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  • 26 juin
  • Anniversaire de Gilberto Gil

Gilberto Gil, par amour pour la Seleção

Par William Pereira
Gilberto Gil, par amour pour la Seleção

Connu pour avoir été l'un des leaders du mouvement tropicaliste sous la dictature militaire brésilienne dans les années 60-70, Gilberto Gil fête aujourd'hui ses 73 ans. Et si l'on préfère retenir ses luttes et ses chants, on oublie bien souvent qu'il reste avant tout un gosse émerveillé par le football et la Seleção.

Gilberto Gil est un heureux parmi les hommes heureux. À l’heure de souffler ses 73 bougies, il peut regarder en arrière et constater qu’il a presque tout connu de la Seleção moderne. Évidemment, il a souffert et souffre encore de la maudite raclée infligée par l’Allemagne en demi-finale du Mondial qui devait être celui de son Brésil. Le musicien le vit tellement mal, qu’il raconte sur la chaîne Globo qu’à chaque fois qu’on lui parlait de ce match, il se souvient « de ce match de la Coupe du monde 1954 lors duquel la Hongrie avait infligé un 8-3 aux Allemands » . Comme une sorte de vengeance rétroactive, de pansement spirituel censé dissimuler une plaie encore nettement ouverte. Le fait qu’il se tourne vers un passé riche des sept décennies traversées n’est pas anodin, car Gilberto Gil fait partie des veinards qui ont eu la chance d’assister à tous les sacres mondiaux de la Canarinha.

Quand le jeune Pelé conquiert à seulement 18 ans et pour la première fois le Graal ainsi que le titre honorifique de meilleur jeune du tournoi, le Tropicaliste en a lui 16. Trop jeune pour fêter légalement cette victoire historique comme un adulte, le natif de Salvador de Bahia décide d’enfreindre la loi et se remplit la gourde d’alcool. « Le jour de la première conquête mondiale de mon pays est aussi celui de mon premier coma éthylique » , se marrait-il, il y a quelques années devant les caméras de Globo, avant de reprendre, d’un air grave. « Chaque match de l’équipe nationale en Coupe du monde provoque en moi une altération physique. Je suis dans un état second, je me sens fiévreux. » Il a toujours été comme ça, le Baiano. Dans l’excès. Surtout en amour.

Supporter de Bahia… et de Fluminense… et de Grémio…

Si le foot prend rapidement une place importante dans la vie du jeune Gilberto, comme en attestent ses soirées à « écouter les matchs de la Coupe du monde 1950 commentés par Ari Barroso sur radio Tupi » , il est déjà trop romantique pour n’aimer qu’un club et détester tous les autres. À son premier amour, Bahia, viennent rapidement s’ajouter Grémio et… Fluminense, ce club qui, jadis, n’acceptait quasiment que des « Aryens » sur la pelouse et dans les tribunes. Un paradoxe total pour cet ardant défenseur de la négritude brésilienne, né dans la ville la plus africaine du pays et ancienne plaque tournante de la traite négrière. Si la politique et les contestations occupent une place importante dans les textes du tropicaliste, elles ne débordent jamais sur sa passion pour le football.

Dans le documentaire de Daniel Cohn-Bendit, Sur la Route avec Sócrates, Gilberto Gil explique qu’il n’est pas le seul à se sentir hypnotisé par le sport national. « En 1970, la dictature était à son apogée. La gauche brésilienne, les révolutionnaires, ceux qui se battaient contre le régime… tous ces gens-là imaginaient qu’ils pouvaient faire en sorte que le peuple ne soutienne pas la Seleção, parce qu’en quelque sorte, c’était l’équipe de la dictature. Mais ça n’a pas marché. Ça n’a pas marché… Dès que la balle s’est mise à rouler au Mexique, tous les Brésiliens se sont arrêtés. C’est la balle qui commande. » Dans le documentaire de l’ancien leader d’Europe Ecologie, le musicien tient le même discours concernant les événements de 2013 et 2014. Sauf que dans ces deux derniers cas, il oublie que beaucoup de Cariocas, de Paulistas et de Baianos étaient dans les rues même quand la Canarinha était sur le terrain.

Des « Diretas Ja » aux privilèges du ministère

Le natif de Salvador n’aurait sans doute pas tenu le même discours 30 ans plus tôt, quand, de retour au pays après un exil fructueux à Londres, il s’engage en politique aux côtés de ses amis Sócrates et Lula en prenant part, entre autres, au célèbre mouvement des « Diretas Ja » ( « des élections directes, maintenant). Son envie de lutter, toujours présente quand il devient conseiller municipal de Salvador pour le compte du parti vert en 1989, s’effrite peu à peu quand vient le temps des privilèges. En 2003, il est nommé ministre de la culture par son grand ami Lula et restera en poste jusqu’à 2008. De son mandat, on ne retient que les voyages culturels et, tout de même, une réforme qui redore le blason du cirque au Brésil. Mais c’est tout. Le mythe n’a plus la force ni l’âge pour les grandes révoltes. En 2013, il est invité par la CBF et la FIFA à assister à un match de la Coupe des confédérations à l’Arena Fonte Nova de Salvador et est indigné de ne voir « quasiment aucun noir, aucun métissage, pourtant reflet de notre culture, dans les tribunes à cause du prix des billets » . Le message passe mal.

Ce jour-là, le Baiano est assis en loge aux côtés de Sepp Blatter et le peuple ne le digère pas. À quoi bon sert de balancer des paroles de révolte si c’est pour dîner à la table des voleurs, se questionne-t-on dans le Nordeste. Aujourd’hui, le Brésil respecte l’immense chanteur, mais est déçu par l’homme que le temps a érodé. Mais il est une chose que l’on ne peut lui reprocher. Populaire ou non, en fonction ou non, révolutionnaire ou pas, Gilberto Gil n’a jamais oublié la musique et le football. Les nombreux textes qu’il écrit sur le sport roi (dont Balé da Copa et Balé de Berlim à l’occasion des Mondiaux de 98 et 2006) en sont la preuve. Pour le Brésilien, football et musique cohabitent, voire sont indissociables, surtout sur le territoire le plus titré de l’histoire du ballon rond. En admettant, sur Globo, qu’un genre musical en particulier s’y adapte mieux que les autres. « La samba, de par sa gestuelle, ses mouvements et la joie qu’elle dégage définit parfaitement le joueur brésilien. À ce titre-là, et si Pelé et Garrincha sont aussi des enfants de la samba, le footballeur le plus brésilien que nous ayons connu est Ronaldinho. » Un avis tout sauf surprenant venant d’une légende qui arrose les victoires de son pays d’alcool.

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