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Gilles Bibé : « Ce sont nos familles qui vont être contentes de nous avoir le week-end »
Directeur sportif de l'ACBB (Athletic Club de Boulogne-Billancourt), Gilles Bibé évoque l'impact du coronavirus sur un club amateur comme le sien. Entre chômage technique, questionnements et divorce.
Est-ce que vous aviez remarqué une baisse des effectifs à l’entraînement ces dernières semaines avant que la FFF décide d’annuler tous les matchs de football amateur ? Pas vraiment, non. Cela fait bien 15 jours que le coronavirus est dans l’actualité, mais les effectifs sur l’école de foot comme au foot à 11 n’ont pas bougé. Il y avait la même présence à l’entraînement. Après, sans prétention aucune, nous sommes quand même un club important qui joue à un bon niveau. L’école de foot a par exemple des tournois tous les week-ends ou fait des matchs amicaux contre des équipes huppées. Et puis les parents sont tellement obnubilés par la réussite de leurs enfants qu’ils sont prêts à tout, même si c’est dangereux de les emmener à l’entraînement. De notre côté, nous avions déjà pris des mesures, et les coachs de l’école de foot avaient bien fait passer le message aux jeunes de ne plus se serrer les mains, de bien se laver les mains et d’avoir un minimum de contacts.
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez reçu le communiqué de la FFF qui décidait d’annuler tous les matchs ? À vrai dire, nous avions anticipé. On pensait déjà que ça allait arriver une semaine avant. Désormais, on se demande juste si on va rejouer au foot en compétition cette saison ou pas. Et surtout, comment cela va se passer pour les championnats. C’est la question qu’on se pose. Car il est évident que s’il y a 4 ou 5 matchs de retard, cela va être très compliqué de les terminer. Nous n’avons pas encore eu de réponse officielle, mais il y a des bruits par rapport aux gens que l’on connaît dans les instances de la ligue qui disent que les championnats vont peut-être être gelés. Ce serait donc une année blanche sans montées ni descentes. C’est ce qu’il se dit en tout cas. Ce qui est assez logique finalement, car ils ne peuvent pas prendre le classement tel qu’il est actuellement, car sinon cela va faire jurisprudence. Imaginez une équipe qui est première avec un match en plus, comme c’est le cas pour nos U17 par exemple. Est-ce que les poursuivants auraient gagné leur match en retard ou pas ?
Est-ce que les entraîneurs ont donné un programme aux joueurs pour qu’ils continuent de s’entretenir ?Oui, les coachs vont donner à partir de cette semaine aux joueurs un programme particulier et quotidien à chacun. Ça sera essentiellement du renforcement musculaire, des footings ou encore du fractionné. Et chacun devra envoyer une photo ou une vidéo à l’appui pour prouver qu’il a bien bossé. (Sourire.) Au départ, il y a eu cette limitation à 10 personnes pour faire du sport, mais même ça, c’est compliqué. Sauf si l’on fait des urban foot. Après, tout dépend du temps que l’interdiction va durer. Si cela dure trop longtemps, peut-être qu’en cas de reprise, on pourrait s’orienter sur des groupes de 6 à 8 personnes pour faire du travail foncier. Mais ça, c’est dans un second temps.
Quelle est l’ambiance actuelle au club ?Aujourd’hui (vendredi 13 mars, N.D.L.R.) dans mon bureau, il y avait les coachs de la National 3 et des U17. L’ambiance est plutôt bonne. On prend acte de la décision, et de toute façon, nous ne pouvons rien changer. Nous n’avons donc rien à faire. Sur la première semaine cela peut être « marrant » , mais après, on va vite tourner en rond. D’autant plus qu’il n’y a pas de football à la télévision. Donc pour des fanatiques comme nous, c’est compliqué. Et puis, il n’y a pas de sorties non plus, pas de cinéma, pas de théâtre. Du jour au lendemain, on casse nos habitudes et notre routine et on se retrouve à ne plus rien avoir à faire. Du coup, on part sur des délires entre nous. Du coup, ce sont nos familles qui vont être contentes de nous avoir le week-end. Même si cela peut aussi être source de divorce, peut-être. (Rires.) Habituellement, je suis très peu à la maison, j’ai mon bureau au stade, mais là, je ne vais pas y aller. Il n’y a pas d’intérêt, car il n’y a rien à préparer pour la semaine. On avait commencé à faire des détections, mais du coup, on a tout mis en stand-by.
Quel est l’impact financier pour un club comme le vôtre d’être à l’arrêt total comme cela ? Ironiquement, cela peut être « positif » pour nous d’un point de vue purement financier, même si c’est difficilement mesurable. Les coachs sont payés à la vacation pour la plupart, donc s’il n’y a pas d’entraînements, ils ne sont pas payés. Donc nous allons moins dépenser. Et si nous allons plus loin dans la réflexion et que l’on imagine que les championnats vont être gelés, cela voudrait dire que l’on repart au même niveau que cette année la saison prochaine. Et donc, notre équipe senior resterait en National 3, alors qu’elle est dernière de sa poule (avec 5 points en 12 journées). Donc ce serait tout bénéfice.
Est-ce que vous n’avez pas peur que des sponsors ou des parents vous demandent des comptes ? Pour les licences, cela peut arriver qu’un parent demande. Mais nous sommes une association omnisports, et dans les textes, toute licence prise n’est pas remboursable. Car après, pendant les vacances, nous ne sommes pas obligés de faire séance, mais nous le faisons quand même par exemple. Si on commence à rentrer dans des litiges comme cela, nous nous en sortons plus. En ce qui concerne les sponsors, à l’ACBB, nous avons la particularité de ne pas en avoir. Nous n’avons pas de partenaires et nous n’avons pas le droit de mettre des panneaux au stade pour l’instant, car ce n’est pas joli. Nos subventions proviennent des adhérents par leurs cotisations et de la mairie. Là-dessus, nous avons cette chance, car c’est évident que certains clubs vont devoir rendre des comptes aux sponsors et aux partenaires. Et que cela aura un impact financier pour eux.
Propos recueillis par Steven Oliveira