un dingue. C’est peut-être l’âge qui fait ça. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête que le chemin est encore très long, et que cette montée n’est qu’une toute petite étape de réussie. Ce n’est pas une fin en soi, on décolle juste. Le plus difficile reste à venir. Et pourtant, il ne faut pas que je m’empêche de vivre le bonheur de ce résultat et la communion avec les supporters. C’est un travail à faire sur soi, afin de trouver le bon équilibre.

C’est tout de même assez impressionnant, de voir que les fans sont toujours à fond après une telle chute.C’est ça qui est beau. Cette folie qui ne s’estompe pas, alors qu’on est tombé si bas… Ici à Bastia, la passion reste.

À titre personnel, tu te sens comment sur le terrain ?

Franchement, on a fait une super saison. On a survolé le championnat, on a tenu tête à des grosses équipes en Coupe de France…

Beaucoup mieux que la saison dernière ! C’est psychologique, ça. Quand le mental n’est pas là, comme l’an dernier quand on avait de moins bons résultats et qu’il fallait tout reconstruire, c’est forcément plus difficile. Niveau physique, c’est ok. En fait, ce n’est pas l’âge qui me fatigue, mais le travail à la conserverie. Aller à l’entraînement puis rentrer chez soi, ce n’est pas la même chose qu’enchaîner sur l’usine. Il faut faire vivre l’entreprise, c’est prenant. Les factures, les clients, les fournisseurs… Je me repose moins, et le cerveau est rarement relâché, tu vois ce que je veux dire ?

Le passage en mode semi-pro est éprouvant, c’est ça ?Oui. Enfin, on fonctionne toujours comme un club professionnel avec des infrastructures de pros. Mais mon mode de vie a changé. Et ne pas faire que ça, c’est fatigant pour l’organisme. Du coup, il faut travailler en synergie avec le staff, le coach, le préparateur physique pour être bon le week-end.

En revanche, tu parais beaucoup plus optimiste pour la suite.Parce que les bases de la reconstruction sont bien établies, et ça se ressent sur la pelouse.

La montée en troisième division est la plus dure.

Franchement, on a fait une super saison. On a survolé le championnat, on a tenu tête à des grosses équipes en Coupe de France… On a même été meilleurs dans le jeu que des clubs de divisions supérieures, j’ose le dire ! Lors du septième tour de Coupe de France contre Le Mans par exemple, on mérite amplement de passer. Caen est venu, et a galéré… Maintenant, à nous de nous améliorer encore pour remettre le club à sa place.


Avec une montée en troisième division comme objectif dès l’an prochain ?À mon sens, il s’agit de la plus dure. Dans ce championnat, il n’y en a qu’un qui monte, les équipes qui s’y affrontent sont bien structurées, il y a des réserves de clubs pros qui peuvent justement faire jouer des pros… Mais il faut qu’on embraye par un nouveau titre de champion, de suite !

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Propos recueillis par Florian Cadu, à Bastia

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